
Elles sont rapides, réactives et flexibles. Des atouts essentiels pour naviguer contre vents et marées dans les remous d’une industrie en pleine transformation. Montréal, grâce à un écosystème accueillant, a vu émerger des fleurons comme Hopper et Nesto. Ces entreprises ont su se réinventer et trouver des vents porteurs.
Hopper : du voyage aux services financiers
Fondée en avril 2007 à Montréal, dans le quartier Rosemont, Hopper s’est d’abord fait connaître comme une application mobile de réservation de voyage. L’entreprise a connu une croissance fulgurante avant qu’un nuage noir ne s’abatte : la pandémie de COVID-19 et la fermeture du trafic aérien mondial. Une catastrophe pour l’industrie du voyage. « Nos revenus ont diminué de 95 % le 20 mars 2020, juste après notre meilleur jour de vente », raconte Patrick Surry, qui s’est joint à l’entreprise en 2013 comme responsable des données scientifiques.
Pour survivre et rebondir, Hopper a opéré un pivot radical. Aujourd’hui, 90 % de ses revenus proviennent de sa division Hopper Technology Solutions (HTS), qui conçoit depuis 2021 des solutions fintechs pour l’industrie du voyage, souvent en partenariat avec des banques comme Capital One ou Lloyds.
L’entreprise a transformé sa mission initiale — simplifier et rendre plus abordable les voyages — en une offre de produits financiers complémentaires : options de flexibilité, protections contre les annulations, modèles de remboursement partiel pour des vols et des hôtels non remboursables, etc.
« Nous avons découvert que nous sommes bons parce que nous collectons toutes ces données sur les voyages et les voyageurs, non seulement de nos propres clients, mais aussi des recherches autour du monde, et nous utilisons cela pour créer de nouvelles options pour les voyageurs », a affirmé Patrick Surry en marge du Forum Fintech, tenu en septembre à Montréal.
En collaboration avec Air Canada, Hopper a mis au point un modèle d’options permettant à un client de se faire rembourser un vol non remboursable. La même approche s’applique aux hôtels. Hopper garde une partie du remboursement en cas d’annulation. « L’idée est de générer des revenus via des modèles d’arbitrage, tout en ajoutant de la valeur au consommateur », dit Patrick Surry.
Nesto : l’hypothèque réinventée
Fondée à Montréal en 2018, Nesto est un autre exemple d’une fintech qui a su transformer les obstacles en tremplins. L’entreprise a commencé ses opérations comme courtier hypothécaire en ligne. Elle est ensuite devenue prêteuse, gestionnaire de prêts puis fournisseuse de technologie auprès d’autres institutions financières, même si ces dernières ne sont pas toujours conscientes du rôle que la fintech joue en coulisses.
Son cofondateur et président, Malik Yacoubi, se souvient à ses débuts de s’être fait « virer de bord » par des banques qui trouvaient la fintech trop petite ou parce qu’elles étaient déjà engagées dans leurs propres projets technologiques.
Sept ans plus tard, la donne a changé : Nesto emploie 1 100 personnes à travers le Canada, administre 72 milliards de dollars en prêts hypothécaires et collabore avec la plupart des grandes institutions financières du pays. L’an dernier, elle a fait l’acquisition du Groupe CMLS, une société de financement hypothécaire, pour renforcer ses activités commerciales.
Malik Yacoubi insiste sur la complexité extrême du secteur hypothécaire, à la fois décourageante et fascinante : « Chaque interaction avec un client est l’occasion de recueillir une quantité énorme d’informations sensibles, ce qui exige une structuration rigoureuse et une transparence exemplaire. »
L’ambition de Nesto est désormais de bâtir une plateforme intégrée, « à la manière de Shopify, mais pour l’industrie hypothécaire ». Cette plateforme offrira une expérience fluide de bout en bout aux consommateurs, de la demande jusqu’à la gestion des services. Ce projet prendra encore au moins dix ans à se concrétiser, reconnaît-il. Toutefois, l’intelligence artificielle devrait contribuer à rentabiliser le modèle en accélérant l’automatisation de certaines tâches et en simplifiant le parcours client.
Trois facteurs clés de réussite
Quels sont les facteurs de réussite pour une fintech ? Le CEO de Nesto mentionne trois principes : aller vite (le plus vite possible). Il note que plusieurs jeunes pousses attendent trop longtemps avant de se lancer, ce qui leur nuit.
Deuxièmement, il faut être prêt à pivoter selon les besoins du marché (« On est passé de courtier à prêteur puis à entreprise qui fournit des services en marque blanche à des banques. Mais si on n’était pas passé par ces étapes, ça n’aurait pas fonctionné »).
Troisièmement, la qualité de l’équipe est déterminante. Il faut s’entourer des meilleurs talents. « Tu es aussi bon que ton groupe d’employés », dit Malik Yacoubi. Un défi supplémentaire alors que les talents sont rares et fortement convoités.