«Il faudra suivre de près le rythme de croissance de l’économie chinoise. S’il tombe sous la barre des 7 %, la création d’emplois sera insuffisante et des troubles sociaux sont à prévoir. Dans une économie axée sur la consommation, on remplace un emploi industriel par trois emplois de service. C’est la seule façon de créer autant d’emplois pour une croissance inférieure du PIB. Au cours de la dernière décennie, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de presque tous les pays de la région. Si la croissance se maintient à 7 % pendant les prochaines années, les pays voisins, comme Taiwan, la Corée du Sud et même le Japon, en profiteront. C’est là la clé d’une réévaluation positive des multiples accordés aux titres asiatiques», soutient Robert Kuan, qui surpondère les titres asiatiques.
Il rappelle que les ratios cours/bénéfices (C/B) des actions internationales demeurent sous leur moyenne des 20 dernières années. L’escompte était récemment de 20 % pour les titres asiatiques.
L’escompte se situe entre 10 et 15 % pour les titres européens. Il était de 25 % au début de 2012. Les différents mécanismes mis en place au cours de l’année par la Banque centrale européenne pour endiguer la crise financière, notamment les LTRO (Long Term Refinancing Operations) et les OMT (Outright Monetary Transactions), ont réduit les risques extrêmes et l’escompte s’est résorbé.
Cela dit, il juge que l’escompte actuel des titres européens est justifié en raison de leur risque accru. C’est que le coeur du problème, soit l’absence d’union fiscale et de mécanismes unifiés de supervision des banques et des budgets nationaux, tarde à être résolu. Les titres européens favorisés sont ceux de sociétés d’envergure mondiale qui exportent vers l’Asie.
Jeff Feng, gestionnaire du Fonds international des sociétés Trimark, prévoit que l’économie mondiale croîtra plus lentement à l’avenir en raison de problèmes structurels, notamment le vieillissement de la population. Ce phénomène augmentera la pression sur les finances fragiles des gouvernements européens et jusqu’à un certain point, sur celles des États-Unis. Ces gouvernements devront dépenser davantage en soins de santé et en aide sociale.
De plus, la transformation du modèle économique chinois en une société axée sur la consommation, y compris la mise en place d’un filet de sécurité sociale qui permet aux individus de moins épargner et de dépenser davantage, pose un immense défi aux dirigeants de ce pays.
Hausse des taux
Un autre problème structurel est l’inévitable remontée des très bas taux d’intérêt en vigueur depuis la crise financière. Jeff Feng ne prédit pas à quel moment elle aura lieu, mais il est convaincu que le niveau actuel des taux ne peut être maintenu, car les investisseurs arrêteront d’acheter des obligations. Cette remontée exercera une pression énorme sur les consommateurs très endettés des pays développés, de même que sur les entreprises endettées.
«C’est pourquoi nous favorisons des sociétés qui ont peu d’endettement et qui pourront profiter de la hausse des taux pour acheter des concurrents en détresse. Un bilan sain est donc un de nos critères dans la définition d’une entreprise de grande qualité ; les autres sont des avantages concurrentiels durables, un rendement élevé du capital investi, de bonnes perspectives de croissance et une direction compétente», explique Jeff Feng.
Ce portefeuille concentré de 40 titres est le résultat d’une sélection individuelle de telles entreprises, où la pondération sectorielle ou géographique n’est que le résultat de ces choix. Les 10 titres les plus importants comptent pour près de 40 % du portefeuille d’actions. Même si la plupart d’entre elles sont de grandes entreprises domiciliées dans les pays développés, le fonds détient un pourcentage de 29 % dans des petites capitalisations, par rapport à 6 % seulement dans l’indice MSCI EAEO : «Ces petites capitalisations peuvent croître à un rythme un peu plus rapide que les grandes», affirme Jeff Feng.
Le secteur des produits de consommation compte pour 23 % des actions du portefeuille, par rapport à 11,9 % de l’indice MSCI EAEO. «Les entreprises de ce secteur correspondent le mieux à nos critères. Par ailleurs, la plupart de nos investisseurs sont canadiens, et le marché boursier local compte peu d’équivalents d’Anheuser-Busch InBev, de Nestlé S.A., de Diageo PLC ou de Henkel AG & Co.», constate-t-il.
