Coûts importants
Antti Petajisto calcule d’abord que l’écart moyen entre les cours boursiers de tous les FNB et la valeur de leur actif sous-jacent, ou valeur liquidative (net asset value), n’est que de 14 points de base. Il conclut donc qu’en moyenne, leur prix n’est ni trop élevé, ni trop bas.
Toutefois, l’auteur souligne que la prime (ou l’escompte) à laquelle se négocient les FNB par rapport à leur valeur liquidative oscille de – 130 à + 130 points de base, soit une fourchette de 260 points de base.
En tenant compte d’ajustements qu’il fait aux évaluations périmées de l’actif sous-jacent, il ramène les écarts par rapport à la valeur liquidative dans une fourchette de 150 points de base.
Les FNB diversifiés d’actions et d’obligations gouvernementales américaines affichent des écarts moins volatils. Ceux d’actions internationales de même que ceux d’obligations municipales et de sociétés montrent des écarts qui varient de 60 à 160 points de base par rapport à la valeur liquidative.
Négocier des FNB à ces cours inefficients coûte cher. De janvier 2007 à décembre 2010, les coûts annuels inhérents sont évalués à 44 G$ US si la fourchette est de 260 points de base, ou à 26 G$ US si la fourchette retenue est de 150 points de base.
Selon les calculs d’Antti Petajisto, une stratégie active d’arbitrage pour exploiter ces écarts aurait généré un alpha de 11 %, voire 26 % par an si les calculs ne portent que sur les FNB où ces écarts sont susceptibles d’être plus importants.
Certain étonnement
Dan Hallett, vice-président et directeur, gestion d’actifs, chez HighView Financial Group, n’est pas surpris de la conclusion selon laquelle les cours boursiers des FNB s’éloignent souvent de leur valeur liquidative. Toutefois, l’ampleur du phénomène l’étonne.
«Plus les FNB sont spécialisés, plus les segments de marché qu’ils reproduisent sont étroits, et moins il est probable que les titres sous-jacents soient liquides», note Dan Hallett.
«Un FNB qui reproduit un panier de titres moins liquides aura dès le départ des écarts plus importants entre l’offre et la demande, ce qui augmentera d’autant le risque que ce FNB soit négocié à des cours qui s’éloignent de sa valeur liquidative», explique-t-il.
«Les titres moins liquides sont plus difficiles à obtenir et plus coûteux à négocier. De sorte que les teneurs de marché (market makers) ne seront pas aussi disposés ou capables d’effectuer l’arbitrage qui vise à se rapprocher de la valeur liquidative», poursuit Dan Hallett.
Sérieux doutes
Lorsqu’on parle à John Gabriel, analyste et stratège en FNB chez Morningstar à Chicago, l’étonnement fait place à l’incrédulité : «C’est une étude très théorique fondée sur beaucoup d’hypothèses. Elles ne sont pas tout à fait claires».
«Divers ajustements sont faits aux cours boursiers auxquels les FNB sont présumés avoir été négociés», souligne-t-il.
«Pourquoi prendre des mesures à la fin de la journée, alors que les écarts s’agrandissent parce que les teneurs de marché font leurs comptes ? Ils sont fermés pour la journée et les écarts augmentent. Vous devriez prendre un instantané des écarts au moment où les marchés sont actifs, pas à la fermeture», juge-t-il.
«On peut même se demander si les primes ou les escomptes que l’étude rapporte sont bien réels. Dites-vous bien que s’il y avait eu 44 G$ US par an de profits réels d’arbitrage à tirer de ces écarts, il y a longtemps qu’ils auraient été empochés et que votre humble serviteur serait au courant !»
«En effet, des milliards en capital sont consacrés à l’arbitrage dans le but précis de tirer parti de toutes les inefficiences des marchés. Cette étude ne me paraît pas pertinente pour les conseillers et les clients dont le portefeuille est conçu pour le long terme», tranche John Gabriel.
Leçons à retenir
Il reconnaît à l’auteur le mérite de mettre en lumière le fait que le ratio des frais de gestion (RFG) n’est pas le seul facteur dans le coût total de détention d’un FNB. Ainsi, un achat à prime par rapport à la valeur liquidative constitue un coût supplémentaire qui peut être plus important que celui des frais de gestion.
C’est surtout le cas des FNB sectoriels et des FNB internationaux. «Il n’y a guère de problème avec les FNB qui couvrent des marchés liquides, comme le SPDR S&P 500 ETF, où votre coût, outre le RFG, est l’écart entre l’offre et la demande dans le marché», juge John Gabriel.
Il reconnaît aussi qu’Antti Petajisto a bien montré que les écarts les plus importants entre les cours boursiers des FNB et leur valeur liquidative surviennent au moment où la volatilité, mesurée par le VIX, est très élevée, comme à l’automne 2008.
«Intuitivement, c’est ce à quoi on pourrait s’attendre et les faits corroborent cette intuition. Un particulier qui achète un FNB pendant ces périodes court un plus grand risque que son prix s’éloigne sensiblement de la valeur liquidative», dit le stratège de Morningstar.
«Mais si vous détenez le FNB dans le cadre d’une pondération d’actif stratégique, et donc axée sur le long terme, et que vous ne le négociez pas durant une période de grande volatilité, cela n’a absolument aucun effet sur vous. La leçon est claire : ne négociez pas durant ces périodes», raisonne John Gabriel.
Autre leçon : autant que possible, négociez des FNB d’actions internationales lorsque les marchés où sont cotés les titres sous-jacents sont ouverts. Ce n’est pas toujours possible, et souvent, la valeur liquidative disponible est périmée de toute façon.
«Les FNB d’actions internationales incorporent dans leurs cours des développements qui surviennent en Amérique au moment où les marchés étrangers sur lesquels leurs titres sous-jacents sont cotés sont encore fermés !» souligne John Gabriel.
«Dans ce cas, un écart par rapport à une valeur liquidative périmée n’est pas une erreur. Cet écart disparaît dès que les marchés étrangers ouvrent et que les développements survenus en Amérique peuvent se refléter dans les cours des titres», explique-t-il.
Les FNB ont fait leurs preuves
Selon John Gabriel, la valeur ajoutée qu’offrent les FNB aux investisseurs à long terme n’est pas remise en cause par cette étude.
«Je ne peux penser à une pire épreuve pour les FNB que la crise financière de 2008, et ils en sont sortis indemnes.»
Il rappelle qu’en 2008, il aurait tout de même été possible de liquider un FNB d’obligations à rendement élevé (ORE), probablement avec un écart important par rapport à sa valeur liquidative. Mais il aurait été très difficile de vendre une seule ORE, le marché étant pratiquement gelé.
«Quel outil de placement auriez-vous préféré détenir ? Une seule ORE ou un FNB d’ORE ?» demande John Gabriel.