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Les fonds négociés en Bourse (FNB) obligataires se multiplient. En gestion active, une stratégie n’attend pas l’autre. Comment choisir entre un FNB indiciel et un FNB actif ? Quelles sont les forces et les faiblesses de ces types de fonds ? Nos experts se prononcent.

Depuis une dizaine d’années, les FNB obligataires sont le segment qui connaît la plus forte croissance parmi les FNB. «Dans cette catégorie, on constate que les FNB à gestion active gagnent beaucoup de terrain», souligne Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale.

Ainsi, à la fin d’avril 2019, les FNB à revenu fixe gérés activement représentaient presque la moitié (49 %) du nombre de FNB obligataires et 27 % des actifs sous gestion.

Alors qu’il est très difficile pour un gestionnaire actif de battre les indices d’actions américaines, il semble y en avoir davantage qui réussissent à tirer leur épingle du jeu dans le revenu fixe. Il faut bien sûr observer les rendements après les frais de gestion ; ceux-ci sont plus élevés lorsqu’il y a une stratégie active plutôt que la reproduction d’un indice.

«Malgré un faible engouement pour la gestion active au cours des dernières années, l’attention suscitée par les FNB obligataires gérés activement n’est pas sans fondements», croit Daniel Straus.

Il cite notamment une étude de Morningstar Direct qui révèle que 63 % des gestionnaires actifs de fonds communs de placement à revenu fixe (y compris les FNB obligataires) battaient le rendement médian de leurs pairs en gestion passive sur une période de cinq ans (données au 31 décembre 2016). Dans le cas des fonds d’actions, la proportion chutait à 43 %. «Et les résultats sont assez semblables plus récemment», confirme Daniel Straus.

Quant aux derniers rapports SPIVA (pour S&P Indices Versus Active), même si les résultats des gestionnaires actifs obligataires sont un peu plus convaincants, on peine à battre les indices après les frais de gestion. Bien souvent, la surperformance correspond à peu près aux frais de gestion…

Cependant, l’idée ici n’est pas de déterminer si la gestion active est supérieure ou non à la gestion passive. On souhaite plutôt comprendre d’où provient cette valeur ajoutée, lorsqu’il y en a, et quand la gestion indicielle s’avère indiquée ou moins appropriée.

Comprendre l’échantillonnage

Bon nombre d’investisseurs désirent reproduire le rendement de l’indice obligataire universel FTSE TMX Canada et vont acheter un FNB comme le iShares Core Canadian Universe Bond Index (XBB) ou le FINB BMO obligations totales (ZAG). «Pourtant, cet indice n’a pas été conçu pour être reproduit. C’est plutôt un indice de référence permettant d’évaluer la performance des gestionnaires actifs», précise Daniel Straus.

Ainsi, tous les titres ayant une échéance inférieure à un an doivent sortir de l’indice et les gestionnaires vont alors les vendre. «Il y a pourtant souvent de la valeur dans ces titres. Même chose pour certaines obligations, qui ne peuvent entrer dans l’indice parce que les montants des émissions sont trop petits», dit-il. Le gestionnaire actif peut profiter de ces occasions.

Par ailleurs, une part importante des détenteurs d’obligations (53 % en 2016 selon PIMCO) achèterait des obligations pour des raisons «non économiques». «Ça pourrait être pour respecter des exigences de capital règlementaire, comme c’est le cas pour de nombreuses institutions financières, ou afin d’apparier leurs passifs, dans le cas des compagnies d’assurance. Plusieurs de ces acteurs sont « agnostiques au rendement », notamment les banques centrales», explique Daniel Straus dans l’une de ses recherches.

Ces acteurs devront, par exemple, détenir une proportion d’obligations du gouvernement du Canada même si les taux sont faméliques. «Les gestionnaires actifs évitent généralement d’acheter ces titres, et ils ont une inclination naturelle pour le crédit qui va mieux les compenser pour le risque encouru», dit Daniel Straus.

Certains portefeuillistes indiciels vont également faire de l’échantillonnage en achetant des titres qui ont les mêmes caractéristiques que ceux de l’indice, mais qui offrent un meilleur rendement, et ce, afin de réduire les écarts de suivi. D’autres vont utiliser des produits dérivés, comme des contrats à terme ou des swaps de taux d’intérêt.

