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C’est ce qu’a démontré le planificateur financier et actuaire Martin Dupras, président et fondateur de ConFor financiers, à l’occasion du congrès de l’Institut québécois de planification financière, en septembre.

Cette situation s’explique par les règles actuarielles et légales auxquelles est assujetti le partage de la valeur d’un régime de retraite. Le planificateur financier a donné le cas suivant : un client se marie et commence le lendemain à participer à un régime de retraite à PD. Il reste participant durant toute sa carrière, puis prend sa retraite à 60 ans. L’année suivante, à 61 ans, il divorce.

À ce moment, il a droit à une rente annuelle de 36 000 $, laquelle a une valeur de 500 000 $. Cette valeur dépend de différents facteurs, dont les montants versés et l’espérance de vie du participant.

«Durant toute l’union, il était membre du régime. La pleine valeur a été acquise durant le mariage, donc le droit de l’ex-conjoint est de 250 000 $, précise Martin Dupras. Disons que les ex-conjoints sont en grand conflit, que la procédure de divorce traîne et que le partage se fait après cinq ans alors que le participant a 66 ans.» Qu’arrive-t-il alors ?

Faire traîner la procédure crée deux effets qui peuvent chacun amputer la rente du participant au régime.

Le premier effet résulte du changement de l’espérance de vie utilisée aux fins du calcul de la valeur de la rente. «À 66 ans, je suis cinq ans plus proche de mon décès éventuel. La valeur de ma rente n’est donc plus de 500 000 $, mais plutôt de 450 000 $ pour fins d’exemple», note-t-il.

L’autre effet provient du fait qu’il y a des intérêts à payer sur la valeur qui doit être versée à l’ex-conjoint en vertu du divorce. «J’ai une dette de 250 000 $ envers mon ex-conjoint, mais c’était il y a cinq ans. Cette dette porte intérêt et vaut maintenant 300 000 $. Le régime va alors payer 300 000 $ à mon ex-conjoint», explique Martin Dupras.

Arrive alors le moment où le régime calcule la rente à verser au participant maintenant divorcé. Le régime considère que la rente vaut désormais 450 000 $, mais il a versé 300 000 $ à l’ex-conjoint. C’est à partir du solde résiduel, soit 150 000 $, qu’on calculera la rente.

«Dans ce cas-ci, la rente passerait de 36 000 $ par année à 12 000 $ par année. On peut grimper dans les rideaux et dire : « C’est inéquitable ! », mais pendant cinq ans, le participant a reçu une rente trop élevée par rapport à ce qu’il aurait dû recevoir», souligne-t-il.

«Laisser traîner les choses expose le membre du régime de retraite au risque que sa rente résiduelle soit dramatiquement diminuée», ajoute-t-il.

Autres réflexes pertinents

Martin Dupras a également expliqué l’importance, pour un planificateur financier, de développer le réflexe suivant lorsqu’il conseille un client qui sera en cours de divorce et qui est sur le point de toucher la rente de son régime à PD.

Selon lui, il y a un écart entre la valeur d’une rente différée et la valeur d’une rente immédiate. La première est généralement inférieure à la seconde. «Le jour où le participant au régime de retraite commence sa retraite, il n’est pas rare que la valeur du fonds de pension augmente.»

Qui dit valeur plus élevée dit valeur partageable en vertu du divorce également plus élevée. «Si mon client est le participant au fonds de pension et qu’il me dit : « Je pars à la retraite, mais il y a un divorce dans l’air », je vais lui répondre : « Monsieur ou Madame, attendez un peu avant de prendre votre retraite ».»

Pas de cadeau au RRQ

Lorsqu’on conseille un client qui s’apprête à négocier les termes de son divorce avec le père ou la mère de ses enfants, on devrait l’informer d’un risque d’iniquité dans le partage de la rente du Régime de rentes du Québec (RRQ), d’après Martin Dupras.

Ce risque peut survenir lorsque des gains partagés entre ex-conjoints couvrent des années qui auraient été exclues de toute façon pour l’un des conjoints. «Ça arrive parfois lorsqu’il y a des enfants dans le portrait et qu’un des conjoints a passé plusieurs années à la maison sans aucun revenu», indique Martin Dupras.

Revenons sur les règles du RRQ lorsque survient une séparation légale. Le RRQ partage automatiquement les gains inscrits à son registre durant l’union, à moins que les ex-conjoints n’y renoncent expressément, a précisé le planificateur financier lors du congrès de l’IQPF.

L’iniquité peut surgir entre autres lorsqu’un des deux conjoints peut exclure de la période cotisable de base utilisée aux fins du calcul de sa rente les mois où il a reçu une prestation familiale à l’égard d’un enfant de moins de sept ans et qui sont compris dans une année pour laquelle ses gains admissibles sont nuls.

Lorsque le conjoint qui a cessé de travailler profite de cette exclusion, l’effet sur les rentes totales des deux conjoints pourrait être négatif. En clair, la hausse de la rente après partage du conjoint qui s’est occupé des enfants est inférieure à la baisse de la rente après partage du conjoint qui a continué de travailler.

«Dans un tel partage, le vrai gagnant, c’est le RRQ», souligne Martin Dupras. Il recommande fortement de demander à Retraite Québec une évaluation des effets du partage.

Dans le cahier du participant au congrès, Martin Dupras illustre le cas d’un couple où le partage n’est pas intéressant : «Les rentes mensuelles totales payables à chacun des conjoints, à 65 ans, auraient été de 1 143 $, n’eût été le partage (239 $ pour Madame et 904 $ pour Monsieur). Advenant un partage des gains inscrits au registre, les rentes mensuelles totales payables à chacun des conjoints, à 65 ans, passeraient à 1 078 $ (443 $ pour Madame et 635 $ pour Monsieur). Il en résulterait un gain net mensuel pour le régime de 65 $ ou un gain net annuel de 780 $.»

Pour éviter que le RRQ ne soit le grand gagnant du divorce, Martin Dupras propose d’écarter le partage, mais qu’un conjoint compense l’autre pour la perte de sa rente.

«Cette compensation pourrait se faire sous différentes formes telles qu’un transfert additionnel de REER», lit-on dans le cahier du participant.