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Le Conseil demande également d’inclure le nombre de plaintes dans le calcul des incitatifs et des commissions des équipes de vente. Ces actions sont-elles réalistes ?

En décembre dernier, le CCRRA publiait un rapport issu de la «Déclaration annuelle sur les pratiques commerciales des assureurs canadiens».

L’association d’organismes canadiens de réglementation y constatait que la majorité des assureurs de personnes n’effectuent pas de sondages sur la satisfaction de la clientèle à la suite de plaintes. Or, signale le CCRRA, l’indicateur des plaintes «donne une idée générale du degré de satisfaction de la clientèle».

Le rapport précise qu’un assureur de personnes sur deux effectue des sondages sur la satisfaction de la clientèle. Toutefois, ces sondages ne portent pas sur des demandes d’indemnités, sur des ventes ou sur des plaintes.

En l’absence de sondages, ajoute le CCRRA, les assureurs doivent démontrer qu’ils évaluent correctement leurs performances en matière de traitement équitable de la clientèle (TEC).

«On s’attend à ce que lors d’un examen, les assureurs puissent démontrer de quelle manière ils mesurent la performance de leur entreprise en ce qui concerne le TEC (ce qui n’a pas toujours été le cas)», souligne l’association de régulateurs canadiens.

À l’heure actuelle, une minorité d’assureurs intègrent des critères de satisfaction de la clientèle dans leurs méthodes de calcul d’incitatifs et de commissions des équipes de vente. Ainsi, 1 assureur de personnes sur 4 affirme inclure le volet de la satisfaction des à sa politique de rémunération, comparativement à 1 sur 12 par rapport au nombre et aux types de plaintes reçues.

À ce titre, la position du CCRRA est claire. L’organisme «s’attend à ce que les résultats concernant le TEC soient pris en compte dans la rémunération, les stratégies de récompense et l’évaluation de la performance».

Non et non !

La réaction de Daniel Guillemette, président du cabinet de services financiers Diversico Finances humaines, est catégorique.

«À moins d’être dans un contexte de vente directe, il ne revient pas aux assureurs de mesurer la satisfaction de la clientèle. Étant donné que les conseillers indépendants sont responsables de leurs actes, c’est à nous de le faire. Et si nous ne sommes pas satisfaits des services fournis par tel ou tel assureur, on peut alors privilégier d’autres assureurs», dit Daniel Guillemette.

Autrement dit, le CCRRA n’a pas à suggérer aux assureurs de s’occuper de la satisfaction de la clientèle, ajoute-t-il. «Et encore moins de modifier leurs politiques de rémunération. La satisfaction de la clientèle, ce sont nos affaires!»

Ex-vice-président exécutif chez AXA Canada et maintenant consultant, Robert Landry doute de la possibilité d’effectuer des sondages crédibles auprès des clients.

«En assurance de personnes, le cycle de vente est très long. Il ne donne pas aux clients l’occasion de comparer régulièrement le produit reçu avec ceux d’autres fournisseurs. Par exemple, étant donné qu’on peut renouveler son assurance automobile chaque année, il devient possible d’avoir suffisamment d’informations pour évaluer son assureur. Mais si on a une T10, il est difficile de pouvoir comparer tous les 10 ans», explique Robert Landry.

Outre la durée du cycle de vente, une deuxième raison fait que les sondages d’assureurs sont difficiles à effectuer auprès des payeurs de primes : la nature des services offerts. Si, par exemple, la condition médicale d’un client l’empêche d’être couvert, il serait alors logiquement impossible de demander si le service reçu (dans ce cas-ci, le refus d’assurer) a été satisfaisant.

«Pensons au cas où une réclamation d’assurance contre les maladies graves aurait été refusée à cause de la formulation des maladies couvertes dans le contrat. Comment penser que ces clients pourraient être satisfaits, dans ce cas-ci, de la courtoisie du personnel de leur assureur ?»se demande Robert Landry.

En conséquence, l’ancien cadre supérieur d’AXA Canada propose que les sondages d’assureurs visent d’autres «clientèles» que les payeurs de primes.

«Les assureurs ont intérêt à être informés de la satisfaction de la clientèle. Mais en assurance de personnes, les sondages de satisfaction ne sont pas possibles auprès des utilisateurs finaux. Il faudrait que ces sondages visent les premiers clients des assureurs que sont les conseillers. Car, qui amène les payeurs de primes sinon les conseillers ? Et qui peut le mieux comparer les services des assureurs, sinon les conseillers?» dit Robert Landry.

En revanche, inutile de modifier les méthodes de calcul d’incitatifs et de commissions afin d’y intégrer des critères de satisfaction de la clientèle. «Cela ne tiendrait pas compte de la possibilité que l’assureur soit lui-même fautif. De plus, il serait injuste de pénaliser un conseiller ayant vendu un produit correspondant aux besoins et aux capacités de payer du client à un moment donné de sa vie, alors que la prestation de service de l’assureur aurait été fautive», estime Robert Landry.