«Je suis personnellement souvent interpellé et j’apprécie cette occasion d’entendre le point de vue de l’industrie et d’expliquer les raisons des politiques publiques qui sous-tendent nos initiatives, notamment sur le plan de la réglementation, a-t-il expliqué. La meilleure façon d’arriver à se comprendre demeure toujours de se parler, et si en fin de compte nous ne pouvons pas être d’accord, il faut au moins que l’on sache pourquoi.»

Place au discernement

Autre pilier important de la stratégie de Louis Morisset à laquelle l’industrie financière, qui a souvent blâmé l’AMF pour son intransigeance et sa rigidité, s’intéressera particulièrement : Louis Morisset a plaidé en faveur d’une application faite «avec discernement de la réglementation face aux cas de manquement mineurs, aux erreurs de parcours bénignes et aux manquements techniques sans conséquence».

Selon Louis Morisset, il en va de la crédibilité du régulateur, qui «repose beaucoup sur la raisonnabilité de nos actions et notre capacité, lorsque possible, à faire la part des choses». D’ailleurs, il ajoute qu’un régulateur soucieux du développement du secteur financier auquel il appartient ne devrait pas réprimer sévèrement dans toutes les circonstances.

Ces propos sont accueillis avec optimisme dans l’industrie financière québécoise qui voit d’un bon oeil ce changement de ton du régulateur : «Il répond ainsi aux critiques qu’on faisait quant à la rigidité de l’AMF, note Michel Mailloux, formateur en éthique et déontologie. Je trouve ces déclarations très encourageantes et elles me rendent plus optimiste pour le futur, mais je préfère quand même rester prudent et j’attends de voir les démonstrations concrètes de ce changement de cap.»

«Je suis très content de ce que je vois, indique pour sa part Gino Savard, président de Mica Services financiers. On sent un changement de mentalité chez les gens de l’AMF. Je pense que cela est dû au fait que plus le temps passe, plus les gens qui travaillent pour le régulateur s’approprient leurs dossiers.»

Présent lors de l’allocution de Louis Morisset, Daniel Bissonnette, président de Planifax, s’est dit très heureux de ce changement de ton : «Avec Mario Albert, il y a eu un tournant, plus d’écoute et des efforts proactifs de communication, indique-t-il. Avec ce nouveau président, on continue dans la même voie. C’est quelqu’un de jeune qui, bien qu’il n’ait pas d’expérience de l’industrie en tant que telle, même s’il a travaillé dans un cabinet d’avocats spécialisés en valeurs mobilières, fait beaucoup d’efforts pour comprendre notre réalité. Ses paroles ne sont toutefois pas tombées dans l’oreille d’un sourd.»

Gino Savard abonde dans ce sens et croit qu’on doit au prédécesseur de Louis Morisset une bonne partie des changements qu’on note aujourd’hui à l’AMF : «Mario Albert comprenait très bien l’industrie dans laquelle il travaillait. Il était en train de changer les mentalités à l’interne à l’AMF. C’est très simple selon moi : lorsque la tête comprend ce qu’elle fait, le reste du corps suit.»

Louis Morisset, entré officiellement en poste en juillet 2013, aura toutefois besoin de temps pour changer la culture interne de l’AMF : «Si bon soit-il dans son poste, il aura besoin de temps pour faire évoluer les mentalités, ajoute Michel Mailloux. Toutefois, lorsque le grand patron d’une organisation fait une déclaration semblable en public, c’est certain que cela a un impact. Les employés de l’AMF risquent de s’en faire parler par les membres de l’industrie.»

Charge contre la commission unique

Louis Morisset a aussi profité de son allocution pour dénoncer l’acharnement du ministre Flaherty dans l’affaire de la commission unique. Selon lui, la nouvelle tentative de création d’une commission coopérative «vise littéralement à donner au gouvernement fédéral et à l’Ontario la mainmise sur l’encadrement des valeurs mobilières et des instruments dérivés au Canada, avec le siège social du nouvel organisme bien campé à Toronto».

Selon lui, le régime de passeport rassemble «tous les avantages d’un régulateur central» sans les inconvénients. C’est une position que Gino Savard partage, et il est heureux que Louis Morisset ait décidé de la défendre : «Il se rend compte de l’impact qu’une commission unique aurait et il agit en conséquence».