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Les turbulences du cyclone appelé COVID-19 ont-elles validé les séduisantes promesses des nouveaux fonds d’investissement alternatifs liquides ? Ç’a parfois été le cas, mais pas toujours.

Distribués aux clients de détail depuis janvier 2019, ces fonds ont des stratégies complexes, peuvent utiliser des produits dérivés et avoir recours aux ventes à découvert et aux effets de levier. Ils peuvent également favoriser une concentration élevée de titres détenus en portefeuille. Ils sont généralement moins liquides que les fonds traditionnels.

Les spécialistes de la mise en marché aiment les présenter comme moins corrélés aux stratégies traditionnelles et, de ce fait, plus aptes à affronter d’éventuelles baisses de marché.

Les auteurs des premiers bilans de cette famille de fonds font preuve d’un optimisme prudent.

« Plusieurs » fonds alternatifs grand public se sont bien comportés entre le 20 février et le 29 mai, et plus particulièrement lors de la période de chute des marchés entre le 20 février et le 20 mars, conclut une étude publiée en juin par l’équipe de l’analyste James Gauthier, d’iA Valeurs mobilières (iAVM).

Cela dit, les écarts de rendements sont significatifs. Par exemple, parmi les fonds de marché neutre ou ciblant les actions, le pire a enregistré – 21,8 % pour l’ensemble de la période considérée, comparativement à un gain de 8,1 % pour le meilleur du groupe. « Le choix du bon fonds est crucial tout comme la compréhension de sa stratégie », écrit James Gauthier.

Une autre étude, cette fois de Richardson GMP, accorde aux fonds alternatifs grand public une note de B+. Par rapport à la note de F donnée pour l’année 2018 par cette même firme, le renversement est radical.

L’étude relève aussi les grands écarts de performance entre les fonds : « Une partie de ces écarts provient de la diversité des stratégies employées, mais cela souligne également l’importance de choisir les bons gestionnaires. »

Selon deux praticiens en gestion de patrimoine, les fonds alternatifs liquides ont confirmé les attributs mis de l’avant dans leurs publicités.

« Certains craignaient la catastrophe, notamment à cause de la liquidité plus limitée des fonds alternatifs. Que serait-il arrivé si les épargnants avaient voulu retirer leurs billes ? Cette catastrophe n’a pas eu lieu. Les fonds alternatifs ont réussi leur premier grand test, celui de la réalité de la diversification et de l’atténuation de la volatilité », dit Jean Morissette, consultant et ex-associé fondateur de Talvest.

Il n’est cependant pas prêt à donner au secteur sa totale confiance : « Pourquoi tel fonds a-t-il réussi à tirer son épingle du jeu, alors que d’autres ont fait mauvaise figure ? Difficile d’y répondre, car les stratégies sont opaques. »

L’information concernant ces fonds est insuffisante, selon Jean Morissette : « La description des stratégies est trop générale. Par exemple, on ne sait pas dans quelles circonstances tel fonds diminuera le risque. On ignore dans quelles circonstances – marché haussier ou baissier ? – ces fonds amplifieront les résultats. Autrement dit, on ne sait pas comment ni quand ces fonds pourraient être bénéfiques à leurs clients. »

Membre de plusieurs comités de retraite, le consultant Marc Saint-Pierre ne dit pas autre chose : « Le grand problème de ces fonds, c’est qu’on y trouve de tout. Tout est mélangé. Comment comparer des fonds ciblés d’actions de type alternatif entre eux si l’un est concentré en actions canadiennes, alors qu’un autre mise sur les actions américaines ? Et que recouvrent les mandats des fonds multi-stratégies ? Leur contenu est très obscur. »

Selon lui, « la rigueur des fonds alternatifs destinés aux investisseurs institutionnels n’a pas encore touché le secteur des fonds alternatifs vendus au grand public ».

L’industrie doit y voir, d’après Jean Morissette : « Le danger consiste à se brûler les doigts. Les investisseurs individuels pourraient se détourner de ces produits s’ils n’y comprennent rien et si les résultats ne correspondent pas à leurs attentes. Les gestionnaires de fonds doivent expliquer leurs stratégies. Le temps des road shows n’est pas fini ! »