Le plus souvent, pour calculer les impacts environnementaux de la vie d’un produit, les experts s’appuient sur des chiffres. On mesure les intrants et les extrants, les émissions de CO2, les quantités d’eau et d’énergie nécessaires à la fabrication d’un produit, etc. «Or, dans le cas de l’analyse sociale, comme les intrants ne sont pas physiques, on doit voir plus loin», dit Jean-Michel Couture.
Des catastrophes évitées
Certains fabricants ont recours à l’ASCV avant même de lancer un nouveau produit. C’est ce qu’a fait un producteur de cosmétiques qui souhaitait troquer la fabrication de bouteilles à base de pétrole contre un biomatériau à base de canne à sucre.
Marie Vuaillat, de la firme de consultants française Evea, a travaillé sur cette étude qu’elle a présentée à l’occasion du Séminaire international en ACV sociale, qui a eu lieu à Montréal en mai. «D’un point de vue strictement environnemental, l’utilisation d’une ressource renouvelable telle que la canne à sucre l’emporte sur le pétrole. Mais l’analyse sociale a permis de révéler des aspects troublants dans l’approvisionnement en canne à sucre au Brésil, là où se trouvaient ses principaux fournisseurs», explique-t-elle.
La recherche a en effet permis de révéler que plus de 1 500 assassinats avaient eu lieu en 20 ans dans des zones de production relativement à la propriété des terres. Un bilan qui aurait pu nuire considérablement à l’image du fabricant de cosmétiques. Sans compter que la même recherche a mis au jour le fait que des enfants travaillaient parfois dans les plantations. Deux arguments de poids en faveur du plastique à base de pétrole qu’une simple analyse environnementale n’aurait pas pu dévoiler.
Base de données pour les analyses sociales
Si un produit est fabriqué au Québec, la collecte des données à caractère social est exigeante, mais possible. Ce type d’information n’est toutefois pas facile à dénicher lorsqu’on doit faire appel à un fournisseur dans un pays émergent, par exemple. Une faiblesse à laquelle s’est attaquée Catherine Benoît Norris, une Québécoise spécialisée en analyse de cycle de vie et qui habite maintenant Boston, où elle est vice-présidente à la durabilité sociale pour New Earth, une firme de consultation écologique et environnementale.
Elle consacre ses efforts à la construction de la première base de données pour les analyses sociales, la Social Hotspots Database. Les chiffres proviennent de diverses sources telles que l’Organisation internationale du travail, le Forum économique mondial ou d’ONG. Question de permettre aux entreprises de mettre leurs priorités à la bonne place : «La détection des maillons faibles permet à l’entreprise de savoir sur quoi se concentrer.»