Un père qui tient son enfant à bout de bras devant une maison.
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Quand on évoque la motivation au travail, on lui associe souvent la rémunération. Or, l’argent a son importance, mais il apporte une motivation à court terme. Pour rester motivé de façon durable, le plaisir et le sens doivent faire partie de l’équation. « ­Cela vaut pour vos clients et cela vaut pour ­vous-mêmes », a déclaré le psychologue ­Jacques ­Forest aux participants du congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), tenu en septembre.

Jacques ­Forest, professeur au ­Département d’organisation et ressources humaines de l’Université du Québec à ­Montréal (UQAM), a fait du lien entre l’argent et le bonheur au travail son sujet de prédilection. Ses recherches démontrent que les récompenses financières ne forment pas le vecteur le plus puissant de la performance.

« ­Les récompenses telles que le salaire et les bonis n’engendrent pas le meilleur type de motivation », affirme le spécialiste. Selon lui, les personnes qui sont motivées principalement par l’argent se nuisent à ­elles-mêmes, car plus la motivation associée à l’argent est élevée chez une personne, plus les conséquences sont négatives sur les plans émotionnel et comportemental.

Dans le cadre d’une étude, le chercheur a mesuré l’influence des bonis versés aux employés de l’entreprise de jeux vidéo ­Ubisoft à ­Montréal sur leur motivation au travail. Il a constaté que les primes augmentaient l’épuisement professionnel chez les employés en créant des effets pervers. Les employés s’efforçaient de remplir les critères pour les obtenir. Certains « trafiquaient » même leurs résultats pour cocher les bonnes cases. Chez plusieurs d’entre eux, le désir d’obtenir des bonis engendrait une augmentation de la consommation de substances nocives telles que la caféine, la nicotine et l’alcool.

« ­Le plaisir et le sens sont de meilleurs prédicteurs de performance et de ­bien-être, ce sont nos meilleurs alliés. Ils amènent du positif dans notre cerveau et dans nos agissements », signale le psychologue, qui appuie ses recherches sur la théorie de l’autodétermination.

Selon ­celle-ci, la motivation repose sur trois ingrédients essentiels : l’autonomie, la compétence et l’affiliation. Ces trois besoins fondamentaux suscitent la satisfaction au travail lorsqu’ils sont exprimés de la bonne façon.

L’autonomie permet de percevoir des choix à l’intérieur de certaines limites. Il s’agit par exemple de la liberté dont vous disposez dans le cadre réglementaire qui régit votre pratique. La compétence donne envie de se fixer des objectifs, de relever des défis et d’influencer. L’affiliation correspond au besoin de se sentir en relation avec d’autres personnes. Lorsque ces besoins sont comblés, ils augmentent les conséquences positives et diminuent les aspects négatifs des éléments de la motivation.

Comment augmenter la motivation

Selon le chercheur, on peut augmenter la qualité de la motivation, pour ­soi-même et pour la clientèle. « ­Les individus sont naturellement motivés, mais certaines tâches procurent plus de plaisir. Quand vous les exécutez, vous ne voyez pas le temps passer. Vous atteignez votre pic de concentration. L’idéal est d’occuper un emploi qui augmente cette motivation, car elle est le meilleur prédicteur du ­bien-être. »

La première chose, donc, pour savoir si vous avez fait le bon choix de carrière est de vous demander si votre travail vous rend heureux. Cet indicateur peut être utilisé également pour repérer ce qui pousse les clients à réaliser certains projets, comme se lancer en affaires ou prendre leur retraite. Vous pouvez ainsi les interroger sur ce qui les passionne dans la vie.

Après le plaisir, le deuxième ingrédient nécessaire pour trouver le bonheur au travail est le sens. « ­Le plaisir au travail assure le ­bien-être, mais il ne suffit pas à garantir la performance. Le travail doit avoir un sens pour la personne qui l’accomplit et concorder avec ses valeurs », indique ­Jacques ­Forest. Il s’agit par exemple de l’énergie qui amène à donner son sang ou à se brosser les dents tous les jours, illustre le psychologue. On se sent poussé à l’action par une force supérieure. Elle fait ressentir qu’on crée une différence dans la vie des gens. « ­Il s’agit d’une motivation puissante, car elle s’inscrit dans la durée. Elle fait que l’on poursuit ses efforts, même si la tâche arrête d’être agréable. Ce type de motivation, qui incite à effectuer certaines tâches par intérêt et non par obligation, a une influence positive sur le mental. »

Certaines formes de motivation peuvent entraîner des conséquences négatives, comme l’ego démesuré, l’orgueil mal placé et le souci extrême de la réputation. Ces moteurs peuvent d’un coté pousser à vouloir se dépasser et à développer un sentiment de fierté, ce qui est positif, mais ils peuvent aussi engendrer des comportements d’évitement nocifs. Par exemple, ils peuvent nous pousser à exécuter une tâche pour s’en débarrasser et non pas parce qu’elle nous intéresse. Ce type de motivation est de courte durée et engendre un coût émotionnel élevé. « C’est comme appuyer sur l’accélérateur tout en actionnant les freins », assure le spécialiste.

Jacques ­Forest met en garde contre les clients qui sont motivés uniquement par l’argent et dont l’objectif est de s’enrichir rapidement. « ­Plus on est animé par ce type de motivation, plus il y a des conséquences négatives telles que l’épuisement professionnel et le cynisme, qui débouchent sur une réduction de l’efficacité professionnelle », rapporte l’expert. Les personnes animées principalement par la réputation et l’argent n’ont pas la capacité de se déconnecter du travail. Le hamster tourne sans arrêt dans leur tête. Elles risquent d’avoir des comportements antisociaux de tricherie, de mensonge et de contournement des règles.

On associe souvent à tort certains types de motivation à des professions. Par exemple, les infirmières et les enseignants seraient animés par le désir d’aider les autres, tandis que les vendeurs seraient davantage motivés par l’argent. Il s’agit de préjugés, indique ­Jacques ­Forest. Les recherches ne permettent pas de trouver de différence dans la motivation selon le type de profession. « ­Peu importe la langue, la génération, la profession, si vous êtes principalement animé par les récompenses financières, il y aura des conséquences négatives pour vous et autour de vous. Vouloir gagner de l’argent n’est pas mal en soi, mais il faut s’assurer que l’argent soit un vecteur de plaisir et de sens.