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L’automne dernier, l’agent général S_Entiel a rappelé à ses conseillers en sécurité financière que l’assureur ivari «exige une assurance responsabilité minimale d’un million de dollars».

«Si vous détenez un contrat avec ivari, nous vous demandons de vous assurer que votre limite par réclamation est de 1 M$», indiquait S_Entiel.

Aux yeux de Frédéric Perman, vice-président au développement d’affaires de cet agent général, ce rappel était plutôt «inusité», compte tenu de la discrétion habituelle des assureurs à l’égard de l’assurance responsabilité des conseillers.

Comment explique-t-il cette exigence d’ivari ? «Cette demande d’assurance responsabilité minimale de 1 M$ peut être de nature défensive. Depuis environ deux ans, ivari a écrémé son réservoir de conseillers. Ceux qui généraient de faibles chiffres d’affaires ont été éliminés. Les conseillers restants ont un volume d’affaires plus élevé. Leurs clients sont plus riches et sans doute aussi, plus âgés. Et leurs polices ne sont pas toutes récentes», explique Frédéric Perman.

Président-directeur général de l’agent général AFL Groupe financier, Yan Charbonneau souligne que «les assureurs ne s’immiscent habituellement pas dans ce genre de dossier». Mais s’ils le font comme ivari, cela pourrait être dû au fait que «trop de conseillers ont des protections d’assurance responsabilité insuffisamment élevées, par exemple de 500 000 $».

Yan Charbonneau ajoute que «certains conseillers veulent économiser en payant des primes moins chères. Ça pourrait être dangereux en raison de l’impact financier de poursuites qui peuvent théoriquement avoir lieu».

Nouvelle tendance ?

D’après Michel Kirouac, vice-président-directeur général du Groupe Cloutier, ivari est le premier assureur à exiger une assurance responsabilité d’au moins 1 M$.

«Le minimum légal est de 500 000 $. Est-ce que 1 M$ représente une nouvelle tendance ? C’est possible et je ne serais pas contre ce montant, car les capitaux d’assurance sont plus élevés qu’il y a vingt ans. Les poursuites sont rares, mais s’il y en avait, une assurance responsabilité de 1 M$ serait dans l’ordre des choses», dit-il.

Vice-président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), Michael Luciani partage cet avis. «Une couverture d’1 M$ devrait être un minimum. Mais cela dépend des affaires et des licences de chacun. Par exemple, plus il y a de licences, plus il y a de transactions ainsi que de possibilités de risques d’erreurs. Malgré tout, le pourcentage de fautifs dans l’industrie est minime, pour ne pas dire négligeable», indique Michael Luciani.

Les conseillers jouent-ils avec le feu en souscrivant à des couvertures d’assurance responsabilité de 0,5 M$ ? Peuvent-ils être la cible de poursuites impliquant des sommes dans les sept chiffres ?

«Certains conseillers se spécialisent auprès de clientèles qui cherchent des protections avec capital assuré relativement peu élevé. Dans leurs cas, il serait inutile de souscrire des assurances responsabilité de 1 M$. Par contre, d’autres conseillers ciblent les gens d’affaires et à hauts revenus. À ce moment-là, l’assurance devrait dépasser 1 M$», rétorque le conseiller et entrepreneur Marc Bérubé.

Président et associé principal de Coaching Financier Trek, un cabinet où travaillent 12 conseillers en sécurité financière, Marc Bérubé est un spécialiste des entrepreneurs et des professionnels. «En raison du profil spécifique de notre clientèle, chacun de nos conseillers dispose d’une assurance responsabilité prévoyant un minimum de 2 M$ par réclamation», dit l’auteur de Jusqu’au bout, un livre récent, distribué sur le site d’Amazon.

«Le représentant peut écoper»

Associée au cabinet juridique Lavery, l’avocate Evelyne Verrier met en garde les conseillers un peu trop économes en matière d’assurance responsabilité.

«En droit, la tendance actuelle est de considérer les services financiers comme faisant partie des services professionnels, au même titre que les services rendus par les avocats, les comptables ou les médecins. Les risques d’atteintes au patrimoine sont importants et le secteur est de plus en plus complexe. En 2018, on peut assez facilement suggérer des couvertures de 1 M$», dit l’avocate qui coordonne le secteur de la distribution de produits et services financiers de Lavery.

Evelyne Verrier ajoute un deuxième élément de réflexion : en droit, les assureurs ne sont pas «automatiquement» les seuls responsables de situations ayant été préjudiciables aux consommateurs lorsqu’un de leurs produits est impliqué. Loin de là !

«Même s’il y a contrat d’exclusivité avec l’assureur, le cabinet et le représentant peuvent ultimement être condamnés à assumer seuls la responsabilité des dommages causés. En fait, lors de poursuites, le représentant est généralement autant exposé que le cabinet et l’assureur, et il doit se défendre à l’encontre des reproches qui lui sont adressés», dit-elle.

L’associée de Lavery rappelle que quelques causes ont entraîné des poursuites avoisinant les sept chiffres.

Par exemple, l’affaire Roy contre Lefebvre impliquait une poursuite de plus de 1 M$, soit le montant du produit d’une police d’assurance vie tombée en déchéance pour défaut de paiement des primes. L’assuré s’était fait dire qu’il n’y avait plus de primes exigibles.

Une autre affaire réglée hors cour impliquait un représentant poursuivi pour près de 1 M$ pour avoir fait défaut d’expliquer correctement les notions de révocabilité et d’irrévocabilité en matière de désignation de bénéficiaires. Le représentant s’était aussi fait reprocher d’avoir offert un produit inadéquat, causant un manque à gagner lors du décès de l’assuré.

«Ces cas illustrent l’importance pour un représentant et son cabinet de bénéficier d’une couverture d’assurance responsabilité adéquate. Les sommes peuvent atteindre assez facilement 1 M$ lors de litiges impliquant des produits d’assurance», observe Evelyne Verrier.