Ce dernier se dit conscient que dans un environnement où il y aura à la longue plus d’inflation, les ratios cours/bénéfices (C/B) auxquels se négocient les actions se contracteront.
Aubrey Hearn évite donc les titres dits de «croissance», comme les Twitter, Facebook et Amazon de ce monde, dont les ratios financiers lui paraissent trop élevés et qui pourraient subir une plus importante contraction.
Il leur préfère des titres moins séduisants comme Oracle Corporation, qui ne se négocie qu’à 11,7 fois les bénéfices prévus et dont les bénéfices affichent une croissance annuelle supérieure à 10 %.
Il admet que les titres de son portefeuille ne sont plus aussi bon marché qu’auparavant, mais qu’ils se négocient pour la plupart entre 14 et 15 fois les bénéfices, ce qui est moins que le ratio du marché américain.
Inflation supérieure en vue
Le portefeuille d’Aubrey Hearn est positionné pour tirer parti d’une remontée de l’inflation et d’une hausse des taux d’intérêt, qui pourrait survenir l’an prochain ou dans deux ans, selon lui.
Le portefeuilliste maintient que les taux ont été maintenus bas de façon artificielle pour plusieurs années et devraient revenir à des niveaux normaux.
C’est pourquoi il évite les secteurs sensibles aux hausses de taux, comme celui des services publics (utilities) et favorise ceux qui, comme les banques, ont besoin que les taux d’intérêt soient plus élevés pour augmenter les bénéfices sur leurs prêts. Parmi celles-ci, il détient notamment J.P. Morgan, U.S. Bancorp et Wells Fargo.
Le secteur financier affiche donc la plus importante pondération du portefeuille, soit près de 23 %, par rapport à 16 % pour l’indice S&P 500.
Pourtant, il demeure l’un des secteurs les moins chers parmi les dix secteurs du S&P 500. Ainsi, récemment, les titres de J.P. Morgan et de Wells Fargo se négociaient respectivement à 9,9 et 12,1 fois leurs bénéfices prévus pour 2014.
«Les investisseurs se rappellent la crise de 2008, mais les banques d’aujourd’hui sont beaucoup mieux capitalisées et leurs ratios de liquidité sont solides», indique Aubrey Hearn.
C’est pourquoi la volatilité des bénéfices devrait être très inférieure, d’après lui. «C’est sans compter que l’économie américaine va mieux et que cela se reflète dans une croissance des prêts. Heureusement, les exigences en matière de prêts n’ont jamais été aussi élevées», défend Aubrey Hearn.
L’actif du Fonds de croissance et de revenu américain Sentry, lancé le 31 mai 2011, dépasse 2 G$ trois ans plus tard. Environ 95 % des titres en portefeuille versent un dividende. Le Fonds verse une distribution mensuelle de 2,9 cents par unité.
Secteurs prometteurs
Si l’évaluation actuelle du marché dans son ensemble est près de sa juste valeur, elle cache une très importante division entre les titres défensifs qui versent des dividendes et les titres cycliques sensibles à la croissance de l’économie, selon David Pearl, gestionnaire de portefeuille chez Epoch Investment Partners, à New York, et cogestionnaire du Fonds valeur de grandes sociétés américaines Epoch depuis mai 2013.
David Pearl constate que le marché a atteint de nouveaux sommets sous la poussée des titres défensifs, un phénomène inusité.
«Au cours du 1er semestre, les investisseurs se sont massivement réfugiés dans les titres défensifs, comme ceux des services publics ou des fiducies de placement immobilier, qui se comportent comme des obligations. Ils ont profité de la baisse du rendement des obligations américaines de 10 ans de 3,06 % à 2,4 %. Leur hausse fait en sorte qu’ils se négocient aujourd’hui avec une prime de 20 à 25 % par rapport au marché dans son ensemble», note David Pearl.
À l’inverse, les titres industriels, de technologie ou de consommation discrétionnaire se négocient à des escomptes allant de 20 à 30 %, selon lui.
«Donc, même si le marché n’est pas bon marché dans l’ensemble, plusieurs de ses segments sont peu chers et offrent de bonnes perspectives, à condition de croire que l’économie va s’améliorer et que les taux d’intérêt à long terme vont remonter, ce qui est notre cas», précise-t-il.
David Pearl ne doute en effet absolument pas que l’économie américaine, malgré la baisse de 2,9 % du PIB au 1er trimestre, continue de s’améliorer.
«Les investisseurs vont maintenant se concentrer sur 2015, où la croissance serait supérieure à 3 %. Vous devrez détenir des titres autres que ceux qui ont bien performé au 1er semestre pour participer à cette croissance», pense David Pearl.
