Un homme d'affaire avec une calculette à un bureau sur lequel sont posés des documents.
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Autrefois réservée aux fonds spéculatifs (hedge funds) et aux placements privés, la rémunération de performance fait son apparition dans certains fonds négociés en Bourse (FNB) et fonds communs de placement (FCP) avec l’arrivée des fonds alternatifs liquides. Voici les bases afin d’aider les conseillers à la comprendre.

La définition de frais de gestion peut varier d’un type de fonds à l’autre. Pour un FNB, il s’agit de la rémunération du gestionnaire, du dépositaire et de tous les fournisseurs de services retenus par le gestionnaire. Ces coûts fixes réduisent directement le rendement du fonds. Rappelons que le client assume ces frais, que le portefeuilliste affiche ou non un rendement positif.

Dans le cas présent, on examine plutôt les frais de performance, et plus particulièrement les déclencheurs de performance. Par exemple, certains gestionnaires vont proposer un taux de rendement minimal qu’un gestionnaire doit surpasser avant de pouvoir toucher une rémunération de performance, ce qu’on appelle un hurdle rate. Quant au high water mark (HWM), il s’agit de la valeur maximale historique observée par un fonds. Le gestionnaire de ce fonds pourrait toucher une rémunération de performance seulement s’il surpasse cette valeur.

Démonstration chiffrée

Jacques Lussier, CFA, auteur et ancien chef des placements d’Ipsol Capital, nous suggère l’exemple d’un client qui investit 100 000 $ auprès d’un gestionnaire. En l’absence de frais, si le rendement brut se situe à 10 %, le client aura donc 110 000 $ au bout d’un an.

Que survient-il si le gestionnaire facture plutôt des frais fixes annuels de 1 % en plus d’un hurdle rate de 5 % et d’une bonification de performance de 20 % ? Le client paiera des frais de performance de 20 % sur tout rendement qui dépasse 5 % (donc au-delà de 105 000 $), et ce, après avoir payé des frais fixes de 1 %.

La valeur nette du portefeuille après frais fixes sera de : 110 000 $ – (1 % x 100 000 $) = 109 000 $ ; et après frais variables, elle sera de : 109 000 $ – ((109 000 $ – 105 000 $) x 20 %) = 108 200 $. Ce montant devient la première valeur maximale enregistrée, que l’on désigne du nom de high water mark.

Le client a donc payé des frais effectifs de 1,8 % et dégagé un rendement net de 8,2 %. «Plus le rendement sera élevé, et plus ces frais effectifs augmenteront. Par exemple, à 20 % de rendement brut, le coût effectif serait de 3,8 % pour un rendement net de 16,2 %», illustre Jacques Lussier.

Si on revient au premier exemple, avec un rendement brut de 10 %, dans le cas du high water mark, cela signifie que le gestionnaire ne peut pas facturer de frais variables tant que le fonds ne dépasse pas cette valeur, soit 108 200 $. Supposons que ce même fonds connaît un rendement négatif de 3 % durant la période suivante ; sa valeur va maintenant s’établir à 104 954 $, soit 108 200 $ x 0,97.

La valeur nette, après frais fixes, sera alors de 104 954 $ – (1 % x 108 200 $) = 103 872 $. Il n’y aura pas de frais de performance, car celle-ci est négative. La performance nette est donc de -4 % durant cette période.

Ainsi, le gestionnaire ne pourra prélever de frais de performance avant que le rendement du portefeuille non seulement redevienne positif, mais également qu’il soit supérieur à la valeur maximale historique. «Pour ce fonds, il faudra donc que la valeur après frais fixes excède à nouveau 108 200 $ + le hurdle rate de 5 %, soit 113 610 $. Si le fonds enregistre une telle performance, cela deviendrait le nouveau HWM», souligne Jacques Lussier.

Les frais fixes, les frais variables et le hurdle rate sont déterminés par le gestionnaire et réduiront le rendement de l’investisseur, comme l’illustre notre exemple. «La décision d’appliquer ou non un HWM relève également du gestionnaire», ajoute Jacques Lussier. Cette rémunération dépendra aussi de la complexité de la stratégie adoptée, de la popularité du gestionnaire, de son historique de rendement, sans oublier ce qu’offre la concurrence.

À la fin de janvier, 27 nouveaux fonds alternatifs sont apparus sur le marché. Leur ratio des frais de gestion s’établit, pour plusieurs d’entre eux, de 0,8 % à 2,25 %, selon le rapport «Investor Economics – Insight Advisory Service» de Strategic Insight. Plusieurs firmes facturent des frais supplémentaires de performance de 10 % à 20 % en fonction d’un HWM.

Bon ou mauvais ?

Il y a peu d’arguments qui justifient l’application de frais de performance à des fonds en gestion passive où l’on réplique le rendement d’un indice ou du marché, d’après Jacques Lussier. Comparons un FNB de titres à grande capitalisation américaine qui coûte 10 points de base (pbs) par année avec un FNB semblable en gestion active avec risque faible ayant des frais fixes de 0 %, mais 10 % de frais de performance sur tout rendement positif. Il n’y a pas de hurdle rate pour ce dernier fonds.

