Photo.: Louis-Charles Dumais

Jonathan Durocher a pris les rênes de la Financière Banque Nationale Gestion de patrimoine (FBNGP) en mai dernier, en pleine pandémie.

Si le contexte de son arrivée au sein d’une entreprise où le contact humain est important n’était pas idéal, le principal intéressé affirme que les choses se passent « extrêmement bien ». Il multiplie les communications virtuelles avec les conseillers plutôt que de sillonner le pays pour les rencontrer.

« Ce qui aide beaucoup, c’est le travail extraordinaire que Martin Lavigne [qu’il a remplacé à titre de président de la FBNGP] et l’équipe de la Financière ont accompli au cours des dernières années, et le fait que je connais bien toute cette équipe puisque j’ai travaillé pratiquement 11 ans avec elle. »

Jonathan Durocher dirige ainsi la FBNGP, un courtier qui compte 834 conseillers et conseillers associés, et dont l’actif sous gestion (ASG) est de 110 G$. Celui-ci était de 106,3 G$ à la fin de février 2019.

Il s’agit d’un retour aux sources pour Jonathan Durocher, qui a amorcé sa carrière en 2003 à la Financière Banque Nationale (FBN) comme responsable de la conformité. Ce rôle, qu’il a occupé jusqu’en 2005, l’a amené à travailler auprès des conseillers en placement de l’extérieur du Québec.

Après un bref séjour chez Invesco dans le secteur de la vente, de novembre 2005 à novembre 2006, Jonathan Durocher poursuit son parcours à la FBN.

De 2006 à 2014, il y travaille dans le secteur de la gestion de patrimoine. Dès le départ, il va sur le terrain, un peu partout au pays, en compagnie de conseillers en placement afin de présenter l’offre de gestion de patrimoine à une clientèle fortunée.

Cette expérience est l’un des moments clés de sa carrière, selon lui. « J’ai fait 143 présentations en 18 mois à de riches investisseurs alors que j’avais 25 ans, et se faire dire oui, ou non, se faire challenger constamment, ça m’a beaucoup ouvert les yeux. »

On le met graduellement à contribution dans différents dossiers stratégiques, y compris les acquisitions de Wellington West Holdings et de Valeurs mobilières HSBC, en 2011. Puis, en septembre 2014, Jonathan Durocher, alors âgé d’à peine 33 ans, est nommé président de Banque Nationale Investissements (BNI).

« Jonathan Durocher est un premier de classe avec toujours la bonne réponse et le bon réflexe. Il le fait sans aucune attitude et tout le monde aime travailler avec lui », signale Martin Gagnon, coprésident et cochef de la direction, FBN, et premier vice-président à la direction, Gestion de patrimoine, Banque Nationale.

Martin Gagnon a été son patron durant près de cinq ans, et il fut auparavant son collègue pendant cinq ans. « Il réussit à dénouer des impasses et à réaliser des choses qui ne s’étaient jamais réalisées, ce qui explique ses multiples promotions malgré son jeune âge », ajoute-t-il à propos de Jonathan Durocher.

Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président, FBN, évoque aussi son côté « humble » et « accessible ». Il signale de plus son « hyper- activité » et sa « curiosité » insatiable. « [Il] peut me parler d’une dizaine de tendances qu’il a captées au Canada et aux États-Unis. Il connaît tout ce qui se fait en matière d’innovations dans notre industrie », dit-il.

Puis il ajoute : « Conjugué à sa fibre d’intrapreneur, il ose introduire certains de ces concepts pour faire grandir la firme. »

L’une des fiertés de Jonathan Durocher tient dans la quantité d’innovations dont ont pu bénéficier les clients. Le lauréat de la catégorie « Moins de 40 ans » du Top 25 de l’industrie financière au Québec de Finance et Investissement, en 2014, évoque les programmes de gestion discrétionnaire qu’il a contribué à développer, et le concept d’architecture ouverte « qu’on a amené à un tout autre niveau chez BNI ».

Sous sa conduite, la direction de BNI s’est donné comme mission de trouver le meilleur talent aux quatre coins du monde pour gérer ses mandats, plutôt que de le faire du siège social, explique Jonathan Durocher.

Ce concept d’architecture ouverte, il compte maintenant l’étendre à l’écosystème de la FBNGP, cette fois en matière de technologie, de soutien et de ressources, plus spécifiquement en ce qui a trait aux « plateformes technologiques pour les conseillers ».

« On doit aller chercher du talent technologique, que ce soit auprès de fintechs, de fournisseurs américains de technologie, ou même de conseillers qui auraient développé des pratiques innovantes », poursuit-il.

Évoquant la pandémie, Jonathan Durocher rappelle qu’elle a forcé tout le monde à passer à l’action, ce qui a mené à une forte hausse de l’adoption de technologies dans les six derniers mois.

« Ç’a forcé une curiosité sur toute la technologie qui était disponible, mais parfois sous-utilisée. C’est vrai chez nos conseillers, mais la clientèle et nos investisseurs ont également emboîté le pas. Ils ont parfois même poussé cette discussion auprès de nos conseillers. »

Bien qu’il juge que son entreprise possède « les meilleures plateformes de gestion discrétionnaire et à honoraires au pays », Jonathan Durocher est d’avis qu’un nouveau cycle fait actuellement évoluer les responsabilités du conseiller en gestion de patrimoine vers un rôle de coach financier pour son client.

Il croit d’ailleurs que la phase de conversion vers la gestion discrétionnaire est arrivée à maturité. « Il y a eu un très gros virage qui a amené des conseillers en placement à devenir gestionnaires de portefeuille. À une certaine époque, nous étions 12 gestionnaires de portefeuille enregistrés à la FBN, contre environ 350 maintenant. Quant à la valeur des comptes à honoraire, elle est passée de 4 G$ à environ 80 G$. »

Pour Jonathan Durocher, bien que la gestion de patrimoine et la gestion de portefeuille resteront présentes, le conseiller devra pouvoir dire à son client s’il est en phase avec ses objectifs de vie.

