«L’engouement pour ces titres s’explique par le pourcentage très élevé de leurs flux de trésorerie disponibles distribué aux actionnaires. Nous ne détenons plus de FPI, et notre pondération en titres de services publics oscille autour de 6 %», indique-t-il.

Il y a, par contre, des secteurs où certains titres se négocient au-dessous de la valeur qu’il calcule, notamment dans les titres de sociétés d’assurance vie. Leur direction aurait fait un bon travail de réduction du risque, qui n’est pas encore reflété dans leur cours boursier, selon lui.

Ces titres d’assurance comptent pour environ 7 % du portefeuille, ceux des sociétés de gestion de portefeuille et conglomérats, pour environ 7 %, et les banques, pour 7 % seulement, soit au total environ 21 %, par rapport à 28 % pour le fonds médian de cette catégorie : «Nous détenons moins de banques qu’un fonds de dividendes typique. Les banques sont bien capitalisées, elles sont bien dirigées, elles sont rentables et leur dividende est sûr à 100 %. Cependant, elles auront de la difficulté à croître au cours des cinq prochaines années et leur dividende augmentera plus lentement qu’au cours des dix dernières», prévoit-il.

À près de 5 % du fonds, le titre de Brookfield Asset Management, classé parmi les titres financiers, est la position la plus importante du fonds. Rory Ronan juge que l’actif de ce conglomérat dans l’immobilier, l’infrastructure et l’énergie est de très haute qualité, et que le conglomérat a la capacité de renforcer son flux de trésorerie, même dans un environnement de faible croissance du PIB. L’évaluation actuelle du titre est raisonnable, selon lui.

Même si leur dividende est en général plus faible, les titres du secteur de l’énergie comptent pour environ 18,5 % du fonds. «La croissance de leur dividende est plus rapide et ils se négocient actuellement au-dessous de la valeur que nous leur attribuons. Le profil risque-rendement d’un titre comme Canadian Natural Resources est actuellement très attrayant», explique-t-il.

Titres représentatifs

Les titres de consommation discrétionnaire représentent environ 14 % du fonds. Une récente addition est le titre de Shaw Communications, boudée par les investisseurs inquiets de la concurrence de TELUS et des baisses de flux de trésorerie dues à des dépenses en immobilisations considérables. «La stratégie de TELUS, qui consiste à offrir des prix inférieurs à ceux de Shaw pour accroître sa part de marché, n’est pas viable et les prix vont remonter à un niveau plus raisonnable au cours des deux prochaines années, ce qui sera très rentable pour Shaw. En outre, les dépenses en immobilisations seront réduites au cours des deux prochaines années. Tout cela lui permettra d’augmenter son dividende à un rythme plus rapide au cours des prochaines années», dit-il.

Les évaluations de certains titres qui versent des dividendes sont élevées, mais ce n’est pas une raison pour s’en départir, selon Ryan Bushell, cogestionnaire du Fonds IA Clarington Actions canadiennes modéré, fondé en 1950 : «Nous avons 62 ans d’expérience des effets bénéfiques de la détention à long terme de titres de sociétés de haute qualité versant des dividendes en croissance, et un ou deux ans de mauvais résultats ne pèsent guère dans la balance. Notre portefeuille change très peu. Un dividende est un engagement quasi permanent envers les actionnaires, et il faut un modèle d’affaires durable pour soutenir ce dividende. Même si le titre de Canadian Utilities est près de son sommet, pensez-vous qu’il vaudra moins cher dans 10 ans ?» demande-t-il. Ce fonds a dégagé un rendement annualisé de 9,4 % depuis sa création.

Le fonds se concentre donc sur des entreprises qui représentent la base de l’économie, soit celles dont les services sont utilisés tous les jours, à savoir les pipelines, les services publics d’électricité et de gaz, les télécommunications et les banques.

«Peu importe ce qui se produira en Europe ou en Chine au cours des 12 prochains mois, vous devrez vous éclairer, utiliser de l’énergie fossile transportée par pipelines, effectuer des transactions par le truchement d’une banque et communiquer au moyen de diverses infrastructures de télécommunications. Toutes ces entreprises vont survivre», énonce-t-il.

Ryan Bushell concède que plusieurs de ces titres, surtout les pipelines et les services publics, sont chers, mais que leurs cours se justifient quand le taux des obligations de 10 ans est de 1,9 % : c’est qu’ils affichent des rendements de dividendes de 3, 4, voire 5 %.

