Pour un autre, le marché n’a jamais offert autant d’occasions au cours des 15 dernières années.

«Je ne voudrais certainement pas acheter l’indice S&P 500 aujourd’hui en raison de sa forte poussée. Son rendement ne sera peut-être pas élevé dans les années à venir. Un gestionnaire actif peut trouver des occasions attrayantes ou détenir de l’encaisse et patienter tant qu’il n’en trouve pas», soutient Clayton Zacharias, cogestionnaire du Fonds Destinée canadienne Trimark.

«Nous avons profité de la hausse des cours pour liquider certains de nos principaux titres en portefeuille, alors que d’autres ont fait l’objet d’acquisitions.»

Le portefeuilliste dit avoir de la difficulté à redéployer son encaisse, car la plupart des sociétés qu’il aimerait détenir sont soit justement évaluées, soit surévaluées.

«La comparaison entre leur potentiel à la hausse et celui à la baisse ne justifie tout simplement pas leur détention», estime Clayton Zacharias, qui a vendu plus de titres qu’il n’en a acheté au cours des derniers mois.

C’est pourquoi l’encaisse s’élevait à 19 % du fonds au 30 novembre dernier, un niveau qu’il juge élevé.

Clayton Zacharias est cependant convaincu que la trentaine de titres du fonds sont parmi les rares sociétés encore attrayantes à détenir à long terme, en raison de leur capacité à créer de la valeur pour leurs actionnaires. Et cela, bien qu’elles ne soient désormais plus bon marché à cause de leur hausse des trois derniè-res années.

«Aujourd’hui, nous n’ajoutons plus d’argent à nos 10 plus importants titres», a-t-il précisé. Ces dix titres comptaient pour 38 % du portefeuille au 30 novembre.

La pondération de 19 % en titres industriels n’est que le résultat de la sélection individuelle de titres attrayants, et non d’une évaluation macro-économique.

On y retrouve trois entreprises irlandaises tombées en disgrâce durant la crise financière de 2008, même si elles réalisent la très grande majorité de leurs bénéfices à l’extérieur de l’Irlande.

La pondération de 21,8 % en titres énergétiques est une nouveauté pour ce fonds qui n’avait jamais détenu de producteur avant il y a deux ans.

«Nous nous y intéressons depuis que le gaz naturel est tombé en défaveur au deuxième semestre de 2011», explique Clayton Zacharias.

À l’inverse, le fonds n’a pas détenu de banque canadienne depuis trois ans et demi.

«Nous sommes moins optimistes quant à leurs perspectives de croissance sur un horizon de trois à cinq ans, eu égard au ralentissement du marché hypothécaire résidentiel», défend-il.

Il juge que le secteur des technologies, qui compte pour 10 % du fonds, est scindé en deux.

D’une part, les cours actuels des titres de médias sociaux ou de commerce électronique reflètent une croissance anticipée astronomique au cours des 20 prochaines années.

D’autre part, les anciennes sociétés de technologie qui n’ont pas les mêmes perspectives de croissance et dont les évaluations restent faibles, malgré leur forte position concurrentielle et leur situation financière très solide, comme Cisco Systems, qu’il détient.

Inquiétude

L’encaisse de 20,5 % du Fonds canadien sécurité Cundill au 30 novembre résulte aussi de la difficulté à trouver des titres à des cours attrayants, particulièrement dans les marchés développés, confirme son gestionnaire Lawrence Chin.

La dernière fois où l’encaisse était aussi élevée remonte à 2007, alors qu’elle s’élevait à 35 %.

Diverses mesures d’évaluation à long terme permettent d’estimer que les rendements futurs seront moins élevés que ceux des cinq dernières années, selon lui.

Entre autres, le ratio cours/bénéfices de Shiller était récemment de 25,6, alors que sa moyenne historique est de 16,5, ce qui se traduit par un rendement annuel futur implicite de 1 %, si l’histoire se répète.

Rappelons que ce ratio avait atteint 13,3 au 1er trimestre de 2009, son plus bas niveau en plusieurs décennies, ce qui signalait alors un meilleur moment pour acheter.

Par ailleurs, la capitalisation boursière totale des actions américaines représentait récemment 116,1 % du produit intérieur brut (ratio d’évaluation prisé par Warren Buffett), rapporte Gurufocus.com. Ce qui est supérieur à la moyenne historique. Cela implique un rendement annuel futur implicite de 1,8 %, y compris le rendement de dividende de 2 %. C’est un signal que le marché est cher.

