Pénurie de relève en assurance de personnes
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Aux premières loges de l’industrie depuis ses débuts à la Mutuelle d’Omaha en 1993, Christian Laroche estime que les stratégies actuelles de renouvellement des effectifs sont «peut-être vouées à l’échec, car nous ne sommes pas encore assez efficaces pour attirer la jeune relève». Ces stratégies sont impulsées par les assureurs, les réseaux de courtage et les agents généraux.

La première stratégie consiste à acheter des cabinets indépendants. «Cette stratégie ne peut durer indéfiniment, car le nombre d’indépendants est limité. De plus, les organisations n’ont pas toujours les mêmes visions, ni les mêmes façons de faire. Plusieurs acquisitions finissent par échouer par manque de complémentarité. Cette stratégie ne fera, au mieux, que retarder la crise», dit Christian Laroche.

Obstacle à l’expansion

La crise des effectifs dans le milieu des conseillers se fait d’ailleurs sentir chez Aurrea, note Christian Laroche : «On s’en tire très bien dans le centre du Québec. Mais le manque d’effectifs en région freine notre expansion.»

Ainsi, en Abitibi-Témiscamingue, dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, au Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord, les conseillers sont particulièrement rares. À tel point qu’Aurrea doit parfois confier des mandats à des conseillers locaux qui oeuvrent pour des réseaux concurrents. «Nous devons alors instaurer des formules de partage de commissions, ce qui diminue nos marges», dit Christian Laroche.

Avis aux lecteurs amateurs de plein air : les occasions d’affaires abondent en région. «Par exemple, je connais un courtier en Gaspésie qui veut vendre sa pratique. Son chiffre d’affaires est intéressant, et je peux financer l’achat de sa pratique. Le problème, c’est que ça fait déjà trois ans qu’on lui cherche un successeur !» raconte Christian Laroche.

De façon globale, «l’alerte grise est très inquiétante pour l’avenir des conseillers indépendants», selon Christian Laroche. Car sans être aussi aiguë, la pénurie fait son apparition dans des secteurs près des grands centres. «Les difficultés de recrutement de jeunes conseillers sont énormes en région. Mais elles sont importantes partout, peu importe le lieu géographique», résume Christian Laroche.

Le Web comme solution

La deuxième stratégie de renouvellement des effectifs, favorisée par l’industrie, repose sur les nouvelles technologies.

Beaucoup croient qu’Internet sera le «Sésame ouvre-toi !» de la vente des produits et services financiers. Car en principe, rien n’empêche les conseillers de grands centres d’interagir par messagerie instantanée et par Skype avec des clients potentiels situés partout au Québec.

En raison de son expertise, Aurrea devrait logiquement bénéficier de l’engouement de plus en plus considérable des consommateurs pour les achats en ligne. De fait, un grand nombre des quelque 18 000 pistes de vente (leads) générées par Karma Assurance, filiale d’Aurrea, ainsi que par le site Clicassure.com sont transmises à certains conseillers de l’agent général. Toutefois, l’expérience montre que la fourniture de produits et services complexes, comme des assurances vie permanentes et l’élaboration de planifications de retraite, exige bien souvent des rencontres face à face.

«Dernièrement, nous avions une piste de vente concernant un produit d’assurance vie permanente auquel un client de Rouyn-Noranda s’intéressait. Une partie de la transaction s’est faite à distance. Mais il a fallu la conclure par la présence physique d’un conseiller sur place … en se débrouillant pour y être», dit Christian Laroche.

Et «il ne faut pas croire que seuls les boomers requièrent la présence d’un conseiller», ajoute Christian Laroche.

La technologie n’est pas non plus une recette magique de recrutement de conseillers. «Si on pense résoudre le problème par la technologie, on fait erreur. Il n’est pas facile de recruter des conseillers pour faire de la vente en ligne», témoigne Christian Laroche.

Un des obstacles réside dans l’attrait des institutions financières auprès des jeunes diplômés. «La plupart de ces institutions offrent de bonnes conditions salariales et la tranquillité d’esprit. Cela attire bien des gens», observe Christian Laroche.

Chez Karma, les conseillers sont rémunérés à salaires. «On offre de bonnes conditions salariales, concurrentielles à celles des institutions financières. Malgré tout, on a de la difficulté à trouver de la main-d’oeuvre», dit Christian Laroche.

En fin de compte, le renouvellement des effectifs devrait passer par le désir d’entrepreneuriat des jeunes. «Être entrepreneur et le devenir avec l’appui d’agents généraux, voilà la voie à suivre afin d’inciter des jeunes à devenir conseillers indépendants», dit le président d’Aurrea.