Afin de satisfaire cette demande, l’américaine BlackStone lançait en juillet 2013 son fonds commun alternatif Blackstone Alternative Multi-Manager Fund. Un mois plus tard, le géant américain récoltait déjà les fruits de son travail avec un mandat de 1 G$ US en provenance des clients de Fidelity, alors que son concurrent PIMCO suivait sa trace en annonçant le lancement d’un fonds commun de contrats à terme (managed futures).
Ces deux exemples ne sont qu’un symbole de l’appétit croissant des gestionnaires alternatifs américains pour les produits de masse tels que les fonds communs de placement. D’après Cerulli Associates, les gestionnaires développent ces fonds communs alternatifs dans le but d’augmenter leur gamme de produits offerts et de diversifier leurs sour-ces de profits.
La grande majorité (72 %) des sociétés de gestion de portefeuille américaines préfèrent construire leurs stratégies alternatives à l’interne, en s’appuyant sur leurs équipes existantes, alors que le tiers des firmes choisissent d’engager des sous-conseillers. Malgré cela, le nom-bre de fusions-acquisitions qui impliquent un gestionnaire alternatif a considérablement augmenté au cours des derniè- res années.
Un sondage mené conjointement par Morningstar et Barron’s en mars 2013 auprès de 235 institutions et 471 conseillers rapporte aussi que l’intérêt des investisseurs américains se détourne des fonds de couverture au profit des fonds communs alternatifs. Les fonds communs alternatifs auraient récolté 19,7 G$ US en 2012. Pendant cette même période, Morningstar estime que parmi les fonds qui composent sa base, les fonds de couverture à stratégie unique (single-strategy hedge funds) ont perdu 7,6 G$ d’actif sous gestion.
Selon l’étude de SEI, «The Retail Alternatives Phenomenon», publiée en juin 2013, bien que principalement observé aux États-Unis, cette démocratisation de la gestion alternative est un phénomène mondial. En effet, de l’autre côté de l’Atlantique, depuis l’instauration de la directive UCITS 3 en 2001 et la création des Newcits, une multitude de gestionnaires alternatifs européens ont eux aussi franchi le Rubicon de la clientèle de détail.
Les auteurs remarquent qu’en-tre 2005 et 2007, les actifs mondiaux gérés de façon alternative ont presque doublé (de 2,9 trillions à 5,7 trillions $ US) et que sous l’impulsion de la crise de confiance de 2008, les actifs sous gestion ont grimpé jusqu’à 6,5 trillions $ US en 2011. En ce qui concerne l’entrée de la gestion alternative dans des produits de masse, les auteurs concluent que cette tendance n’est rien d’autre qu’une troisième vague qui touche l’industrie mondiale de la gestion d’actifs alternative.
Aussi au Canada
Même son de cloche que chez nos voisins du Sud «Au Canada, c’est vraiment comme aux États-Unis», dit Jean-Christophe Greck, directeur du développement des affaires chez Integrated Asset Management, la société mère de BluMont Capital, qui a été la première firme canadienne à lancer un fonds commun de placement alternatif utilisant une stratégie de marché neutre jusqu’alors réservée aux investisseurs qualifiés.
«Il y a vraiment une tendance dans le marché canadien, tant chez les manufacturiers de fonds communs que dans les banques traditionnelles. Et si cette tendance est là, c’est parce que la demande existe» remarque Jean-Christophe Greck. Pour ce professionnel spécialisé dans la gestion alternative depuis plus de cinq ans, les faibles taux d’intérêt et la volatilité des marchés sont les causes principales de cet engouement pour les produits alternatifs.
Richard Bernard, gestionnaire de portefeuille chez Orientation Finance, abonde dans le sens de Jean-Christophe Greck. «On observe vraiment ce phénomène depuis quelques années déjà, surtout pour les stratégies de vente à découvert, dit-il. La plupart des gestionnaires traditionnels ont des stratégies alternatives et cette tendance devrait s’amplifier, car les gens sont à la recherche de revenus et de rendements».
Pourtant, le marché canadien de la gestion alternative accessible aux particuliers est encore nettement dominé par une poignée de gestionnaires. D’après les données de Morningstar Canada, sept fonds communs seulement, admissibles au REER et qui utilisent des «stratégies spéciales», ont un actif sous gestion qui dépasse les 100 M$. Picton Mahoney Asset Management, Vertex One, Aston Hill, CC&L et Fiera Capital sont les cinq poids lourds de l’industrie de la gestion alternative pour grand public.
Malgré la concentration de l’actif sous gestion chez ces quelques gestionnaires alternatifs de renom, le paysage de l’industrie de la gestion alternative ouverte aux particuliers canadiens reste très fragmenté et l’arrivée de nouveaux acteurs ne risque pas d’améliorer les choses. À titre d’exemple, Banque TD Waterhouse offre déjà 59 fonds communs alternatifs, gérés par autant d’enseignes différentes, à sa clientèle particulière.
Toutefois, en mars 2013, Fiera Capital faisait les manchettes en annonçant l’acquisition de certains actifs de gestion alternative de GMP Investment Management. Le phénomène de consolidation de l’industrie de la gestion alternative observé aux États-Unis semble donc gagner du terrain au Canada. «Ce qui est sûr, c’est qu’il y a plus de concurrence que lorsque nous avons lancé notre fonds de marché neutre en 2011», lance Jean-Christophe Greck.