«Si vous êtes un investisseur à long terme et que vous espérez un rendement de 6 % ou 7 % du marché boursier, vous échangez la certitude de payer 10 pbs contre la probabilité de payer de 60 à 70 pbs en moyenne sur une variable que le gestionnaire ne contrôle pas, soit le rendement du marché. Considérant l’effet des rendements composés sur la richesse, cela n’a pas de sens de payer ces frais variables», dit-il.

Donc, une structure de frais variables doit être cohérente avec la structure de frais fixes d’un produit similaire. «Est-ce que je préfère la certitude de payer 10 pbs ou est-ce que je choisis plutôt de payer 2 % du rendement réalisé ? Si le marché cette année-là fait 5 %, je serai indifférent [2 % x 5 % = 10 pbs], explique Jacques Lussier. Mais si je pense que le marché aura une meilleure performance que 5 % au cours des prochaines années et que j’ai un horizon à long terme, je vais pencher pour les frais fixes de 10 pbs.»

La décision se complique lorsqu’on analyse des produits plus sophistiqués et axés sur la gestion active. Dans un tel cas, on pourrait vouloir partager le risque de gestion avec le gestionnaire. Il faudra alors tenter de déterminer quelle portion de la performance est attribuable au marché et quelle portion l’est à la gestion active du portefeuilliste. Les stratégies de type long/short où l’on achète des titres sous-évalués et l’on vend des titres surévalués en font partie. On souhaite généralement réduire au minimum l’exposition au marché tout en générant un alpha positif ou, si vous préférez, un rendement excédentaire par rapport à un indice de référence.

Si la performance est peu attribuable au marché et davantage à la gestion active, en principe, les frais de performance pourraient être plus élevés. «N’oublions pas le facteur chance. Il faut évaluer la capacité du gestionnaire à livrer un rendement positif à long terme. Moins de 20 % des gestionnaires battent leur cible sur cinq ans en moyenne», observe Jacques Lussier.

Attention également aux fonds qui pratiquent une gestion active basée sur une approche factorielle. On recherche une performance excédentaire basée sur des facteurs comme la valeur, le momentum, la qualité, la taille, la volatilité, la liquidité. «Ces stratégies sont devenues très communes. Avant d’opter pour un produit avec des frais de performance variables, on doit le comparer avec un fonds semblable avec des frais fixes et des facteurs similaires», ajoute-t-il.

Zéro frais fixes, la panacée ?

Que penser d’un FNB qui propose aux investisseurs de ne payer aucuns frais de gestion fixes et seulement des frais de performance variables ? Cela diffère grandement de ce qui existe dans l’industrie des fonds communs de placement, où l’on paie des frais de gestion fixes d’environ 1 % à 2 % par an. «Cela semble effectivement attrayant pour le client, puisqu’il ne paie rien si la performance n’est pas au rendez-vous. Ces gestionnaires supposent qu’ils seront capables de générer assez de rendement pour payer leurs salaires», indique Richard Guay, professeur titulaire de finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Lorsque les frais de performance sont très élevés, par exemple 50 % du rendement excédentaire par rapport à un indice de référence, il pourrait y avoir une incitation pour le portefeuilliste à prendre plus de risque. «Si le rendement de mon fonds est très volatil, mes chances de dégager des frais de performance sont bonnes. Que je produise -2 % ou -30 % de rendement, je ne suis pas plus pénalisé. Par contre, si je prends plus de risque et que je frappe un coup de circuit générant du +30 %, je mettrai alors 15 % dans mes poches», souligne Richard Guay. Ce dernier indique que l’investisseur qui accepte de payer des frais de performance doit exiger qu’un mécanisme de high water mark soit mis en place. Quant au hurdle rate, il oscille généralement entre 5 % et 10 % et devrait se situer minimalement au-dessus du taux des obligations gouvernementales.

«Proposer une rémunération de performance sans frais de base peut faire bel effet sur papier, mais il sera intéressant de voir dans cinq ans et plus comment cela se traduira pour les investisseurs, affirme Mark Barnicutt, CFA et président et chef de la direction de HighView Financial Group. Selon moi, les attentes suscitées seront accueillies avec le même sentiment de déception que dans le cas des hedge funds ces dernières années.»

L’entreprise ne croit pas à la rémunération de performance, puisqu’elle encourage la prise de risque plutôt que son atténuation par les gestionnaires. Dans le cas de la high water mark, il faut également nuancer les choses, croit Mark Barnicutt : «Même s’il semble intéressant de rémunérer le gestionnaire seulement lorsque son fonds dépasse la valeur maximale historique, on ne rembourse pas pour autant à l’investisseur tous les frais de performance déjà perçus lorsque surviennent des périodes de sous-performance.»