Ainsi, en 2013, l’indice Russell 2000 des petites capitalisations a généré un rendement de 48,1 % (en dollars canadiens).

Or, 80 % de cette progression s’explique par une hausse des cours plutôt que par une hausse des bénéfices.

Gregory McCrickard souligne que le ratio C/B du Russell 2000 oscillait autour de 19, au 31 décembre dernier : «C’est plus de 30 % au-dessus de sa moyenne historique, selon une étude de Bank of America Merrill Lynch».

Les ratios C/B, cours/valeur comptable et cours/revenus (price to sales ratio) du Russell 2000 sont tous dans le quintile le plus coûteux historiquement, selon cette étude.

Attentes élevées

Lorsque cela s’est produit par le passé, les titres de PME ont affiché en moyenne une performance inférieure de 5 % à celle des grandes capitalisations. De plus, ces dernières ont obtenu un meilleur rendement que les PME dans près de 90 % des périodes.

«Les actions de PME américaines sont sans aucun doute chères et la croissance de l’économie doit s’accélérer bien au-delà de 2 % pour justifier les cours actuels. Il devra y avoir une croissance notable des bénéfices au 1er trimestre, car les attentes intégrées dans les prix des titres des PME sont manifestement très élevées», affirme Gregory McCrickard, qui ne prévoit cependant pas de krach pour ces titres.

Par ailleurs, le ratio C/B du Russell 2000 était récemment 24 % plus élevé que celui qui est accolé aux grandes capitalisations de l’indice S&P 500.

«Le ratio C/B du Russell 2000 devrait converger vers celui du S&P 500 et peut-être même lui être inférieur sur un horizon de trois à cinq ans», avance-t-il.

«Les PME ont servi d’outil pour profiter de la croissance interne des États-Unis et pour éviter des zones jugées à risque, comme l’Europe et les marchés émergents. Par ailleurs, les titres de PME sont rares. À la fin des années 1990, il y avait environ 6 400 titres de PME dans lesquels on pouvait investir. Il n’en reste qu’un peu plus de 3 000. Cela a eu pour effet de gonfler leurs prix», estime Gregory McCrickard.

Viser les plus importantes PME

Les petites capitalisations américaines sont coûteuses si l’on utilise l’indice des petites capitalisations Russell 2000 pour les évaluer, admet Steve MacMillan, gestionnaire du Fonds Fidelity Petite Capitalisation Amérique, dont l’objectif est de trouver les titres bon marché dans un marché cher.

C’est pourquoi il préfère concentrer ses achats sur les entreprises de plus grande envergure dans ce segment, car elles se négocient à des cours plus avantageux tout en offrant un profil de croissance plus stable.

Ainsi, les bénéfices des sociétés détenues dans le Fonds Fidelity Petite Capitalisation Amérique ont crû de 20 % en 2013, par rapport à 9 % pour les bénéfices des sociétés qui composent le Russell 2000.

Le ratio cours/bénéfices prévu du fonds oscille autour de 15, soit à peu près le même que l’indice des grandes capitalisations S&P 500, alors que celui de l’indice Russell 2000 s’approche maintenant de 20.

Enfin, à environ 4 G$ US, la capitalisation boursière moyenne du fonds est plus du double de celle de l’indice Russell 2000, qui oscille autour de 1,9 G$ US.

«Les microcapitalisations sont plus chères que les petites capitalisations, qui elles-mêmes sont plus chères que les grandes. Vous payez plus pour les petites capitalisations, mais vous obtenez davantage de croissance», indique Steve MacMillan.

Une des raisons majeures de cette croissance supérieure est que 85 % des revenus des titres inclus dans l’indice Russell 2000 proviennent des États-Unis, où la croissance est supérieure à bien d’autres régions du globe, selon lui. Ce pourcentage n’est que d’environ 65 % pour les titres du S&P 500.

Gare aux titres bon marché

De plus, plusieurs grandes sociétés détiennent leurs bénéfices à l’étranger parce qu’elles y paient un impôt minime, mais elles ne peuvent les rapatrier pour récompenser leurs actionnaires. Cela a un impact à la baisse sur le prix accordé à ces bénéfices.

Par contre, les petites sociétés paient leurs impôts aux États-Unis et «les investisseurs sont prêts à payer davantage pour des bénéfices qui peuvent leur être versés sous forme de dividendes», explique Steve MacMillan.