L’investisseur doit alors bien comprendre dans quoi il investit avant d’acheter un fonds indiciel.

Miser sur une gestion active

Les gestionnaires actifs misent sur leur talent afin de sélectionner des titres individuels dans l’espoir de mieux performer que le marché. «Dans le revenu fixe, on a du contrôle essentiellement sur deux choses : la durée des titres en portefeuille et la qualité du crédit des actifs qu’on achète», affirme Daniel Straus.

Anticiper les mouvements de la courbe de taux d’intérêt et se positionner pour des hausses ou des baisses de taux demeurent des tâches complexes.

En 2017, de nombreux gestionnaires obligataires ont beaucoup raccourci la duration de leur portefeuille lorsque les banques centrales ont commencé à remonter leur taux directeur. Ils ont vendu leurs obligations à moyen et long terme afin d’être moins vulnérables aux variations de prix.

En effet, plus une obligation a une longue durée, plus elle réagira négativement (baisse du prix) à un mouvement haussier des taux d’intérêt. Malheureusement, la courbe de rendement ne s’est pas déplacée de manière parallèle, puisque les taux courts ont beaucoup plus augmenté, alors que le moyen terme est resté inchangé et que les taux à long terme ont même baissé.

«Dans cette situation précise, la gestion passive s’est révélée être une meilleure stratégie, puisqu’en détenant l’ensemble du marché canadien obligataire, on se retrouvait avec des obligations à moyen et long terme qui ont mieux performé que la partie courte de la courbe», explique Alfred Lee, gestionnaire de portefeuille chez BMO Gestion d’actifs.

Prédire l’évolution de la courbe de rendement est particulièrement difficile, croit-il, puisque les anticipations du marché sont déjà intégrées dans les rendements obligataires.

La gestion active peut être attrayante lorsqu’on souhaite ajouter un volet international au portefeuille obligataire.

«Le gestionnaire devra alors gérer le risque de devises et saisir les occasions qui se présentent dans certains marchés obligataires moins efficients. Il pourrait, par exemple, acheter des obligations américaines de qualité qui procurent à un Canadien une exposition intéressante à de grandes sociétés [blue chips]», précise Alfred Lee.

S’assurer de la valeur ajoutée

Alors que plusieurs FNB obligataires coûtent moins de 10 points de base en gestion passive, il en va tout autrement pour un FNB géré plus activement.

Certains ont des ratios de frais de gestion aussi bas que 20 points de base, alors que d’autres peuvent dépasser un point de pourcentage (1 %). «Puisque les rendements obligataires sont encore bas, il faut s’assurer de bien évaluer le bénéfice potentiel d’une stratégie active ou la qualité d’un gestionnaire», souligne Daniel Straus. On ne voudra pas payer un gestionnaire trop cher lorsqu’il ne fait que reproduire un indice avec quelques légers changements.

Compte tenu de la complexité de ce marché, il est souvent plus difficile pour les conseillers en placement de générer de l’alpha pour la partie à revenu fixe des portefeuilles des clients. «Certains voudront déléguer à un gestionnaire actif cette partie du portefeuille et s’occuper eux-mêmes de la sélection des actions», indique Alfred Lee.

Certains portefeuillistes qui peuvent acheter une vaste gamme d’actifs à revenu fixe, et non seulement au Canada, vont surperformer leur indice de référence. «La possibilité d’être plus largement diversifié peut être une source de valeur ajoutée», croit le spécialiste de BMO.

Il est également possible d’avoir un portefeuille obligataire fortement diversifié tout en optant pour une gestion entièrement passive.

C’est ce que fait le conseiller en placement de la Financière Banque Nationale, Guy Lalonde, avec ses clients. «On n’essaie pas de choisir le meilleur gestionnaire dans chacune des grandes catégories d’actifs ou des catégories de revenu fixe. On veut plutôt profiter des faibles corrélations entre ces catégories», dit-il.

Guy Lalonde choisit notamment des FNB indiciels contenant des obligations à taux fixes, à taux variables, des obligations de qualité (investment grade), à rendement élevé, à rendement réel, des pays émergents, et même des actions privilégiées.

Si certains gestionnaires réussissent à battre la médiane des rendements en gestion passive, bien peu y parviennent à long terme, juge Guy Lalonde. «Ce ne sont pas toujours les mêmes qui ont un bon rendement. Il y a un problème de persistance dans le rendement des gestionnaires», souligne-t-il.

