Chaque conseiller a ensuite reçu un plan personnalisé de développement du QE. Un coach personnel les a rencontrés dans les mois qui ont suivi.
Les chercheurs ont comparé la performance des cohortes en utilisant un groupe témoin constitué de conseillers réputés performants, mais qui n’avaient pas suivi la formation.
«Nous avons obtenu des résultats fabuleux», a déclaré Frederic Luskin, le chercheur de l’Université de Stanford qui a réalisé l’étude. Les résultats démontrent que l’augmentation du QE accroît la productivité des conseillers de 25 % en moyenne, et leurs ventes, de 10 % en moyenne.
«Les gens ne se rendent pas compte que de petites améliorations peuvent avoir un impact massif sur leur productivité», explique Frederic Luskin.
Le chercheur cite l’exemple d’un conseiller qu’il a observé : «Il donnait l’impression d’être pressé lorsqu’il formulait des recommandations».
Le chercheur l’a aidé à réduire le rythme de ses conversations. Grâce à ce simple changement, l’écoute de ses clients est devenue plus active et leur degré de confiance a augmenté.
L’IE est souvent une question de détails en matière de relations interpersonnelles. Les gens ne sont simplement pas conscients de ces détails, dit le chercheur de Stanford.
«Reprogrammer son cerveau»
Il est plus facile de modifier son QE que de changer son quotient intellectuel (QI), lequel reste généralement le même toute la vie.
«Le QI représente votre potentiel cognitif», explique Kathryn Peterson, présidente de Groupe Conseil CLE, une firme lavalloise de formation et de coaching en IE.
Cependant, le QE peut s’accroître par la formation. La psychologie et les neurosciences indiquent «qu’il est possible de reprogrammer son cerveau» et d’augmenter son QE, assure Kathryn Peterson.
Un constat que fait aussi Doug Towill, vice-président principal du développement professionnel chez Placements CI, qui a choisi d’inclure stratégiquement l’IE dans son offre de formation aux conseillers.
Un conseiller conscient de l’importance de l’IE a une meilleure performance que les autres et vend davantage, selon Placements CI.
L’IE, un incontournable ?
Depuis les années 2000, plusieurs études de cas ont été réalisées pour mesurer la valeur d’une formation en IE.
«Une étude chez Sanofi-Aventis a démontré que chaque dollar investi dans une formation en IE rapporte 6 $», explique Doreen Lima, une coach de Miami spécialisée en IE et certifiée par l’Institute for Social and Emotional intelligence (ISEI).
L’Oréal, Federal Express, British Airways et Coca-Cola ont tous investi dans la formation en IE et les conseillers ainsi que leurs patrons devraient aussi le faire, estime Doreen Lima.
Cette coach évoque un sondage mené en 2013 par l’Association australienne des conseillers financiers (AFA).
Les sondeurs avaient demandé aux clients de classer par priorité les qualités recherchées chez un conseiller.
En tout, 82 % des répondants ont signalé que les composantes du QE (empathie, écoute, compréhension des besoins, etc.) sont plus importantes pour eux que la réputation, ou même la qualité des recommandations du conseiller, relate Doreen Lima.
Le client veut être entendu. Il est à la recherche d’une relation attentionnée et empathique, selon Doreen Lima.
Utile avec les aînés
En raison du vieillissement de la population et des clients, le marché du conseil financier favorisera les conseillers au QE exemplaire.
En effet, plus un conseiller fait affaire avec des clients âgés, plus il est important qu’il soit émotionnellement intelligent. Chez ces clients, l’argent devient un sujet de plus en plus sensible sur le plan émotionnel, notamment parce que leurs besoins se complexifient et qu’ils risquent davantage d’avoir à composer avec la maladie.
Par exemple, un client qui souhaite discuter de succession avec son conseiller pourrait redouter secrètement un conflit entre ses héritiers.
Si son conseiller semble pressé, le client pourrait être mal à l’aise à l’idée de lui faire part de ses inquiétudes et préférera peut-être réserver cette discussion délicate à un conseiller concurrent.
Un conseiller formé en intelligence émotionnelle est plus conscient de ce type d’enjeu.
L’IE du conseiller est particulièrement importante lorsqu’il abordera les futures divulgations sur la rémunération prévues à la phase 2 du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), d’après Doug Towill : «Le MRCC 2 est un sujet épineux pour plusieurs investisseurs».
Chez la plupart des gens, l’émotivité grimpe d’un cran lorsque vient le moment de discuter du prix à payer en échange de produits ou services, d’où l’importance de pouvoir justifier ceux-ci en soulignant notamment la valeur du conseil.
Contagion émotionnelle
Si le fait d’augmenter son QE par la formation est payant pour le conseiller, celui-ci risque toutefois d’afficher une contre-performance s’il gère mal ses émotions. Et il y a de bonnes chances que ses clients soient aussi moins performants sur le plan émotif.
Selon Kathryn Peterson, cela s’explique par la «contagion émotionnelle». Ce phénomène suggère qu’un individu qui gère mal ses émotions peut les transmettre à un autre individu.
Un conseiller pourrait donc transmettre sa piètre performance émotionnelle à son client. Or, un client au QE bas est enclin à l’erreur, ce qui, indirectement, risque de nuire à la réputation de son conseiller.
Par exemple, pris de panique par une chute boursière, un client supplie son conseiller de tout vendre et cristallise une perte.
Il est probable qu’il tiendra son conseiller pour responsable et qu’il partagera son insatisfaction avec son entourage.
La réputation du conseiller se trouve endommagée parce que le client n’a pas su gérer ses émotions, et que le conseiller n’a pas réussi à lui faire garder le cap par rapport à son plan financier.
Une fois «contaminé» par son client, le conseiller peut à son tour influencer négativement ses autres clients.
En augmentant son propre QE, le conseiller a plus de chance de s’entourer de clients au QE élevé. S’il est bien formé, le conseiller peut même faire office de coach pour un client au QE plus faible et rajuster le tir. Le conseiller évite surtout de se laisser atteindre par les émotions négatives du client.
Il reste qu’un conseiller qui comprend les enjeux du QE «attirera des actifs importants» selon Doug Towill.
«Il se démarquera facilement et rapidement des autres», en particulier auprès de la clientèle nantie, dit-il.