Ce dernier prévient que plusieurs secteurs des petites capitalisations sont peu coûteux pour de bonnes raisons. Par exemple, les titres financiers ont de bas multiples, mais c’est parce que leur rendement sur l’avoir des actionnaires et leur croissance sont faibles. Il note que d’autres secteurs, par contre, font carrément l’objet de spéculation, notamment le secteur de la biotechnologie et des semi-conducteurs, dont la hausse a atteint 25 % et 20 % respectivement, dans les huit premières semaines de 2014.

«Vous devriez éviter plusieurs titres de technologie et de médias sociaux dont les évaluations nous semblent atteindre des niveaux exagérés par rapport à leur forte croissance. Cela ressemble à la bulle Internet (dot.com) de la fin des années 1990 où l’on projetait des taux de croissance faramineux sur 10 ans», remarque le gestionnaire.

«Bien que les données fondamentales soient positives, les perspectives sont incertaines pour plusieurs de ces sociétés. Les investisseurs qui payent 80 ou 100 fois les bénéfices pour ces titres ne s’intéressent qu’à leur dynamique haussière (momentum) en Bourse», ajoute Steve MacMillan.

Secteurs prometteurs

Par contre, il constate que les entreprises dont la croissance est modeste et qui ne paient pas de dividende sont négligées par les investisseurs.

Il préfère les entreprises non cycliques faciles à comprendre, qui génèrent des revenus récurrents et des bénéfices hautement prévisibles, avec un rendement sur l’avoir et des marges bénéficiaires élevées.

Il en trouve constamment parmi les titres de consommation discrétionnaire, qui comptent pour près du quart du fonds, de même que parmi les titres de soins de santé, qui comptent pour 13,2 %. À l’inverse, les titres énergétiques et ceux des matériaux de base ne comptent chacun que pour 3,4 % du portefeuille.

«On peut perdre de l’argent de deux manières : par une contraction des multiples accordés aux actions et par une contraction des bénéfices. Si je peux trouver des titres qui se négocient à de bas multiples et affichent des bénéfices très prévisibles, mes risques sont amoindris», calcule Steve MacMillan.

Question de reprise

«Le débat à savoir si les petites capitalisations américaines sont maintenant chères ou encore bon marché se résume à une simple question : combien de temps la reprise économique en cours durera-t-elle ? Si elle persiste encore plusieurs années, comme je le crois, les petites capitalisations seront considérées bon marché. Inversement, si elle ne dure qu’une autre année, elles seront considérées chères», opine David Daglio de The Boston Company Asset Management, qui gère le Fonds petites sociétés américaines CIBC.

La raison principale de son optimisme réside dans le fait qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de création de crédit excédentaire dans le secteur privé.

Une surabondance de crédit a toujours indiqué une future récession, car elle mène à des bulles spéculatives, que ce soit dans l’immobilier ou dans d’autres placements, souligne David Daglio.

«Or, la reprise actuelle est la première reprise depuis plusieurs décennies durant laquelle la formation de crédit est anémique, et c’est une bonne chose du point de vue d’un prévisionniste. À l’inverse, si le PIB croissait de 5 % l’an prochain et que le marché du travail croissait au rythme le plus élevé jamais atteint, créant ainsi plus d’inflation, je serais très préoccupé.»

David Daglio rappelle qu’au cours des 40 dernières années, le ratio valeur d’entreprise/revenus des petites capitalisations américaines a été en moyenne inférieur de 25 % à celui des grandes capitalisations. Aujourd’hui, il n’est inférieur que de 15 %.

Les petites capitalisations sont donc actuellement un peu plus chères qu’elles ne l’ont été par le passé.

«Cependant, durant une reprise économique, comme celle qui est en cours, les petites capitalisations ont généralement accru leurs revenus au double du rythme des grandes. Nous croyons que 2014 sera une autre année exceptionnelle pour les bénéfices, mais cette croissance sera moins homogène. Nous investissons dans les segments où les investisseurs n’ont pas bien jaugé la solidité des fondamentaux sous-jacents et où, par conséquent, l’évaluation est encore avantageuse», précise-t-il.

David Daglio ajoute que les PME s’adaptent avec plus de souplesse à la conjoncture économique et sont plus rapides à investir dans des segments de croissance de l’économie. Elles constituent la croissance future de l’économie et, historiquement, elles croissent plus rapidement que les grandes.

La hausse du ratio C/B des PME observée en 2013 est le reflet de la confiance accrue des investisseurs dans leurs futurs bénéfices.

«Le marché a progressé au fur et à mesure que les inquiétudes concernant le précipice budgétaire, une récession en Europe et une économie au ralenti aux États-Unis se sont dissipées», résume-t-il.