Il croit que, dans un marché hésitant, la meilleure tactique est d’augmenter l’encaisse à un niveau équivalant au risque potentiel de baisse du marché : l’encaisse du fonds atteignait récemment 7 %, alors qu’elle oscillait entre 2 et 3 % au début de 2014. Si elle survenait, une correction serait donc de l’ordre de 7 à 8 %, selon ce calcul. Il rappelle que depuis 1934, le marché américain a subi une seule correction d’au moins 10 % durant une année d’élections de mi-mandat, comme c’est le cas cette année.

La correction pourrait être plus élevée si les taux d’intérêt montaient en flèche, ce que John Priestman n’anticipe pas. «Je suis perplexe devant les messages contradictoires du marché des actions et des obligations. Les actions sont évaluées comme si leurs acheteurs entrevoyaient qu’une accélération beaucoup plus forte de l’économie est sur le point de se produire. À l’inverse, la chute des rendements obligataires indique que les acheteurs d’obligations ne croient pas qu’une économie florissante est en vue. La clé de la réussite en investissement cette année pourrait être de savoir lequel des deux marchés fait la bonne prévision», croit-il.

Selon lui, les investisseurs boursiers font preuve d’excès de confiance en anticipant une hausse imminente des taux d’intérêt. Il est d’avis que la croissance faible de l’économie maintient l’inflation et les taux d’intérêt à un bas niveau. Il rappelle qu’historiquement, le rendement des obligations du Canada de dix ans a égalé la croissance réelle de l’économie ; celle-ci ne devrait pas être supérieure à 2,5 % en 2014 et à 3 % en 2015, selon lui.

«Une correction serait la bienvenue, car notre portefeuille affiche un ratio cours/bénéfices moyen de 20, soit son plus haut niveau jamais enregistré : une encaisse plus élevée nous permet d’être prêts à réinvestir dans les titres déjà en portefeuille à des cours plus raisonnables quand une correction surviendra. Dans ce fonds conçu pour générer des revenus, notre encaisse ne peut cependant dépasser 10 %. Nous ne pourrions pas payer la distribution mensuelle actuelle si notre encaisse était de 20 %. La distribution est une partie du salaire mensuel de nos clients, qui sont en majorité des baby-boomers qui prennent de l’âge», explique John Priestman.

La pondération en titres financiers du fonds BMO est de 40 %, dont 17,5 % en titres bancaires. Cette pondération pourrait augmenter à 20 %, car ils représentent le secteur le plus attrayant dans le marché, selon John Priestman. La pondération en titres immobiliers est de 14 %, mais elle a déjà été de 20 %. Les titres d’infrastructure énergétique comptent pour 10 %, mais ils ont déjà compté pour 20 % : «Ce groupe se négocie désormais à un multiple qui oscille entre 25 et 30 fois les bénéfices», souligne John Priestman.

Positionné pour la hausse des taux

Si le bas niveau des taux d’intérêt s’explique en partie par la situation économique et géopolitique incertaine qui prévaut actuellement, des phénomènes qui contribuent généralement à une hausse des taux commencent néanmoins à poindre, notamment la vigueur de la croissance économique chez nos voisins du Sud et le prix plus ferme des métaux de base et de l’énergie, soutient Jennifer McClelland, cogestionnaire du Fonds de revenu d’actions canadiennes RBC.

«À titre de gestionnaire d’actions à revenu, l’évolution des taux d’intérêt est le plus important point d’interrogation. Devant cette possibilité de hausse de taux, notre portefeuille d’actions, dont plusieurs affichent des rendements de dividende élevés, est vulnérable», confie-t-elle.

Elle a donc modifié le positionnement stratégique du fonds pour augmenter la pondération des titres qui réagissent positivement à une hausse de taux, en prenant des bénéfices sur une partie des titres en portefeuille et en évitant d’acheter davantage de titres de secteurs dont les cours ont été portés à des niveaux extrêmes en raison des taux si bas.

Jennifer McClelland croit que les titres si populaires actuellement pourraient reculer rapidement lorsque l’anxiété face à une hausse resurgira inévitablement ; il est difficile de prévoir ce qui poussera les anticipations de taux à la hausse cette fois-ci, mais elle dit se préparer en conséquence. Au printemps 2013, c’était l’annonce par la Réserve fédérale américaine (Fed) de la fin du dernier programme d’assouplissement quantitatif ; cette annonce avait fait bondir le taux des obligations du gouvernement américain de dix ans de 1,67 % à la fin d’avril à 2,90 % au début de septembre.