Faire preuve de diligence

Autre aspect qui appelle à la vigilance : les positions dans les portefeuilles.

En gestion active, certains FNB obligataires contiennent des actions privilégiées, des obligations à rendement élevé ou des obligations internationales, alors que ce n’est pas leur principal mandat. «Bien que ces positions ne soient pas importantes, le nom du FNB ou sa description peuvent ne pas les refléter», fait remarquer Daniel Straus.

Ce serait le cas d’un FNB dont le générique inclut le terme Canada, mais qui détiendrait des obligations étrangères, ou d’un FNB d’obligations de première qualité comprenant quelques titres de qualité moindre. Le conseiller doit donc être très attentif lorsqu’il lit notamment l’aperçu du FNB et son prospectus.

Les FNB en gestion active sont généralement moins transparents en matière de divulgation des positions en portefeuille. Alors que les FNB indiciels révèlent l’ensemble des positions des fonds assez librement et sur une base quotidienne, dans le cas de certains fonds en gestion active, la divulgation de l’ensemble des avoirs en portefeuille sera plus limitée.

Par ailleurs, l’utilisation de produits dérivés peut aussi accroître la complexité des stratégies utilisées par les gestionnaires actifs. L’usage de produits dérivés peut aider un gestionnaire actif à mieux contrôler les risques de taux d’intérêt, de change et de crédit de son portefeuille, par exemple.

«Si un gestionnaire souhaite réduire temporairement sa position dans une obligation de société étrangère, il pourra couvrir ce risque efficacement avec un produit dérivé de crédit plutôt que de vendre le sous-jacent en nature et d’engendrer des revenus imposables», illustre Alfred Lee.

Parfois, les produits dérivés peuvent exposer le portefeuille à un risque plus élevé. Daniel Straus cite l’exemple d’un portefeuille d’obligations de sociétés à cinq ans qui utilise un produit dérivé afin de se couvrir contre un risque de duration en la ramenant à un an. «Le portefeuille qui en résulte reste plus risqué qu’un autre qui investit directement dans des obligations de sociétés d’un an. En effet, le premier portefeuille est toujours exposé au risque de défaut et au risque d’écart de crédit des obligations de sociétés de cinq ans.»

À chacun sa recette

Il n’y a pas de recette unique pour investir dans le marché obligataire.

«Pour certains investisseurs, l’achat d’un simple FNB passif qui reproduit le marché canadien ne conviendra pas. On voudra générer plus de revenus et s’exposer à moins de risque de duration que ce que propose la gestion indicielle. Pour d’autres, on souhaite détenir plus d’obligations à rendement élevé ou détenir des titres à revenu fixe internationaux», indique Alfred Lee.

Il importe de mettre en place un portefeuille qui respecte les objectifs à long terme de l’investisseur, rappelle Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital.»L’investisseur doit comprendre les stratégies en place afin de continuer à y croire quand cela va moins bien», affirme-t-il.

N’oublions pas que la partie à revenu fixe du portefeuille peut contribuer à en stabiliser la valeur et être un filet de sécurité lorsque le marché des actions dégringole.

Et la meilleure façon d’y parvenir pour ce tenant de la gestion passive sera de capter le rendement des marchés à l’échelle planétaire au moindre coût possible. De plus, il existe en gestion passive de nombreux FNB qui vont générer plus de revenus qu’un FNB indiciel générique. «On pourrait choisir un FNB indiciel d’obligations de sociétés à court terme», remarque Raymond Kerzérho.

Lorsqu’on investit dans un nombre limité d’obligations individuelles (mandat actif), on risque qu’un seul ou plusieurs défauts de paiement causent un dommage permanent au portefeuille. «En investissant dans un panier de crédits très bien diversifié, on s’en tirera beaucoup mieux s’il y a un défaut. De plus, les défauts de paiement sont rares au sein des obligations de qualité, même si cela arrive à l’occasion», précise le directeur de la recherche chez PWL Capital.

Enfin, certains FNB actifs ne sont pas pleinement investis et ont toujours un certain pourcentage de liquidités en portefeuille. «Je veux éviter d’avoir des liquidités non investies puisque cela ne rapporte rien», observe Raymond Kerzérho.