Un homme d'affaire regardant un avion s'envoler.
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Depuis le 3 janvier, les manufacturiers de fonds communs ont l’autorisation formelle d’offrir aux investisseurs de détail des placements alternatifs liquides (PAL), une avenue qui pourrait s’avérer fort attrayante pour les conseillers.

«Nous voyons la venue des PAL comme le développement le plus positif et le plus significatif depuis fort longtemps pour l’industrie canadienne des fonds communs», juge Paul Holden, analyste d’actions, chez Marchés des capitaux CIBC. Au Canada, l’analyste prévoit que le marché des PAL va atteindre des actifs sous gestion de l’ordre de 100 G$ au cours des trois à cinq prochaines années.

Déjà, le marché canadien compte 14 fonds communs PAL, presque tous lancés avant le 3 janvier et ayant bénéficié d’une exemption particulière de la part des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dit Robert Lemon, directeur exécutif, marché des actions, également chez Marchés des capitaux CIBC.

Les PAL sont de la même nature que les placements alternatifs (PA) classiques. Cependant, ils se distinguent essentiellement des PA par leur liquidité. Là où ces derniers n’offraient le plus souvent qu’une liquidité annuelle, les PAL rendent celle-ci hebdomadaire ou quotidienne, parfois mensuelle.

Aux États-Unis, où les PAL ont déjà un long historique, les actifs dans les PAL sont passés de 83 G$ US en 2008 à 218 G$ US cinq ans plus tard. Selon Paul Holden, les PAL «combinent les meilleurs aspects des fonds communs (liquidité, transparence, etc.) à ceux des fonds de couverture (hedge funds) : rendements non corrélés, stratégies d’atténuation de risque, etc.»

Aux États-Unis, l’analyste observe les constantes suivantes. La demande pour les PAL s’avère la plus forte quand les rendements des actions sont faibles. Il en est de même quand les marchés sont relativement fragmentés, impliquant qu’il y a place pour plusieurs concurrents. C’est aussi le cas quand l’actif sous gestion est réparti au moyen de nombreuses stratégies d’investissement. Enfin, les fonds avec de solides rendements attirent de l’argent même quand le «bêta» général du marché s’avère bon (le bêta fait référence à la performance d’un fonds par rapport à son indice de référence).

Recours abondant

Toutes ces caractéristiques peuvent rendre les PAL attrayants pour les investisseurs de détail, tout comme les placements alternatifs (avec liquidité restreinte) se sont avérés attirants pour les investisseurs qualifiés et les investisseurs institutionnels. «Je compte les utiliser beaucoup», affirme Francis Sabourin, gestionnaire de portefeuille et directeur, gestion de patrimoine, chez Richardson GMP.

Francis Sabourin utilisait déjà abondamment les placements alternatifs dans ses portefeuilles à gestion discrétionnaire pour investisseurs qualifiés, «mais désormais, les PAL vont nous faciliter la vie», dit-il.

«Tous les PAL sont intéressants, lance Peter Tsakiris, président, Services financiers Whitemont. Les gens commencent à en parler parce que les taux sont bas depuis 10 ans et on essaie de trouver d’autres façons que les avenues traditionnelles (essentiellement les titres obligataires) de créer du revenu.»

Ces produits offrent une volatilité supérieure à celle des obligations (6,7 %), reconnaît Peter Tsakiris, mais «c’est nettement plus bas que celle des actions !» Toutefois, la volatilité peut aussi être inférieure à celle des obligations. «Je me rappelle qu’à l’époque où nous avions investi dans une stratégie de fonds de fonds de couverture (avec une valeur nette mensuelle et une liquidité aux deux mois), la volatilité ressemblait à celle des obligations.»

Attention : si les PAL sont tous intéressants, ils ne sont pas tous égaux. «Ils sont comme le vin, commente Francis Sabourin : il faut connaître chacun des produits. Un Sauternes avec un steak, ce n’est pas indiqué ; avec un foie gras, oui.» Par exemple, un produit peut contribuer plus spécifiquement à réduire la volatilité, tandis qu’un autre accroîtra plus spécifiquement le revenu.

On trouve des PAL dans presque toutes les catégories alternatives, comme l’immobilier, les infrastructures, les placements agricoles, mais aussi dans diverses stratégies de fonds de couverture, notamment les approches marché neutre ou les options et contrats à terme. Cependant, Peter Tsakiris étudie plus attentivement les PAL dans l’immobilier et les infrastructures, et privilégie avant tout les fonds PAL multi-stratégies.

«On a toujours évité les mandats qui ont une seule stratégie, parce qu’il peut y avoir de longues périodes où certains secteurs peuvent perdre en intérêt et présenter beaucoup de volatilité. Si on s’oriente vers les PAL, c’est surtout pour réduire la volatilité totale des portefeuilles, et cela tient essentiellement à leur faible corrélation avec les deux autres principales catégories d’actifs (actions et obligations).»

Peter Tsakiris juge que les PAL «peuvent trouver [leur] place partout» dans les portefeuilles de ses clients, mais il privilégie une approche qu’on pourrait qualifier de «combinée». «Il ne faut pas vendre uniquement dans la part obligataire d’un portefeuille, ni uniquement dans la part des actions pour aller dans les actifs réels, dit-il. Je prendrais plutôt une portion de 5 % dans le revenu fixe et 5 % dans les actions de croissance plutôt que de mettre 10 % dans le revenu fixe ou 10 % dans les actions.»