Rendements obligataires en hausse
Il croit que la fin du programme d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale américaine se traduira par une hausse du rendement des obligations fédérales de 10 ans, lequel serait supérieur à 3 %, ce qui se traduira par un élargissement de l’écart avec les taux d’intérêt à court terme.
C’est pourquoi il est positif quant aux perspectives des titres financiers, très sensibles pour la plupart à l’écart entre les taux à court et à long terme. Les banques vont donc pouvoir prêter à des taux plus élevés et leurs bénéfices vont s’accroître.
Les titres financiers comptaient récemment pour 19 % du portefeuille, même si on n’en dénombre que deux parmi les dix titres les plus importants en portefeuille.
David Pearl juge que les titres de technologie comme Apple et Microsoft sont très bon marché, car ils se négocient à des escomptes de 20 à 25 % par rapport à l’indice Russell 1000, tout en affichant une plus grande croissance ; sans oublier qu’ils versent un dividende et rachètent leurs actions. Les titres de technologie comptaient récemment pour 21 % du portefeuille.
L’approche «valeur» pratiquée dans ce fonds est axée sur les flux de trésorerie disponibles (free cash flow) et non sur les mesures comptables traditionnelles associées à l’approche «valeur» que sont les ratios cours/bénéfices et cours/valeur comptable.
Les bénéfices et la valeur comptable sont jugés trop susceptibles d’être manipulés ou simplement inexacts. «Durant la crise de 2008, plusieurs banques insolvables avaient une valeur comptable élevée», rappelle David Pearl. Son univers de titres se limite à ceux qui sont compris dans l’indice Russell 1000.
Services publics surévalués
Les nouvelles idées d’achat se font plutôt rares, alors que la valeur des actions de plusieurs secteurs du S&P 500 est élevée, jugent Glenn Fortin et Rui Cardoso, cogestionnaires du Fonds d’actions américaines Beutel Goodman. Ce fonds a remporté le prix du meilleur fonds d’actions américaines lors du dernier gala Morningstar.
«Nous avons réduit du tiers notre participation dans près de la moitié de nos 27 titres en portefeuille. Ces titres avaient atteint leurs cours cibles et notre discipline le veut ainsi : lorsqu’un titre s’est apprécié de 50 %, nous en vendons automatiquement le tiers et nous fixons un nouveau prix cible. Il faut dire que la hausse du marché a été importante, mais c’est quand même rare que tant de titres atteignent si rapidement leurs cours cibles. Et récemment, l’un des titres dont nous avions déjà liquidé le tiers de notre position, Covidien, a fait l’objet d’une acquisition par Medtronic», rappelle Glenn Fortin.
Parmi les secteurs qu’ils jugent nettement surévalués, Glenn Fortin cite celui des services publics, dont aucun titre ne figure au portefeuille depuis plusieurs années.
«Nous avons aussi vendu plusieurs titres du secteur de la consommation et du secteur industriel», ajoute Rui Cardoso.
Cela dit, les deux gestionnaires jugent qu’il y a encore des titres bon marchés, notamment dans les secteurs de la santé et de la technologie.
Ainsi, après avoir vendu leur position dans la pharmaceutique Pfizer, ils ont pris de nouvelles positions dans trois autres sociétés du secteur de la santé, soit Baxter International, Merck & Co et Ely Lily & Co.
Même chose pour le secteur de la technologie, mais bien la technologie axée sur les entreprises et non celle qui est axée sur les consommateurs.
«Nous évitons les titres de sociétés à la mode axées sur le développement d’applications. Nous trouvons beaucoup de valeur dans les sociétés bien établies, ennuyeuses, dont la croissance est lente, mais dont les revenus sont récurrents et dont la rentabilité est élevée», poursuit Glenn Fortin.
Il trouve lui aussi en Oracle Corporation un titre possédant ces attributs : à 6,1 % du portefeuille, c’est la deuxième position la plus importante de ce fonds concentré : ses 15 plus importantes positions comptent pour 71,2 % de son actif.
Les portefeuillistes ont aussi récemment ajouté un titre du secteur des télécommunications, négligé surtout parce qu’il y a de la confusion sur le modèle d’affaires qui aura du succès.
«Nous avons choisi Verizon parce que sa position concurrentielle s’est encore améliorée par rapport à ce qu’elle était il y a un ou deux ans. Elle continue à payer un dividende, même après avoir tant dépensé pour acquérir de Vodaphone les actions de Verizon Wireless qu’elle ne possédait pas déjà. Avec une dette qui ne représente que 1,6 fois les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements, son bilan demeure solide», soutient Glenn Fortin.