Les émetteurs des fonds devraient s’autodiscipliner dès maintenant pour s’assurer qu’il en soit ainsi et ne pas attendre que les régulateurs interdisent aux courtiers à escompte de distribuer des fonds de série A.

Ainsi, sur le plan réglementaire, les firmes de courtage à escompte ne sont pas autorisées à fournir du conseil ni des recommandations d’investissement. Pour le moment, le conseil en valeurs mobilières est un acte réservé à un conseiller en chair et en os.

Or, de nombreux courtiers à escompte qui exercent leurs activités au Canada offrent des fonds de série A sur leurs plateformes. Les investisseurs autonomes qui en achètent par l’intermédiaire de ces courtiers se trouvent donc à payer une commission de suivi pour des conseils qu’ils ne reçoivent pas et qu’ils ne cherchent pas à avoir.

Cette double facturation est absurde et, bien qu’elle soit financièrement intéressante pour l’industrie des fonds d’investissement, elle nuit à son image ainsi qu’à celle des réseaux de distribution. Comment peut-on justifier cette pratique inéquitable ?

Ce genre de pratique ne peut qu’attiser la colère des groupes de défense des investisseurs, alimenter le cynisme des consommateurs et inciter les régulateurs à s’en prendre à l’industrie.

Or, cette façon de faire ne date pas d’hier. Par exemple, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dans le document de consultation 81-407 publié en décembre 2012, montraient du doigt ce problème. L’industrie a eu le temps nécessaire pour s’autodiscipliner, mais aucune mesure massive et répandue ne semble avoir été prise en ce sens.

Pourtant, des solutions sont possibles. Dans un mémoire déposé auprès des ACVM en juin 2017, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) a proposé que les parts de série A ne puissent être vendues que dans les réseaux de distribution où le conseil est autorisé.

«Ceci réduit le conflit d’intérêts lorsque les investisseurs paient des commissions de suivi complètes (incluant le paiement des conseils) aux courtiers à escompte qui ne peuvent fournir de conseils», peut-on lire dans son mémoire.

Il est juste de rappeler la croissance du nombre de fonds communs de série D, série destinée aux clients des firmes de courtage à escompte en ligne qui ne paie pas de conseils. Cette série, dont les frais sont moindres que ceux de la série A, a fait l’objet d’une certaine promotion de la part de courtiers à escompte. Ces courtiers exécutants pourraient certainement promouvoir davantage les fonds de série D.

La valeur estimative des titres de série D détenus dans des comptes de courtiers en ligne et de courtiers exécutants à la fin de 2015 se chiffrait à 4,6 G$, mentionnaient les ACVM dans le document de consultation 81-408, citant ainsi Investor Economics. C’est une fraction des 30,2 G$ en actif de fonds communs détenus à la même date par l’intermédiaire de ces courtiers.

«On constate que la majorité des séries de titres [de fonds communs] distribuées par les courtiers en ligne et les courtiers exécutants comportent des commissions de suivi intégrales malgré l’accessibilité accrue sur le marché de séries de titres de fonds à rabais pour les investisseurs indépendants, habituellement appelées série D», lit-on dans le document 81-408.

Selon Strategic Insight, on comptait 504 fonds communs de série D (online/discount) à la fin de décembre de 2017. C’est bien peu par rapport aux 5 397 fonds communs ayant une série F et aux 4 807 fonds offerts en série A.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) poursuit ses travaux, en collaboration avec les autres membres des ACVM, afin de déterminer les mesures réglementaires à privilégier pour mitiger les enjeux soulevés dans le document 81-408. «Notre objectif est toujours de rendre publiques les orientations réglementaires dans les meilleurs délais possible», indique un porte-parole de l’AMF.

Pour des raisons commerciales, il peut être logique de limiter le nombre de fonds offerts en série D et de réserver certains fonds communs aux réseaux de distribution avec conseils. L’argument est valable, bien qu’il ne permette pas d’accroître la démocratisation de ces fonds d’investissement.

Si un client d’un courtier à escompte décide quand même de souscrire à un fonds de série A, il doit en être pleinement conscient et comprendre l’impact de ce coût supplémentaire récurrent sur la valeur de son patrimoine à long terme. Cela l’incitera peut-être à aller chercher du conseil financier ou à privilégier d’autres produits.