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Inquiets des risques à leur réputation, des assureurs font davantage pression sur les agents généraux (AG) afin qu’ils exercent des fonctions de conformité à l’égard des conseillers en sécurité financière et des cabinets indépendants. Où cela mènera-t-il ?

À l’heure actuelle, certains assureurs envoient à des conseillers, et de façon aléatoire, un court questionnaire de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) visant à évaluer la conformité de leurs pratiques. Ce questionnaire s’intéresse notamment aux politiques et procédures concernant la collecte de renseignements, l’analyse écrite des besoins et la remise de lettres explicatives.

Quelques assureurs ont aussi demandé à des AG d’assumer la responsabilité de l’administration de ces sondages.

«Les assureurs veulent de plus en plus que les agents généraux prennent en charge de nouvelles responsabilités de vérification de conformité à l’égard des conseillers et cabinets indépendants en sécurité financière. Cette réalité avance à grands pas», affirme Michel Kirouac, vice-président et directeur général du Groupe Cloutier.

Il précise que des assureurs ont demandé au Groupe Cloutier de faire des audits chez les conseillers et dans les cabinets afin de voir s’ils font bon usage de divers outils de travail tels que les registres de commissions, les registres de plaintes et la tenue de dossiers en général, dit-il : «Nous voulons être proactifs et aider les conseillers et les cabinets à bien faire les choses. Mais nous préférerions que cela ne devienne pas aussi contraignant que dans l’univers des fonds communs de placement avec des visites annuelles ou tous les deux ans.»

Michel Kirouac précise : «Notre rôle actuel consiste à favoriser le déploiement des meilleures pratiques commerciales. Non pas à jouer un rôle d’enquêteur !» Or, il est probable que des assureurs «nous demandent, dès cette année, d’effectuer des visites d’examens de bonnes pratiques, de façon aléatoire en fonction d’un pourcentage prédéterminé de conseillers», dit Michel Kirouac.

«Trop de responsabilités»

D’autres agents généraux constatent, eux aussi, la tendance au transfert, vers les AG, du fardeau de la gestion de la conformité des conseillers indépendants.

Directeur des affaires en prestations du vivant et dossiers avancés chez l’agent général Financière MSA, David Benamron explique que «depuis les deux ou trois dernières années, des assureurs nous demandent de faire des vérifications ponctuelles et de vérifier les bonnes pratiques d’affaires de nos conseillers indépendants. Nous demandons de voir les analyses de besoins ainsi que d’autres formulaires de conformité. Nous devons documenter ces vérifications», dit-il.

Chef de la conformité chez Aurrea Signature, l’avocat Adrien Legault constate «que les services de conformité des assureurs nous demandent depuis quelques années d’en faire plus en matière de conformité et de surveillance».

À titre de directeur de la conformité au Québec du Groupe Financier Horizons, Victor Calixte signale que «depuis deux ans, des assureurs transfèrent des responsabilités de supervision des conseillers vers les agents généraux». Comme les priorités des assureurs ne sont pas identiques, Horizons doit déployer passablement d’énergie afin d’y répondre.

«Chaque assureur a ses exigences et ses priorités. Pour l’un, ce sera la gestion des clientèles orphelines. Pour un autre, la problématique sera différente. Pour l’agent général, c’est laborieux !» dit Victor Calixte.

Président et chef de la direction de AFL Groupe financier, Yan Charbonneau dit que «depuis un an ou deux, des assureurs ont commencé à faire des audits à nos bureaux afin de vérifier les réponses aux questionnaires de l’ACCAP». Yan Charbonneau constate que «l’implication croissante des agents généraux dans la gestion de la conformité des conseillers et des cabinets indépendants est une tendance indéniable». Mais est-elle soutenable au point de vue de la rentabilité des AG ? Selon Yan Charbonneau, «c’est beaucoup trop de responsabilités. On ne nous paie pas pour cela. La gestion de la conformité exerce une forte pression sur nos marges bénéficiaires».

Les petits écoperont

En supposant que les demandes des assureurs se maintiennent et qu’elles s’accentueront à l’avenir, les petits AG auront-ils les ressources humaines et financières suffisantes pour faire face à ce défi ? «Ils pourraient subir des conséquences négatives de cette tendance», dit Yan Charbonneau.

Les plus petits AG subiront énormément de pression, ajoute Michel Kirouac : «Un mouvement de consolidation pourrait se faire à cause de ces obligations grandissantes».

James McMahon, président du Québec de Groupe Financier Horizon, est du même avis : «Les petits AG n’ont pas les moyens de soutenir les efforts de conformité. Ils disparaîtront.»

Une voix discordante

Adrien Legault doute de la volonté de certains assureurs de favoriser des politiques énergiques en matière de conformité chez les conseillers en sécurité financière et les cabinets indépendants. «Les services de conformité des assureurs veulent que la conformité s’améliore. En revanche, des services de ventes de ces mêmes assureurs ont intérêt à ce que l’amélioration de la conformité ne se fasse pas au détriment de certains agents généraux et groupes de producteurs insuffisamment structurés», dit-il.

Par exemple, précise-t-il, plusieurs assureurs veulent éliminer des incitatifs de vente afin de diminuer les risques de conflits d’intérêts. Toutefois, ajoute Adrien Legault, «certains assureurs collaborent avec des agents généraux et des groupes de producteurs dont les modèles d’affaires comportent des conflits d’intérêts». Résultat : un assureur aura bonne presse dans sa gestion des conflits d’intérêts alors qu’il les aura simplement transférés chez l’agent général ou chez ses mandataires, à savoir les producteurs.

«Il m’est difficile de prendre au sérieux la volonté de certains assureurs d’améliorer les pratiques de conformité», dit Adrien Legault.