Une femme d'affaire intéressée qui prend des notes entre deux hommes d'affaire.
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Outils précieux pour certains clients, les fonds distincts ne conviennent pas à tout le monde. Voici un aide-mémoire qui vous aidera à les considérer avec confiance et vous motivera à devenir un pro des fonds distincts.

Qu’est-ce qu’un contrat de fonds distinct ?

Un contrat de fonds distinct, c’est «la rencontre d’un fonds commun de placement et d’un contrat d’assurance», selon Justin Ezekiel, directeur, planification fiscale et successorale chez Placements mondiaux Sun Life, à Vancouver.

Plus précisément, un contrat de fonds distinct est un contrat de rente émis par une compagnie d’assurance vie et réglementé par la Loi sur les sociétés d’assurances du Canada ou par la loi provinciale le cas échéant. Les contrats de fonds distincts comportent deux éléments:d’une part, un placement en commun (similaire à un fonds commun de placement) et d’autre part, un contrat d’assurance/rente qui protège contre la perte du capital investi quand un contrat arrive à échéance. Selon la loi, un contrat de fonds distinct doit garantir un remboursement d’au moins 75 % du capital initial à la maturité de la garantie; beaucoup offrent une garantie de 100 %. Généralement, les contrats de fonds distincts ont une durée avant maturité de 10 à 15 ans, avec option d’en «réinitialiser»la durée à intervalles réguliers (spécifiés par le contrat) pour cristalliser les gains.

Le titulaire du contrat (ou détenteur) souscrit le contrat de fonds distincts. Le titulaire du contrat peut être la vie assurée (souvent appelé «rentier»par plusieurs assureurs) – la personne assurée sur la tête de laquelle le contrat repose – ou la vie assurée peut être une autre personne, comme le conjoint légal du titulaire ou le conjoint de fait ou autre. Au décès de la vie assurée, la valeur du fonds – le dépôt original plus tout bénéfice ou moins toute perte provenant des gains ou pertes du marché – est versée, exonérée d’impôts, au bénéficiaire.

Au décès de la vie assurée, le contrat de fonds distincts se termine automatiquement et la garantie au décès s’applique. Il offre également une garantie de remboursement d’au moins 75 % du capital initial.

Avantages des contrats de fonds distincts

L’avantage le plus évident des fonds distincts est probablement leur garantie:les investisseurs ayant une faible tolérance au risque peuvent trouver rassurant de savoir que la totalité de leur investissement initial, ou une partie de celui-ci, est protégée, particulièrement en période de turbulences financières.

Certains conseillers remettent en question la valeur réelle de ces garanties. Historiquement, les marchés ont été en hausse pendant la plupart des périodes de 10 ans. Depuis les années 1920, par exemple, le S&P 500 a connu un rendement annuel moyen d’environ 10 % sur toute période donnée de 10 ans.

«Je n’ai jamais vendu de fonds distincts, excepté pour des fins de planification successorale, affirme Cindy David, présidente du Cindy David Financial Group, de Vancouver, parce que je me dis:“Pourquoi payer une compagnie d’assurance pour qu’elle offre une garantie qu’elle est très à l’aise d’offrir” [parce qu’elle n’a presque jamais eu à la payer] ?»

Pourtant, pour les clients qui préfèrent qu’au moins une partie de leur portefeuille soit en placements garantis, les fonds distincts fournissent cette garantie ainsi qu’un potentiel de rendements plus élevés que ceux des certificats de placement garantis bancaires grâce à la possibilité d’investir dans les actions. Étant donné les avantages fiscaux résultant de l’obtention de gains en capital plutôt que de revenus d’intérêt, les contrats de fonds distincts peuvent représenter un choix pertinent pour les clients ayant une faible tolérance au risque.

Al Jones, président d’A. Jones Wealth & Estate Planning, à Barrie, en Ontario, déclare que la vraie valeur des fonds distincts vient de leur souplesse en tant qu’outils de planification et de leur statut de produits d’assurance, qui procurent des avantages comme une éventuelle protection contre les créanciers et la possibilité de désigner des bénéficiaires.