Il voit d’ailleurs un alignement entre cette tendance, les besoins exprimés par les clients et l’environnement réglementaire. Particulièrement en ce qui a trait aux changements prévus dans le cadre des réformes axées sur le client qui modifient le Règlement 31-103.

« On demande aux conseillers de bien connaître les produits financiers dans lesquels leurs clients sont investis, puis de regarder leur situation complète avant de leur faire une recommandation. Pour nous, ça résonne bien. »

Le conseiller, pour être un coach financier, devra bien connaître la personne et son âme familiale, estime Jonathan Durocher. Et selon lui, ce virage-là, « nos conseillers ont déjà commencé à l’emboîter et nous y poussent ». Il sera générateur de croissance à la FBNGP et dans l’industrie.

La FBNGP déploiera cet automne un nouvel outil technologique de planification financière par objectifs de vie, mis à jour en temps réel grâce aux données clients disponibles. Il permettra de constater si la planification financière est toujours adéquate en fonction des changements du marché et des habitudes du client.

« Nous avons regardé partout sur les marchés canadien et américain, sans trouver le fournisseur capable de répondre vraiment aux besoins du marché canadien. Alors nous avons décidé de le développer à l’interne », raconte Jonathan Durocher au sujet de ce projet très attendu des conseillers et amorcé il y a quatre ans. Il le pilote avec Éric-Olivier Savoie, qui lui a succédé à quelques reprises au cours de sa carrière, soit dans des postes de direction chez FBNGP et plus récemment comme président de BNI.

Jonathan Durocher et son équipe devront aussi s’assurer de la mise en place adéquate du logiciel de gestion de clientèle Salesforce. « Je pourrais énumérer un paquet d’affaires sur lesquelles on travaille, et chaque fois c’est la techno au service de l’humain, pour enlever la bureaucratie de l’administration et permettre aux conseillers d’avoir des contacts proches avec leurs clients », dit-il.

Objectif : croissance

La FBNGP a connu une belle croissance depuis plusieurs années, affirme Jonathan Durocher, qui la situe au cinquième rang des plus grands courtiers de plein exercice au Canada. « Notre objectif est d’aller chercher le quatrième rang et de continuer à monter, dit-il. Cela peut se faire en donnant des outils et des ressources à nos conseillers afin de les aider, ou en faisant des acquisitions ciblées de conseillers qui cadrent avec notre culture. »

Pour y arriver, il devra compter sur les conseillers, dont le nombre d’entre eux ayant un code de représentant est passé de 764 à 703 de mars 2017 à février 2020, soit avant l’entrée en poste de Jonathan Durocher. Durant cette période, l’actif, qui se chiffrait à 101 G$, a atteint 111 G$, soit une croissance plus lente que celle d’un groupe de cinq courtiers de plein exercice comprenant la FBNGP.

L’ASG des activités québécoises de la FBNGP a crû à un rythme semblable à celui de ses pairs, mais pas l’ASG de ses activités dans les autres provinces. Ce dernier a stagné durant cette période, passant de 40,5 G$ à 40 G$, notamment parce que le nombre de conseillers diminuait de 347 à 295.

Toutefois, l’ASG par conseiller dans ces provinces a augmenté à un rythme supérieur à celui de ses pairs, passant de 116,7 M$ à 135,6 M$ durant la même période.

« On a l’intention de travailler sur des conseillers qui aiment notre culture entrepreneuriale jumelée à la force d’une banque. On aime la business des conseillers en placement et on le dit haut et fort », clame Jonathan Durocher.

Pour croître ailleurs qu’au Québec, la FBNGP a aussi l’intention « de maintenir le cap, parce que la Banque Nationale à l’échelle du pays est bien représentée par la Financière, qui a pignon sur rue un peu partout. »

Marqué par la bulle techno

« Passionné de finance comportementale, Jonathan nourrit constamment sa curiosité et, comme vulgarisateur hors pair, partage ses réflexions sur les médias sociaux avec un succès impressionnant », témoigne Éric-Olivier Savoie. Il qualifie son collègue de « travailleur acharné qui ne ménage aucun effort pour le succès de ses collègues, des conseillers et des clients ».

Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal, Jonathan Durocher a obtenu ensuite, tout en travaillant, un diplôme de deuxième cycle en finance à l’Université McGill et un MBA à l’Université de Sherbrooke.

Son intérêt marqué pour la finance comportementale et le rôle du conseil découle en bonne partie des soubresauts qui ont secoué les marchés boursiers au début des années 2000, alors qu’une bulle spéculative a nui aux « valeurs technologiques », dont des titres tels que celui de Nortel.

Il confie que des membres de sa famille en ont subi les contrecoups. « Ça m’a marqué, car j’ai vu à quel point le monde du placement et de la gestion de patrimoine était émotif et pouvait également entraîner des conséquences extrêmement graves. »

Jonathan Durocher est d’avis que les besoins en matière de conseils financiers n’ont jamais été aussi présents que maintenant. « En pleine COVID-19, les gens cherchaient des conseils en finance personnelle. » Il s’agit d’un besoin de base, dit-il en évoquant la pyramide de Maslow.

« Il croit vraiment à la valeur ajoutée du conseil, et il réussit à pousser nos conseillers vers l’excellence. Il a une belle vision de l’avenir de cette profession, et c’est pourquoi je lui ai confié le poste de président de la FBNGP », déclare Martin Gagnon.