Le torse d'un homme d'affaire devant une table avec des petits tas de pièces posés devant lui.
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Les investisseurs qui auraient préféré ne pas subir la tourmente boursière de mars dernier auraient bien fait de miser sur les fonds d’actions alternatifs, vedettes de notre palmarès Fundata ce mois-ci.

À la fin du premier trimestre de 2020, alors que l’indice S&P/TSX avait glissé de 20,9 % et le S&P 500, de 12,2 % (en $ CA) selon Morningstar, la plupart des fonds de la catégorie des fonds d’actions alternatifs fléchissaient d’environ 8 %. Les plus performants de ces fonds affichaient même des rendements positifs, notamment le Fonds alternatif de croissance mondiale CI Munro, en hausse de 4,31 % pour la période, et le Fonds de performance Alpha II Dynamique, en hausse de 6 %.

Cette performance remarquable tient à un facteur crucial : la capacité de ces fonds de vendre à découvert, en général à hauteur de 50 % de la valeur de leur portefeuille. « Nous avons fait de l’argent avec nos titres vendus à découvert [shorts] », affirme Nick Griffin, associé fondateur et chef des placements de Munro Partners, à Melbourne, en Australie.

« Nos titres vendus à découvert ont plongé bien plus bas que nos achats réguliers », dit pour sa part Noah Blackstein, gestionnaire du Fonds de performance Alpha II Dynamique, à Toronto.

Évidemment, le défi d’une position à découvert consiste à repérer le moment opportun de la fermer, mais ce n’est pas différent de toute décision d’acheter ou de vendre un titre ordinaire, selon Nick Griffin. « Nous avons fermé nos positions entre la fin de mars et Pâques, et nous nous rendons compte que nous avons bien réussi des deux côtés de l’équation : achats et ventes à découvert », affirme-t-il.

Et tout comme le simple achat d’un titre, la vente à découvert comporte des risques. Un fonds à la performance exceptionnelle comme le Fonds alternatif EHP Sélect, deuxième au palmarès Fundata avec un rendement sur six mois de 9,1 % au 30 juin, manque parfois la cible avec ses ventes à découvert. En janvier et février, peu avant la crise, « nous perdions sur nos ventes à découvert, qui étaient plus en hausse que nos achats », dit Jason Mann, chef de la direction et chef des investissements d’EHP Funds, à Toronto.

Stratégies d’achat

Le succès de tels fonds alternatifs ne tient pas seulement à la sélection judicieuse de titres à vendre à découvert, mais aussi à l’achat de titres performants. Le fonds de Nick Griffin remporte les honneurs de notre palmarès à ce chapitre grâce à sa mise dans les titres technologiques de pointe, comme Amazon, Microsoft, Alibaba, Danaher et ASML Holding. Pour la première moitié de 2020, non seulement le fonds n’a pas fléchi au plus fort de la crise, mais il présente un rendement étonnant de 17,8 %.

Noah Blackstein, pour sa part, a fini la première moitié de l’année avec un rendement très enviable de 6,3 % grâce à sa sélection de sociétés qui investissent dans les technologies de pointe et en tirent profit. On y trouve des titres comme AbbVie, RingCentral et ServiceNow.

Le fonds EHP adopte une tout autre stratégie, axée non pas sur la croissance, mais sur la valeur, et seulement parmi des titres canadiens, où on trouve des noms comme Alimentation Couche-Tard, Québecor et Northland Power.

La vente à découvert est le complément inverse – et essentiel – de toutes ces stratégies gagnantes. Par exemple, « une bonne entreprise qui investit dans sa numérisation, on l’achète ; une entreprise chancelante qui ne le fait pas, on la vend à découvert », dit Noah Blackstein.

De son côté, le fonds EHP évalue l’univers des sociétés strictement à partir d’une matrice d’attributs quantitatifs. « Une entreprise qui présente de bons indices de valeur [ratio prix/trésorerie, ratio d’endettement, etc.], une tendance positive et stable du prix, nous l’achetons. À l’inverse, une entreprise qui apparaît surévaluée, en déclin, volatile, nous la vendons à découvert », explique Jason Mann.

Nombreux outils financiers

La vente à découvert n’est pas la seule caractéristique typique des fonds d’actions alternatifs liquides. Leurs gestionnaires recourent aussi à d’autres outils normalement interdits aux fonds communs classiques, notamment le levier financier, les contrats à terme et les options.

Par exemple, « nous avons acheté des contrats d’options de vente sur le S&P 500 et le NASDAQ, et cela nous a donné beaucoup de protection quand les marchés ont plongé », précise Nick Griffin.

Tous ces outils ne sont pas sans risque, convient Jason Mann. « Nous portons un levier de 1,4 à 1,6 fois [l’actif du fonds], explique-t-il. Nous nous exposons à un risque de synchronisation du marché [market timing], en négociant pour réduire ou rehausser le risque. Nous avons également un risque de concentration en ne tenant que 50 titres en portefeuille. »

Pourtant, la formule donne des résultats probants de performance et de protection du capital. C’est pour cela que la plupart des fonds de la catégorie affichent une cote de risque de faible à moyenne.

Naviguer dans la turbulence

Les conditions de marché exceptionnelles d’aujourd’hui retiennent l’attention de nos trois gestionnaires, mais sans les inquiéter démesurément. Après tout, si les marchés plongent à nouveau, ils disposent des armes pour en tirer avantage. Tout est question de timing, évidemment.

Nick Griffin et Noah Blackstein se concentrent sur les occasions que suscite la pandémie, tout particulièrement dans les secteurs des technologies et des soins de santé.

Nick Griffin mise sur une hausse marquée de la demande dans les secteurs des paiements électroniques, de l’achat en ligne, de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux. « Le commerce électronique a mis 20 ans à se tailler une part de marché de 18 %. Mais il a suffi de six mois pour hausser cette part à 25 %, souligne-t-il. Microsoft affirme qu’on a vu en deux mois l’équivalent de deux ans en transformation numérique. Ces tendances vont seulement se renforcer. »

Pour un investisseur de style valeur comme Jason Mann, le marché actuel pourrait déboucher sur une hausse marquée de l’inflation, « ce qui serait positif pour nous et ce qui veut dire que les investisseurs auraient avantage à favoriser les titres cycliques plutôt que les titres de croissance ».

Chaque gestionnaire cherche la croissance à sa façon, mais tous disposent de moyens efficaces pour sauver la donne le jour où cette croissance fléchit.

Source : Fundata Canada Tableau : finance et Investissement

n.d. : Non disponible

(1) Ratio de Sharpe: un ratio plus élevé indique un rendement meilleur en fonction du risque encouru

(2) Ratio Bêta: un ratio moins élevé indique une volatilité moins grande que celle du marché de référence.