«Cette fois, on peut penser que les statistiques qui montrent que la reprise économique s’accélère pourraient être le catalyseur d’une hausse des taux», avance-t-elle.

Cela dit, même si elle a augmenté la pondération de titres cycliques qui profitent d’une amélioration de l’économie, Jennifer McClelland conserve une bonne proportion de titres défensifs, car elle admet qu’il est difficile de savoir comment les choses vont se passer.

Le contexte lui semble particulièrement favorable aux titres financiers. Les banques ont prouvé qu’elles pouvaient générer une bonne croissance des revenus dans un contexte où les taux restent bas. Les titres bancaires comptent pour 17 % du fonds, les sociétés d’assurance, pour 8 %, et les titres immobiliers, pour 9 %. «Nous avons abaissé notre pondération dans les fiducies immobilières pour des raisons d’évaluation élevée entraînée par la baisse des taux d’intérêt», relate Jennifer McClelland.

Les titres énergétiques lui paraissent encore intéressants. «Nous nous concentrons sur des sociétés qui payent des dividendes en croissance à partir de flux de trésorerie eux-mêmes en croissance, quelle que soit la conjoncture. Par contre, nous évitons les titres qui sont coûteux simplement parce qu’ils payent un dividende élevé et qui ne se négocient qu’en fonction du rendement de leur dividende», précise-t-elle.

Le dernier tiers du marché haussier

Jason Gibbs, gestionnaire du Fonds de dividendes Dynamique, est aussi préoccupé par les risques que pose la politique de taux très bas maintenue par la Fed pour empêcher que la crise de 2008 se reproduise.

Il croit cependant que nous sommes au début du dernier tiers du marché haussier entamé il y a plus de cinq ans. «Le meilleur moment pour acheter des actions est lorsque personne n’en veut et que les choses vont mal. Or, bien que leur valeur ait triplé depuis le creux de 2009, il y a encore beaucoup de scepticisme envers les actions. Tout le monde attend une correction, ce qui généralement ne signale pas un sommet», avance-t-il.

Cela dit, Jason Gibbs prévient les investisseurs qu’ils sont désormais dans une période où les rendements annuels espérés oscilleront entre 5 et 7 %, y compris le rendement de dividende. Les gains en capital dépendront beaucoup plus de la croissance des bénéfices que de l’expansion du multiple accordé à ces derniers. Ce multiple est passé de 10 à 16 fois les bénéfices en cinq ans.

Il n’en pense pas moins que les actions sont de loin la catégorie d’actif la plus attrayante actuellement. «Vous pouvez encore acheter des actions à revenu de grande qualité qui versent un dividende plus élevé que le rendement d’une obligation du Canada de dix ans. Sans compter que vous obtenez un crédit d’impôt pour ce dividende, dividende qui va croître», souligne-t-il.

Son approche axée sur la sélection individuelle de titres lui indique cependant que certains d’entre eux sont désormais nettement surévalués, notamment les titres ferroviaires canadiens. Il juge les banques canadiennes pleinement évaluées à leurs cours actuels ; c’est pourquoi leur pondération dans le fonds n’est que de 12 %, par rapport à 22 % environ de l’indice composé S&P/TSX.

Néanmoins, son encaisse n’est que de 2,7 % et il trouve encore des titres attrayants, notamment dans un secteur que plusieurs jugent surévalué, celui des infrastructures énergétiques. «Ces titres sont moins chers que leurs comparables américains, et cet écart d’évaluation est appelé à rétrécir, eu égard à la croissance sans précédent des oléoducs et autres infrastructures énergétiques en Amérique du Nord. Le marché ne le comprend pas encore entièrement», défend Jason Gibbs. Sans surprise, le titre de la société de pipeline TransCanada Corp est le plus important en portefeuille.

Les titres immobiliers sont aussi intéressants : «Ils correspondent exactement à ce que nous cherchons : des actifs durables (hard assets), des flux de trésorerie stables à l’abri de l’inflation et des actifs qui se négocient sur les marchés boursiers à des cours moindres que lors de transactions privées. Leurs cours sont toutefois vulnérables à une hausse plus rapide qu’anticipée des taux, comme on en a connu au printemps 2013», reconnaît-il. Jugeant qu’ils sont dans l’ensemble correctement évalués, certains se négocient toutefois à des cours attrayants, comme H&R REIT, Calloway REIT et Brookfield Property Partners.