Le secteur des services financiers ne compte que pour 16,9 % des actions, par rapport à 24,08 % de l’indice MSCI EAEO. Les banques européennes investissent massivement dans les obligations gouvernementales, qui ne constituent pas de bons placements, juge Jeff Feng.
Certes, dans le passé, ces banques affichaient de bons rendements. Mais c’était en prêtant jusqu’à 30 fois l’avoir des actionnaires. Or, l’effet de levier est désormais encadré et leur rendement en sera réduit. Donc, même si leurs évaluations semblent attrayantes à moins de la moitié de leur valeur comptable, cette valeur comptable est douteuse. «Nous préférons les banques sans risque de crédit direct, où les prêts sont entièrement financés par les dépôts des épargnants. On en trouve dans la région Asie-Pacifique», précise-t-il.
«Nous sommes relativement plus optimistes quant aux perspectives des pays émergents, dont les tendances démographiques et les finances publiques sont plus favorables», conclut-il.
Survivre aux récessions
David Ragan, gestionnaire de la Catégorie de placement international Manuvie et lauréat du Prix du meilleur gestionnaire d’actions étrangères du Gala canadien du placement Morningstar 2012 (voir l’encadré en page 14), juge que dans l’ensemble, les évaluations actuelles sont raisonnables, alors qu’elles étaient très élevées en 2007. Il reconnaît qu’un recul boursier est possible, mais que ce dernier ne devrait pas être aussi grave qu’en 2008. D’abord, les évaluations sont moins élevées ; ensuite, les entreprises ont beaucoup plus d’encaisse et les stocks sont beaucoup plus bas. Il n’y aurait presque rien à écouler en cas d’arrêt brusque des commandes et la machine repartirait plus vite.
Pour protéger le portefeuille, il s’assure d’investir dans des sociétés peu endettées, capables de survivre aux récessions. De plus, celles-ci peuvent imposer leurs prix et les augmenter en période inflationniste. Enfin, leur valeur boursière doit être attrayante.
Cela dit, plus de 30 % des entreprises en portefeuille sont domiciliées au Royaume-Uni, par rapport à 23 % dans l’indice MSCI EAEO. Et celles qui sont domiciliées au Japon ne comptent que pour 4 %, par rapport à 20 % de l’indice. «Il y a au Royaume-Uni plusieurs sociétés de très grande qualité dont les activités sont d’envergure mondiale. Elles nous permettent d’obtenir une bonne exposition aux économies en forte croissance des pays émergents, à des prix beaucoup plus avantageux que des investissements directs dans ces pays, sans compter que la gouvernance est beaucoup plus fiable, et la qualité de la direction, supérieure. C’est ce que nous faisons depuis quatre ou cinq ans», indique-t-il.
Le même raisonnement s’applique à d’autres sociétés européennes, de sorte que plus de 70 % des titres en portefeuille sont domiciliés en Europe. «Au début de 2012, il était possible d’acheter des indices entiers à des multiples cours/bénéfices à un seul chiffre à travers l’Europe, pas seulement dans les pays du Sud, mais aussi en Allemagne et au Royaume-Uni. Les attentes sont si faibles que même avec une croissance nulle, certains de ces titres étaient attrayants. Or, quelques-uns d’entre eux réussissent à faire croître leurs revenus intérieurs plus rapidement que le PIB», souligne-t-il.
Par ailleurs, l’incertitude élevée a gonflé l’évaluation des titres dits défensifs et a ainsi créé des occasions dans des titres de qualité qui ne correspondent pas à la perception du marché de ce qui est «sûr».
Par exemple, la société suédoise SKF, premier fournisseur mondial de produits de roulements à billes et de tous les systèmes attenants : «C’est elle qui porte littéralement l’industrie à l’échelle mondiale, et ce, à des coûts minimes, procurant à ses clients une très grande valeur ajoutée. C’est un titre cyclique, mais l’entreprise est très bien dirigée et elle génère un rendement élevé du capital investi. En comparaison, des titres de consommation comme Unilever ou Procter & Gamble sont devenus très chers, parce que les investisseurs institutionnels, tout terrifiés qu’ils soient, sont forcés d’investir en Bourse et s’en tiennent aux entreprises de la plus haute qualité et les plus stables. On ne devrait jamais surpayer, même pour une excellente entreprise», tranche-t-il.