«L’aspect le plus troublant pour les actions est que la marge bénéficiaire des sociétés est près de son sommet des 23 dernières années et qu’elle a historiquement tendance à revenir vers sa moyenne», s’inquiète-t-il.

Bon nombre de titres en portefeuille recèlent beaucoup moins de valeur que lorsqu’ils ont été acquis, reconnaît-il.

C’est notamment le cas des titres de Canfor et de West Fraser Timber, deux sociétés de produits forestiers achetés lorsque la demande de bois d’oeuvre canadien a piqué du nez dans la foulée de l’implosion du secteur du logement aux États-Unis. Ce secteur s’est redressé depuis.

Il reste encore de la valeur dans certains titres du secteur financier américain, qui compte pour 30 % du portefeuille.

«Nous achetions les banques américaines à 40-45 % de leur valeur comptable corporelle (tangible book value) en 2011. Mais aujourd’hui, elles se négocient entre 90 et 110 % de cette valeur», rappelle-t-il.

Il n’y a qu’en Corée du Sud où Lawrence Chin trouve actuellement des titres attrayants.

Le pays est axé sur les exportations. Or, celles-ci ont ralenti, alors que la valeur du won coréen s’est appréciée par rapport au yen japonais. En effet, la politique d’assouplissement quantitatif très vigoureuse mise en place par la Banque du Japon a eu pour effet de dévaluer le yen, ce qui a contribué à une forte hausse des exportations japonaises, le principal concurrent de la Corée du Sud.

«Il y a eu une liquidation de titres coréens, et leurs évaluations reflètent désormais la force du yuan, ce qui les rend attrayants si vous êtes patients», juge-t-il.

Croissance à tout prix

Malgré leur récente poussée, les marchés boursiers n’ont jamais offert autant d’occasions en quinze ans, et plusieurs actions continuent d’offrir de très belles perspectives de croissance sur un horizon de deux à quatre ans, selon Mark Schmehl, gestionnaire du Fonds Fidelity Expansion Canada depuis mars 2011.

«Je n’ai jamais vu un marché ayant un tel appétit de croissance au cours de mes 15 années dans l’investissement. Cette croissance est très rare», dit-il.

«J’ai rencontré la direction de 200 entreprises au cours des trois derniers mois, et pas une d’entre elles n’a parlé de la croissance de ses affaires. Tout ce dont on me parle, c’est de réduction des coûts, de rachat des actions, ou d’augmentation du dividende. De temps à autre, je tombe sur une société qui montre de la croissance et à laquelle les investisseurs accolent un énorme multiple», relate-t-il.

Cela lui indique que les investisseurs envoient un message clair : faites croître votre entreprise, selon Mark Schmehl. Les entreprises commencent à le comprendre et à investir pour générer cette croissance. C’est pourquoi il croit que les ratios financiers de certaines entreprises sont justifiés en regard de la croissance future des bénéfices.

Il admet que les indices des marchés dans leur ensemble ne génèrent pas beaucoup de croissance, parce que trop d’entreprises qu’il qualifie d’énormes «dinosaures» les dominent.

«Toutefois, nous sommes dans une période de transition au cours de laquelle de nouvelles technologies vont tout simplement détruire de vieilles industries. Il y aura des gagnants et des perdants, et je détiens un très grand nombre de gagnants», note-t-il.

«Leurs modèles d’affaires permettent de croître à un rythme très élevé pour les cinq à dix prochaines années, parce qu’ils augmentent leurs parts de marché aux dépens de ces « dinosaures » qui vont disparaître. On n’a qu’à regarder ce qui est arrivé à Blackberry en six ans. Certains grands constructeurs automobiles risquent aussi de sombrer», soutient Mark Schmehl, qui se décrit comme l’un des derniers gestionnaires de croissance en poste au Canada.

En cela, il affirme ne pas utiliser les ratios d’évaluation habituels et considère que les investisseurs y attachent trop d’importance, ce qui les empêche souvent d’acheter un titre jugé «dispendieux».

Il cite en exemple la société pharmaceutique montréalaise Paladin Labs, dont le titre s’est toujours négocié à des multiples d’évaluation élevés et qui vient tout de même d’être acquise par Endo Health Solutions à une prime de 20 % sur son cours de clôture du 4 novembre dernier.

«Tout mon temps se passe plutôt à étudier une entreprise pour évaluer l’amplitude et la durabilité de son rythme de croissance à long terme. Après que le titre eut grimpé de 60, voire 80 % en trois ans, vous n’avez pas à vous préoccuper du prix que vous l’avez payé», défend-il.

Avec un rendement de 44,24 % pour l’année 2013, ce fonds affiche sa meilleure année depuis son lancement en juillet 1994.