L’économiste Hendrix Vachon écrit que la forte hausse du dollar canadien depuis le début des années 2000 s’explique en grande partie par l’augmentation du cours des matières premières, surtout celui du pétrole. « Plus l’économie d’un pays va bien en comparaison aux autres, plus la demande et la valeur de la monnaie sera élevée. La santé de l’économie canadienne est donc positivement influencée par l’évolution du cours des matières premières, et le taux de change canadien y réagit fortement. »

La manière dont le Canada s’est sorti de la crise de 2008 a également favorisé le huard face au billet vert. En comparaison avec le Japon et les États-Unis, beaucoup moins d’assouplissements monétaires ont été requis au Canada dans la foulée de la crise, explique entre autres l’économiste. « La solidité du système financier, les déficits publics moins importants, le maintien d’une cote AAA sur la dette souveraine sont d’autres éléments qui ont soutenu la demande pour le dollar canadien. La question qu’on peut se poser : est-ce que tous ces éléments demeureront en place encore longtemps ? »

À cette question, M. Vachon répond que les perspectives du dollar canadien sont plutôt bonnes à court terme. Tout d’abord, l’amélioration de l’économie mondiale devrait soutenir le prix des matières premières et, par ricochet, le dollar canadien, dit-il. « Les investissements dans le secteur de l’énergie devraient demeurer importants, d’autant plus que le projet [d’oléoduc] Keystone XL devrait se réaliser. Ce pipeline devrait permettre au Canada d’exporter davantage de pétrole et de profiter des prix plus élevés sur les marchés internationaux. »

Toutefois, d’autres perspectives assombrissent le portrait. C’est le cas de la tendance à la baisse du marché immobilier, de l’endettement élevé des ménages et de la lutte aux déficits budgétaires des gouvernements.

Malgré tout, l’économie canadienne devrait croître plus vite que son potentiel à partir de l’automne 2013, écrit M. Vachon. Il estime que les capacités de production excédentaires devraient diminuer graduellement, ce qui commandera un resserrement de la politique monétaire canadienne vers l’automne 2014. « La Banque du Canada sera l’une des rares banques centrales des pays industrialisés à relever ses taux d’intérêt aussi tôt. D’ailleurs, cet écart entre les politiques monétaires canadienne et américaine devrait avantager le dollar canadien », prévoit l’économiste.

Plus difficile à long terme

La tendance à la baisse du dollar canadien devrait s’installer à partir de 2015 lorsque la Réserve fédérale américaine amorcera son resserrement monétaire, soit par un retrait des liquidités injectées, soit par une hausse des taux d’intérêt, avance M. Vachon. « Les effets sur les taux de change pourraient se faire sentir plus tôt en raison d’ajustement en matière de prévisions », ajoute-t-il.

Un soutien accru des matières premières pourrait aider le huard devant le resserrement monétaire américain. Toutefois, l’expansion de l’offre pétrolière risque de freiner les futures hausses de prix. « Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que l’augmentation de la demande mondiale sera presque entièrement comblée par la hausse des capacités de production en dehors des pays de l’OPEP. Dans ce contexte, les prix du pétrole auront de la difficulté à s’éloigner au-dessus des 100 $ US le baril. »

Bien que les perspectives de l’économie canadienne sont bonnes, cela ne sera pas suffisant pour empêcher la dépréciation du huard par rapport à sa contrepartie américaine. L’économiste estime que le dollar pourrait converger vers 0,90 $ US à long terme. Hendrix Vachon n’exclut pas un scénario dans la fourchette 0,80 $ US – 0,90 $ US, notamment dans le cas où la demande des pays émergents pour les ressources naturelles canadiennes ne serait pas au rendez-vous.

« Prévoir les taux de change demeure un exercice difficile, bien souvent entouré d’une grande marge d’erreur », conclut sagement l’économiste de Desjardins.