Protection contre les créanciers

Les actifs d’un contrat de fonds distincts – détenus dans un compte enregistré ou non – sont généralement protégés contre les créanciers lorsqu’un bénéficiaire désigné a été nommé et que cette désignation est appropriée. Cela peut faire des contrats de fonds distincts un produit attrayant pour les propriétaires d’entreprise susceptibles de faire l’objet de réclamations personnelles de la part de créanciers.

Au Québec, pour obtenir cette éventuelle protection du vivant du titulaire, le bénéficiaire désigné devra être le conjoint légal du titulaire du contrat, marié ou uni civilement – mais pas le conjoint de fait –, ou l’ascendant du titulaire (parents, grands-parents, arrière-grands-parents, etc.) ou le descendant (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, etc.), ou toute personne nommée à titre de bénéficiaire irrévocable.

Toutefois, les comptes enregistrés tels que les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) bénéficient également d’une protection générale contre les créanciers en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui peut rendre les contrats de fonds distincts moins intéressants (du point de vue de la protection contre les créanciers dans ces provinces).

Rapidité, contrôle et confidentialité

Étant donné que les contrats de fonds distincts sont des produits de rente, les titulaires de contrat peuvent désigner un bénéficiaire ou des bénéficiaires de leurs actifs, que les fonds soient dans des comptes enregistrés ou non. Cela signifie qu’au décès de la vie assurée d’un contrat de fonds distinct, le placement est transmis hors de la succession, et donc, évite l’homologation, indique Al Jones. En outre, l’argent est généralement versé au bénéficiaire en quelques semaines, alors que le règlement d’une succession peut prendre des mois ou des années.

On peut également utiliser les contrats de fonds distincts comme stratégie pour esquiver les conflits de famille ou pour les atténuer, selon Al Jones. En effet, il est plus ardu de contester une désignation de bénéficiaire qu’un testament.

(Dans l’affaire Calmusky c. Calmusky [2020], un juge de la Cour supérieure de l’Ontario a toutefois tenu compte des intentions testamentaires d’une personne décédée en désignant un bénéficiaire d’un fonds enregistré de revenu de retraite [FERR], mais n’a pas pris en considération la législation provinciale sur les successions qui autorise la désignation de bénéficiaire – ce qui permet principalement de contester avec succès la désignation d’un bénéficiaire. Notez que cette décision ne s’applique pas au Québec.)

Les désignations de bénéficiaire sont généralement confidentielles. Dans le cas du contenu d’un testament, sa confidentialité, au Québec, dépend de la forme du testament et du demandeur de l’information. Par conséquent, les contrats de fonds distincts peuvent constituer un important outil de planification successorale pour les clients qui se préoccupent de la confidentialité ou pour ceux qui veulent léguer différentes sommes d’argent aux enfants ou parents sans que les autres membres de la famille en soient informés. Si un investisseur s’inquiète de léguer un gros montant d’argent à un enfant potentiellement irresponsable, il peut structurer la prestation de décès de ce contrat en une rente qui versera à cet enfant un montant mensuel garanti. Le client pourrait atteindre le même objectif avec une fiducie, signale Al Jones, mais ce processus est plus contraignant, généralement plus coûteux et moins avantageux sur le plan fiscal.

La possibilité de désigner un bénéficiaire est particulièrement intéressante dans la province de Québec, où la désignation de bénéficiaire des comptes enregistrés n’est pas autorisée, ajoute Serge Lessard, vice-président adjoint régional, Québec, services de fiscalité, retraite et planification successorale à Gestion privée Manuvie, à Montréal. À titre d’exemple, il est nécessaire de choisir d’investir son REER dans un contrat de fonds distinct pour permettre une désignation de bénéficiaire au Québec.

Inconvénients des fonds distincts

Un désavantage important des fonds distincts est leur coût plus élevé. Le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) affirme que les ratios des frais de gestion des fonds distincts sont généralement plus haut de 50 à 150 points de base que ceux des fonds communs de placement. Cependant, pour les fonds distincts qui offrent les meilleures garanties, les coûts supplémentaires peuvent se justifier par la confidentialité et le contrôle ainsi que par le gain de temps et les économies sur les frais d’homologation et d’administration de la succession (à l’extérieur du Québec) qu’offrent les fonds distincts, mentionne Marie Gauthier, chef, tarification et produits de placement garantis à Gestion de placements Manuvie, à Montréal.

