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« Un bastion est la partie d’une forteresse qui permet d’assurer une meilleure défense. Ce symbole représente la protection offerte par nos stratégies long short, qui permettent de protéger le capital des investisseurs quand les marchés vont moins bien », illustre Mathieu Boisvert, PDG de Gestion d’actifs Bastion (Bastion Asset Management), en entrevue avec Finance et Investissement.

Au printemps 2021, il s’est associé avec deux autres anciens de Formula Growth, Charles Haggar, chef des placements, et Michael Gentile, chargé de la supervision des investissements des fonds, pour créer une nouvelle firme d’investissement.

La PME gère aujourd’hui près de 200 M$ d’actifs pour des clients fortunés et des caisses de retraite.

Un lancement mouvementé

Lancer une entreprise en pleine pandémie et dans la turbulence des marchés n’a pas été de tout repos, confie Mathieu Boisvert. « On a déboursé beaucoup de sous de notre poche sans savoir combien d’argent on allait gérer, mais le plus difficile a été de mettre en place les mécanismes de conformité, car le marché institutionnel est très exigeant sur ce plan. »

En septembre 2021, les associés se sont mis à la recherche d’un investisseur majeur susceptible d’injecter une somme significative dans l’entreprise. Ils ont cogné aux portes de caisses de retraite aux États-Unis, en Ontario et au Québec.

Un premier investissement de 100 millions de dollars (M$) d’une grande caisse de retraite canadienne basée au Québec s’est concrétisé en décembre dernier. Des clients privés et un autre investisseur institutionnel se sont ajoutés, si bien qu’en janvier 2022, Bastion lançait son premier produit, le fonds BAM action Long Short, une stratégie « long short » (L/S) sur actions américaines et canadiennes, avec 160 M$ sous gestion.

Une tournure inattendue

Lorsque les associés ont quitté leur ancien employeur, en mars 2021, pour se lancer en affaires, ils étaient loin de se douter de la tournure que prendrait l’économie, avec une flambée historique de l’inflation et une hausse prononcée des taux d’intérêt.

« On se retrouve devant un marché difficile, mais notre approche long short nous permet de mieux aborder cette période, car il devient de plus en plus difficile pour les investisseurs de gagner de l’argent avec leurs placements. Le fait d’avoir une telle approche est un grand avantage quand il y a des corrections de marché », estime-t-il.

Mathieu Boisvert considère que les clients sous-estiment l’importance de protéger leur capital lors de corrections boursières. « L’approche long short permet de mitiger les pertes et de protéger le capital, pour continuer à profiter des rendements composés », dit-il.

Battre les indices

La stratégie de Bastion consiste à battre les indices du marché sur un cycle complet, incluant les corrections. Lorsque le marché est à la baisse, la firme en profite pour négocier des actions de petites et moyennes capitalisations boursières américaines, « car ce marché est moins suivi par les investisseurs », indique Mathieu Boisvert.

En date de juin, la performance du fonds BAM action Long Short a été de – 0,2 % nette de tous les frais, alors que les indices d’actions américaines étaient en baisse de -20% à -29% (-20,0% pour le S&P500, -23,5% pour le Russell2000 et 29,2% pour le Nasdaq), mentionne le dirigeant. Il précise que l’indice Russell2000 est le plus représentatif pour sa stratégie.

En date du 28 juillet, le fonds affichait une hausse d’environ +1,5% pour l’année alors que l’indice Russell2000 était en baisse d’environ -18,4%, le S&P500 de -16,5% et le Nasdaq de -24,2%.

Des valeurs bien ancrées

Avant de se lancer en affaires, les associés ont pris le temps de définir les valeurs fondamentales avec lesquelles ils souhaitent travailler. La première est l’excellence. La qualité est une autre valeur sur laquelle ils ne font pas de compromis. « On croit plus en la qualité qu’en la quantité. On ne veut pas lever des actifs à tout prix avec des armées de vendeurs », indique le PDG de Bastion.

Les associés mettent aussi de l’avant l’intégrité et le dévouement. « On travaille très fort, car on est passionnés par les marchés boursiers. On veut servir des gens aussi passionnés que nous et qui ont soif d’apprendre. »

Ils veulent également redonner une partie des revenus générés par leurs activités à la communauté, en soutenant des œuvres caritatives, sous forme de dons ou de bénévolat.

Ils souhaitent par ailleurs avoir un impact positif sur la communauté financière de Montréal en recrutant des talents dans les universités québécoises, souligne Mathieu Boisvert.

Stratégies alternatives et ESG

Le PDG s’attend éventuellement à voir un rebond en forme de U plutôt que de V, à la différence des sorties de récessions précédentes. « On se dirige vers des temps plus difficiles, mais le marché tient déjà compte de cela dans le prix des titres. »

Les stratégies long short sont utiles, selon lui, pour profiter des rebonds du marché et ne sont pas plus risquées que d’autres approches alternatives. « Avec des paramètres de risques adéquats, elles devraient être catégorisées comme moins risquées qu’elles le sont actuellement par les régulateurs. »

Face aux critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG), le PDG de Bastion se montre mitigé. « Nous prenons en compte ces critères dans notre analyse. Cependant, l’ESG se situe dans une zone grise, car les définitions des critères varient beaucoup selon les gestionnaires. »

Bastion entend croître en diversifiant sa clientèle, notamment à l’international. La firme projette de mettre d’autres fonds sur le marché, mais pas au détriment du produit principal, insiste le PDG de la firme, qui a été récemment sélectionnée par le Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ) pour un mandat de stratégie alternative.

« Nous demeurerons actifs dans les stratégies alternatives, car nous croyons que les rendements seront plus difficiles à obtenir dans les prochaines années et que les investisseurs auront besoin de solutions innovatrices pour diversifier leurs portefeuilles. »