«Nous préférons investir dans des sociétés dont les actifs sont essentiels à l’économie plutôt que dans des obligations d’un gouvernement qui croule sous la dette, comme celui des États-Unis», lance-t-il.

Il reconnaît que les taux d’intérêt ne peuvent guère baisser davantage. S’ils remontaient, il pense que ces titres pourraient faire du surplace pendant quelques années, alors que les dividendes soutiendraient leurs cours. «Ces titres ne peuvent perdre 20 % : ils afficheraient alors un rendement de dividende de 7 %. Pas dans ce marché !» tranche-t-il.

Une baisse de 20 % du titre d’Enbridge ramènerait son rendement de dividende de 2,95 % à 4 %. «C’est une des seules entreprises qui affiche une croissance à deux chiffres de son bénéfice, parce qu’elle est dans une phase de croissance de longue durée. Ce titre est probablement le plus gonflé, mais avec cette croissance et la demande qui existe pour leurs services, ceux qui voient son cours plonger se trompent. Je ne vendrais pas ce titre à découvert même si je le pouvais», ajoute-t-il.

Ryan Bushell n’a cependant pas acheté de titres de services publics ni de pipelines tels que Emera, Canadian Utilities, Fortis ou Enbridge depuis deux ans.

Les titres énergétiques comme celui de la pétrolière intégrée Cenovus sont plus attrayants pour de nouveaux achats, reconnaît-il. Même chose pour les titres de télécommunications, où Ryan Bushell a ajouté à sa position dans BCE, sanctionnée pour l’échec de la prise de contrôle d’Astral Media.

Il a aussi pris une position dans le titre de Shaw au courant de la dernière année. Il a ajouté à sa position dans Thomson Reuters.

Banques attrayantes

L’univers des titres de dividendes se négocie à prime par rapport à l’ensemble du marché boursier, mais cet univers n’est pas uniforme : les titres qui ont traditionnellement offert les meilleurs rendements de dividendes, comme les FPI, sont désormais surévalués, non seulement par rapport au marché dans son ensemble, mais aussi par rapport aux autres titres versant des dividendes moins élevés, selon Hovig Moushian, gestionnaire principal du Fonds de revenu de dividendes Mackenzie Saxon.

À titre d’investisseur axé sur la valeur, il a donc orienté graduellement le portefeuille vers ces derniers au cours de 2012.

Ainsi, la pondération en FPI a été abaissée à 7 % à la fin de 2012, alors qu’elle était de 11 %. En revanche, il a ajouté au portefeuille des titres qui offrent des rendements de dividendes plus faibles, mais dont les évaluations sont beaucoup plus attrayantes à ses yeux, tels que Suncor, SNC-Lavalin, Barrick Gold, IAMGOLD ou Teck.

Parmi les titres financiers, les évaluations de Sun Life et de Manuvie sont attrayantes, et leur rendement de dividende, alléchant. Il faudra toutefois être patient pour une appréciation, qui dépend d’une hausse des taux d’intérêt :

«L’augmentation de ces titres neutraliserait en partie une baisse de la valeur des FPI si les taux montaient», rappelle-t-il.

Les six grandes banques offrent aussi une valeur attrayante, alors qu’elles se négocient à un multiple moyen de 10 fois les bénéfices et que la plupart d’entre elles affichent un dividende supérieur à 4 %.

De plus, leur ratio de distribution est inférieur à 50 % de leurs bénéfices, leur ratio de capitalisation est très solide et leur rendement sur l’avoir continue d’être d’au moins 15 %.

«Le fait de retrouver les six banques canadiennes dans la liste des 10 plus importantes positions en portefeuille est une nouveauté pour nous», précise Hovig Moushian.

Cela dit, la pondération individuelle de ces banques dans le fonds est en général bien inférieure à leur poids dans l’indice. Fidèle à l’approche Saxon, le portefeuille détient une cinquantaine de titres dont la pondération peut aller jusqu’à 4 %, mais se situe en moyenne autour de 2,5 % : «Aucun titre particulier ne devrait faire dérailler la performance du fonds. Notre fonds est un assemblage de sociétés que nous aimons et la moitié des titres sont des titres de petite et moyenne capitalisation, comme Northland Power, Progressive Waste Solutions, AG Growth International et Chemtrade Logistics», précise-t-il.