Deux mains prenant un billet dans la main d'une autre personne.
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Emprunter en donnant en garantie une assurance vie peut offrir des avantages fiscaux et peut être une solution intéressante en planification successorale pour certains individus ou entrepreneurs. Mieux connue sous le nom de «stratégie de financement immédiat», cette stratégie financière et fiscale ne convient pas à tous.

Lorsqu’une personne assurée souhaite accéder aux fonds accumulés dans une police, il est possible, selon le produit, de faire un rachat des fonds, une avance sur police ou de céder la police en garantie d’un emprunt. Si elle est bien structurée, l’utilisation d’emprunts avec une police d’assurance vie en garantie collatérale peut permettre la multiplication des avantages fiscaux tels que la déductibilité du coût net d’assurance pure de l’assurance vie et la déductibilité des intérêts liés à l’emprunt selon l’utilisation des fonds, tout en offrant une protection d’assurance.

Il existe principalement deux types de police d’assurance vie permanente sur le marché permettant d’accumuler de l’épargne : les vies universelles (VU) et les vies entières (VE). Elles permettent l’accumulation de fonds à même la police dont l’imposition des revenus d’impôt est différée, mais peut être assujettie à une taxe provinciale.

Pour mettre en place une telle stratégie, il est préférable de choisir un contrat dans lequel il est possible de capitaliser massivement et d’accumuler une grosse valeur de rachat. Les VE sont les outils de choix pour cette stratégie et généralement, il est possible d’emprunter jusqu’à 90 % de la valeur du placement, à moins de donner des garanties additionnelles.

Avantages fiscaux

Sous un angle fiscal, le fait de donner une police en garantie d’un emprunt n’entraîne pas de disposition de la police. De plus, si l’objet de l’emprunt est de réinvestir soit dans l’entreprise, soit dans des placements qui génèrent du revenu de placement, les intérêts de l’emprunt pourront se qualifier en vertu du paragraphe 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et seront déductibles d’impôt pour l’emprunteur. Il faudra toutefois faire attention de ne pas contaminer le prêt pour ne pas compromettre la déduction.

Le prêt peut être remboursé à n’importe quel moment ou au décès. Lorsque l’institution financière prêteuse exige que ladite police soit donnée en garantie pour couvrir le prêt, les primes de l’assurance vie seront aussi déductibles d’impôt. En réalité, c’est le moins élevé du coût net d’assurance pure (CNAP) ou des primes pures qui peut être déductible d’impôt au prorata de l’emprunt. Par exemple, si une police ayant un capital-décès de 1 M$ couvre un prêt de 250 000 $, en gros, seulement 25 % de la prime sera déductible d’impôt.

Avec une police donnée en garantie d’un emprunt, l’institution financière devient cessionnaire de la police. Conséquemment au décès, elle sera remboursée en premier, avec le fonds du placement ou les liquidités de la police, mais en se servant aussi du capital-décès. Ainsi, le bénéficiaire de la police sera remboursé en second rang, que ce soit un individu, une société ou la succession, d’où l’importance de réviser le testament et les volontés successorales après la mise en place d’une stratégie d’emprunt sur police.

Si la police est détenue par une société, le crédit au compte de dividendes en capital (CDC), soit la portion du capital-décès moins le coût de base rajusté de la police, ne sera pas perdu bien que l’institution financière soit payée avant le bénéficiaire désigné de la police. D’ailleurs, il n’est pas recommandé de mettre cette stratégie en place dans une entreprise opérante, au cas où celle-ci serait vendue.

S’adresse aux clients sophistiqués

Dans le cadre de leur planification successorale, bien qu’ils reconnaissent le fait qu’ils doivent souscrire à de l’assurance vie pour protéger leurs proches et pour assurer à leur succession d’avoir les liquidités requises au moment de leur décès, bon nombre d’individus acceptent mal le fait de perdre accès aux sommes investies dans une police d’assurance vie au détriment d’autres types d’investissements. Le fait de protéger leur succession en cas de décès et d’avoir accès aux fonds investis dans la police d’assurance vie les attire vers cette stratégie. Un entrepreneur ou un investisseur immobilier ayant beaucoup d’actifs et peu de liquidités est souvent attiré par cette stratégie. Cela prend aussi quelqu’un qui a les reins solides financièrement et la capacité financière de payer les primes sans devoir emprunter.

Bref, cette stratégie qui plaît à une clientèle sophistiquée n’est pas sans risques financiers. La hausse des taux d’intérêt ou encore la baisse de valeur de l’actif dans lequel l’emprunt a été investi pourrait compromettre les résultats souhaités. Voilà pourquoi il est important d’assurer un suivi rigoureux et de réviser périodiquement que le capital-décès sera suffisant pour couvrir le solde du prêt et offrir les liquidités nécessaires et requises à la succession. Les diverses déductions fiscales devront aussi être demandées correctement, sans quoi la stratégie ne fonctionnera pas.

*Pl. Fin., D. Fisc., TEP, vice-présidente, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD