Et le marché boursier canadien, dominé par les matières premières, demeure l’équivalent d’une option d’achat sur la croissance chinoise.

«Cependant, la croissance devrait s’accélérer vers la fin de 2013, car il y a une vigueur sous-jacente des consommateurs aux États-Unis qui devrait neutraliser jusqu’à un certain point le freinage fiscal. Cette vigueur se manifeste dans les ventes de maisons existantes qui continuent de progresser, alors que le stock de ces maisons atteint son plus bas niveau depuis décembre 2002. L’endettement des ménages de même que l’endettement par carte de crédit sont à leur plus bas niveau en sept ans», note Ian Ainsworth, gestionnaire du Fonds de croissance Mackenzie.

Il ajoute que la vigueur de la construction domiciliaire et la confiance retrouvée après le règlement des différends fiscaux pourraient entraîner une reprise de l’emploi. Cette reprise de l’emploi contribuerait fortement à la réaccélération de l’économie américaine durant la seconde moitié de l’année 2013.

Toutefois, au Canada, l’environnement n’est pas aussi favorable à la croissance et c’est pourquoi le fonds détient le minimum permis en actions canadiennes.

«La technologie et les soins de santé, qui comptent respectivement pour 16,5 % et 5,6 % du portefeuille, sont deux thèmes de croissance à long terme auxquels nous ne pouvons participer que par des titres étrangers. Un autre thème est celui de la croissance de l’Asie», explique Ian Ainsworth.

Les titres financiers comptent pour 21,4 % du portefeuille, mais cela inclut des titres d’un peu partout dans le monde, notamment à Hong Kong et en Thaïlande, aux États-Unis et au Canada. Et si les banques TD et Scotia sont les deux principaux titres en portefeuille, c’est parce qu’elles ont le meilleur potentiel de croissance des banques canadiennes, en partie parce qu’elles ont une forte présence à l’extérieur du Canada.

Ian Ainsworth n’est pas très enthousiaste quant aux titres de matériaux de base, comme le cuivre, malgré le plan de relance annoncé par les autorités chinoises. Il préfère détenir les titres de producteurs de matières premières dont la demande à long terme est en croissance, comme la potasse, C’est pourquoi il détient PotashCorp.

Même si la pondération du fonds en titres énergétiques n’est que la moitié de celle de l’indice S&P/TSX, il y a encore de bonnes sociétés de croissance à acheter, notamment Cenovus Energy, qui peuvent continuer d’augmenter leur production. Mais à long terme, les projets de pipelines vers les États-Unis et la côte Ouest sont essentiels à la croissance du secteur.

Les marges bénéficiaires des entreprises sont à un niveau record par rapport au produit intérieur brut canadien, alors que les taux d’imposition sont relativement bas. Il y a donc un risque que ces marges reviennent à leurs moyennes historiques, risque plus grand pour les petites capitalisations que pour les grandes, car leurs marges sont généralement plus volatiles, selon Daniel Dupont, gestionnaire principal du Fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada.

Cela dit, il admet qu’il est difficile de savoir ce qui ramènera ces marges à leurs moyennes historiques : «Si le capitalisme fonctionne, les marges vont rétrécir un jour, On ne peut augmenter les profits en pourcentage de l’économie sans avoir d’impact sur les revenus personnels. Les gouvernements auront aussi besoin de revenus additionnels. Le taux d’imposition des grandes banques canadiennes a été réduit de moitié dans les dix dernières années», rappelle-t-il.

Le risque chinois

Un ralentissement de l’économie chinoise est le risque le plus important pour les actions canadiennes : «Ce ralentissement ferait baisser le cours des métaux de base, et cela a un impact sur beaucoup de sociétés canadiennes et sur l’économie canadienne en entier. C’est pourquoi nous ne possédons pas de titres de ces secteurs depuis que je gère le portefeuille, soit le 1er janvier 2009. Je ne prédis pas un ralentissement de l’économie chinoise. J’adopte une position défensive au cas où il surviendrait», explique Daniel Dupont.

Par ailleurs, il note qu’il y a actuellement un appétit trop grand pour les titres à basse volatilité et à dividende élevé, de sorte qu’ils sont désormais trop chers.

Ainsi, une étude interne de Fidelity montre qu’aux États-Unis, depuis 20 mois, les titres du quintile ayant le rendement de dividende le plus élevé ont affiché une performance supérieure de 25 % à ceux du quintile des titres ayant le plus faible rendement de dividende. De même, les titres affichant la plus faible volatilité ont affiché une performance supérieure de 43 % à celle des titres ayant la plus haute volatilité.

«Ce que nous recherchons pour le fonds est devenu très à la mode, et les meilleures entreprises sont désormais trop chères. Si la surenchère pour les titres défensifs persiste, vous retrouverez de plus en plus de titres cycliques en portefeuille. Il faut devenir un investisseur axé sur la valeur des actifs et ne pas se faire prendre à investir dans des sociétés moins volatiles, mais qui généreront de grandes pertes en capital parce qu’elles sont trop chères. Je pense, entre autres, aux industries touchées par les taux d’intérêt, comme les pipelines, les services publics, les télécommunications et les fiducies immobilières. Nous ne détenons plus de titres de ces secteurs au Canada, Nous ne détenons plus aucune banque canadienne non plus en raison de l’impact de problèmes possibles dans l’immobilier résidentiel», précise-t-il.

Cela le force à regarder des titres d’entreprises qui ne sont pas de la plus haute qualité, mais qui devraient survivre ; lorsqu’elles se stabiliseront et croîtront à nouveau, elles devraient offrir un rendement boursier très attrayant.

La portion de 47 % en titres étrangers est principalement constituée d’actions américaines, mais on y retrouve aussi des titres européens. Les secteurs déprimés de la défense et de la santé semblent offrir de bonnes occasions, selon lui.

Pour Aleksy Wojcik et Phil D’Iorio, cogestionnaires de la Catégorie de société Voyageur Harbour, le crescendo de manchettes négatives qui assaillent actuellement les marchés est une occasion de rafler des titres à des cours attrayants plutôt que d’adopter une position défensive.

Cela dit, s’ils sont en mesure d’agir ainsi, c’est que leur niveau d’encaisse est très élevé, soit 18,7 %, ce qui laisserait croire que les aubaines sont néanmoins plutôt difficiles à dénicher : «Le marché canadien représente une faible proportion de l’univers de 10 000 titres dans lesquels nous pouvons investir ; de plus, trois quarts de l’indice S&P/TSX sont représentés par les secteurs financiers et des ressources. Malgré cela, nous réussissons à trouver entre 20 et 25 sociétés canadiennes et y trouvons quand même des titres attrayants offrant des rendements espérés supérieurs», défendent-ils.

Ils jugent les évaluations plus attrayantes aujourd’hui qu’au cours des 15 à 20 dernières années, et notent que plusieurs de leurs titres canadiens se négocient à un multiple des bénéfices prévus en 2013 inférieur à celui de l’indice S&P/TSX. Par contre, certains d’entre eux, comme Dollorama, justifient leur ratio C/B plus élevé par une exécution sans faille du plan d’affaires, qui se traduit par une croissance spectaculaire des revenus. Le titre continuera de progresser, moins en fonction d’une augmentation de son multiple que de celle de son bénéfice, estiment les deux gestionnaires.

Ayant un horizon de placement de trois à cinq ans, ces gestionnaires se concentrent sur le taux de croissance des sociétés : «Les investisseurs sont si incertains du taux de croissance des bénéfices en 2013 et 2014 que nous trouvons plusieurs occasions de profiter de leur incrédulité. Au cours des deux derniers mois, nous avons ajouté quelques nouveaux noms canadiens et avons acheté davantage de titres déjà en portefeuille».

Parmi ces derniers, ils mentionnent Alimentation Couche-Tard, un titre en portefeuille depuis le lancement du fonds en août 2011, qu’ils ont racheté alors qu’il est tombé aux environs de 45 $ en septembre dernier. Un autre exemple de titre sur lequel pèse une incertitude, injustifiée selon eux, est celui du constructeur Aecon Group, qui se négocie à huit fois les bénéfices prévus en 2013, soit deux tiers de celui de l’indice S&P/TSX, alors que le taux de croissance des bénéfices est supérieur à 20 %.

Les actions américaines et les actions internationales représentent, respectivement 23,2 % et 12,4 % de l’actif de ce portefeuille concentré de 37 titres. Cinq des dix titres les plus importants en portefeuille sont des titres étrangers.

On y retrouve des titres de secteurs moins présents au Canada, notamment celui de la consommation et des soins de santé, «La chaîne de pharmacies CVS Caremark est en importance notre deuxième position en portefeuille, à 4,43 % du portefeuille. Nous avons pu l’acheter à un multiple inférieur aux équivalents canadiens que sont Jean Coutu ou Shoppers Drug Mart. Elle offre de meilleures perspectives de croissance, en plus d’avoir remis de l’argent aux actionnaires sous forme de rachats d’actions et de dividendes», expliquent-ils.