Pour les plus jeunes investisseurs davantage intéressés par l’accumulation de richesse et moins concernés par la planification successorale ou la protection contre les créanciers, le coût supplémentaire d’un fonds distinct peut ne pas être pertinent. Al Jones dirige pour sa part généralement les jeunes clients vers les fonds communs de placement, puis les fait passer graduellement aux fonds distincts à mesure de l’évolution de leurs besoins. Quand les plus jeunes clients se marient, divorcent, ont des enfants puis des petits-enfants, lancent une entreprise ou commencent à s’orienter vers la protection du patrimoine, le décaissement et la planification successorale, les fonds distincts peuvent être un choix judicieux.

Cindy David considère que les contrats de fonds distincts sont trop rigides et trop compliqués en raison de leur période d’échéance minimale de 10 ans et de leurs contrats complexes. «Ils sont déconcertants, ils sont chers, et les gens pensent souvent qu’ils achètent quelque chose qu’ils n’achètent pas, dit-elle. Parfois, les gens ne sont pas conscients qu’ils obtiennent une garantie de seulement 75 % [par exemple] ou qu’ils ne peuvent pas retirer de fonds sans nuire à la garantie.»

Lire aussi: Comment les fonds distincts sont-ils imposés? 

Pour certains contrats de fonds distincts, par exemple, «les clients peuvent penser qu’ils obtiennent un rendement sur leur capital de 5 % garanti à vie, alors qu’en réalité, ils obtiennent un remboursement de leur capital de 5 %», affirme Cindy David.

Préoccupations concernant la divulgation des frais et l’arbitrage

Finalement, on peut se préoccuper de l’arbitrage réglementaire des conseillers enregistrés à la fois à titre de représentants en assurance de personnes et de représentants en épargne collective (fonds communs) qui orientent les clients vers les fonds distincts afin de tirer profit des frais et des commissions plus élevés, même si les produits ne sont pas adéquats pour leurs clients. Les contrats de fonds distincts sont soumis à des exigences différentes, et probablement moins sévères, en matière de divulgation des frais que les fonds communs de placement. Une situation qui peut faire que les clients ont plus de difficulté à comprendre combien ils paient pour investir dans ces produits.

Dans le souci de régler ces questions, le CCRRA a créé en 2015 un Groupe de travail sur les fonds distincts pour assurer une approche uniforme en matière de divulgation entre les fonds communs de placement et les fonds distincts, et pour évaluer la possibilité d’arbitrage réglementaire. Dans un «Énoncé de position»publié en décembre 2017, le CCRRA a déclaré n’avoir trouvé aucune preuve d’arbitrage malgré des anecdotes suggérant le contraire. L’énoncé de position déclare:«Cependant, afin de protéger les consommateurs, le CCRRA cherche à modifier les normes de manière proactive lorsque nécessaire pour que les intermédiaires soient peu incités à faire passer leurs propres intérêts avant ceux de leurs clients.»En juin 2018, le CCRRA a publié un prototype de relevé de fonds distincts qui comprend des sections pour la divulgation des taux de rendement personnel, des frais du fonds, des commissions et des commissions de suivi liées aux services-conseils, ainsi que des garanties applicables au contrat.

Les besoins du client doivent guider

Cindy David suggère aux conseillers et aux investisseurs de bien se documenter sur les avantages et les inconvénients des fonds distincts. L’assurance vie, par exemple, peut atteindre bon nombre des mêmes objectifs que les fonds distincts, tout en offrant certains avantages fiscaux. De plus, elle évite également le processus de succession et d’homologation; elle est versée exonérée d’impôts au bénéficiaire et peut bénéficier de la protection contre les créanciers. En général, il est plus ardu de contester le bénéficiaire désigné d’un contrat d’assurance vie.

Cindy David encourage aussi les conseillers à investir temps et énergie pour obtenir les deux permis leur permettant de vendre tant des produits d’assurance que des fonds communs de placement – mais pas juste pour avoir plus de produits à vendre:«Assurez-vous d’être un conseiller, pas un vendeur».

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