Dans ce dernier cas, l’imposition progressive permet d’effectuer du fractionnement de revenu entre une fiducie et le bénéficiaire d’une fiducie.

Modifications proposées

Pour mieux comprendre les changements à venir, prenons l’exemple suivant :

Paul gagne un salaire de plus de 200 000 $ par an. Il est imposé au taux d’imposition maximal de 49,97 %. Son père désire lui léguer à son décès la somme de 1 M$.

Si Paul investit cette somme à un taux de rendement de 4 %, les revenus de placement, de 40 000 $, généreront une facture fiscale de 19 988 $.

Toutefois, si Paul reçoit ce legs par l’intermédiaire d’une fiducie testamentaire, les revenus générés dans la fiducie seront imposés au taux de 28,53 %, ce qui permettra une économie fiscale annuelle d’environ 8 500 $.

C’est cet avantage que le gouvernement fédéral désire éliminer. Si la proposition du gouvernement fédéral est retenue, à compter de l’année fiscale 2016, toutes les fiducies, y compris les fiducies testamentaires, seront imposées au taux d’imposition maximal en vigueur.

De plus, ces propositions ne prévoient pas de clause de droits acquis. Même les fiducies en place avant l’annonce du dernier budget seront touchées par ces propositions. Toutefois, la possible disparition de cet avantage fiscal ne mettrait pas fin à l’utilisation de fiducies testamentaires.

En effet, la plupart des clients qui mettent sur pied de telles fiducies testamentaires ne le font pas pour des raisons purement fiscales, mais plutôt pour atteindre d’autres objectifs :

Héritier souffrant d’un handicap

Si une personne handicapée hérite de biens d’une valeur supérieure à 130 000 $, les sommes héritées au-delà de ce montant peuvent lui faire perdre son admissibilité au programme de solidarité sociale.

Une fiducie testamentaire discrétionnaire (souvent nommée fiducie Henson, dans laquelle le fiduciaire a l’entière discrétion de verser ou non des revenus au bénéficiaire) peut permettre de gérer efficacement les biens de la personne handicapée, tout en évitant la perte des prestations de solidarité sociale.

Il est à noter que les désignations dites de «bénéficiaire privilégié» seront toujours permises lorsque le bénéficiaire d’une fiducie est une personne handicapée. Une telle désignation permet qu’un revenu généré par la fiducie soit imposable dans les mains d’un bénéficiaire, même si aucun capital ne lui est réellement versé.

Toutefois, la désignation de bénéficiaire privilégié pourrait potentiellement compromettre l’admissibilité à une prestation de solidarité sociale.

Dans une telle situation, il serait donc approprié d’utiliser des produits de placement qui bénéficient d’une bonne efficacité fiscale, notamment les fonds constitués en société, afin de réduire la facture fiscale au sein de la fiducie.

Héritiers mineurs ou «immatures»

Lorsqu’on désire léguer des biens à des personnes mineures ou à des personnes qui n’ont pas toute la maturité financière requise, l’utilisation d’une fiducie testamentaire est tout indiquée.

Comme les biens appartiennent à la fiducie, il ne sera pas nécessaire de constituer un conseil de tutelle pour superviser la gestion des biens du mineur.

De plus, en ce qui concerne les jeunes adultes ou les personnes immatures, le fiduciaire pourra assurer un contrôle sur l’accès aux fonds détenus par la fiducie.

Enfin, le fiduciaire aura toujours l’option d’attribuer les revenus générés par la fiducie aux bénéficiaires afin de réduire la portion de revenu payable au taux d’imposition maximum marginal.

Familles recomposées

Une fiducie testamentaire est très utile dans un contexte de famille recomposée.

Dans cette situation, le testateur désire souvent permettre au conjoint survivant de conserver son niveau de vie. Toutefois, on ne veut pas habituellement lui donner l’entière liberté de disposer de ces sommes à son propre décès.

La fiducie testamentaire au bénéfice exclusif du conjoint permet de profiter d’un roulement fiscal de certains biens appartenant au défunt dans une fiducie au bénéfice exclusif de son conjoint.

Le conjoint survivant devra recevoir tous les revenus générés par cette fiducie de son vivant. Cependant, le capital pourra être versé selon les instructions du testateur original au moment du décès du conjoint survivant.

Protection d’actif à travers les générations

Les grands-parents désirent parfois s’assurer qu’une part de l’héritage qu’ils laissent bénéficiera tant à leurs enfants qu’à leurs petits-enfants.

Une fiducie testamentaire peut permettre d’assurer un certain contrôle sur l’actif légué et de s’assurer que les petits-enfants toucheront leur part.

Il sera possible, si l’on désigne les petits-enfants comme bénéficiaires, de leur attribuer une partie du revenu généré dans la fiducie, et ainsi, d’atténuer l’impact fiscal d’éventuelles nouvelles règles.

Fiducie d’incitation au comportement

Un parent désire léguer des sommes importantes à son enfant, mais désire s’assurer que ce dernier ne deviendra pas ce qu’on appelle un «enfant entretenu».

Le testateur peut alors prévoir que l’octroi de certains avantages en provenance de la fiducie sera conditionnel à l’atteinte de certains objectifs, comme l’obtention d’un diplôme collégial ou universitaire.

Dans quels cas ?

Finalement, une question est souvent posée au notaire : à partir de quel montant de capital initial vaut-il la peine de créer une fiducie testamentaire ?

La règle empirique souvent citée en la matière : à partir de 500 000 $.

Toutefois, il faut apporter certaines nuances, car cela dépend de nombreux facteurs, notamment le nombre de fiduciaires, leur rémunération, le type d’actif qu’ils doivent gérer dans la fiducie et la durée de la fiducie.

On essaie habituellement de maintenir un «ratio de frais de gestion» de cette fiducie à environ 1 % de la valeur de l’actif.

En effet, si on emploie un seul fiduciaire qui est peu ou pas rémunéré (un membre de la famille, par exemple), et que les actifs à gérer sont de simples fonds communs, il peut être intéressant de considérer l’utilisation d’une fiducie à compter de la somme de 200 000 $.

Si, inversement, le testateur désire que trois fiduciaires soient en place, rémunérés à leur tarif horaire professionnel, et qu’en plus, on transfère l’actif qui requiert une gestion plus attentive, comme un immeuble à revenu, la somme de 500 000 $ semble plus appropriée.

Se préparer

Quel que soit le résultat des consultations des derniers mois, il est clair que le gouvernement fédéral entend changer les règles d’imposition en matière de fiducies testamentaires.

Les consultations permettront tout au plus de faire quelques aménagements à ces nouvelles dispositions.

Le conseiller qui désire orienter son client aura avantage à se souvenir des modifications proposées avant de mettre en place une planification successorale.

*Notaire et directeur, planification fiscale et successorale, Placements Mackenzie