«Le profil rendement/risque du marché boursier ne nous semble pas particulièrement attrayant, même après la récente correction», estime Brandon Snow, gestionnaire de la Catégorie de société d’actions canadiennes Cambridge.
L’encaisse de ce fonds représente 13,3 % de son actif au 31 octobre dernier, ce qui reflète cette perception de risque plus élevé.
«Le marché est plus cher qu’il y a deux ans, et nous ne prévoyons pas une forte réaccélération de l’économie. Nous espérons que la croissance satisfaisante que nous enregistrons se maintiendra et notre scénario privilégié exclut toute implosion de l’économie», précise-t-il.
Chasse aux dividendes risquée
Brandon Snow est d’avis que la bonne progression des titres en Bourse au cours de la dernière année est attribuable à des anticipations de fortes hausses des bénéfices. Il prévient toutefois qu’à ce stade, les bénéfices des sociétés devront rattraper les cours boursiers.
«Cela dit, le marché peut devenir encore plus cher, mais je suis un investisseur et non un spéculateur et je ne suis pas prêt à payer cher des titres dans l’espoir de les revendre encore plus cher à quelqu’un d’autre», tranche-t-il.
Certains titres l’inquiètent particulièrement, notamment ceux qui offrent les rendements en dividendes les plus élevés, dont les évaluations relatives au reste du marché sont les plus élevées jamais atteintes. La chasse au dividende engendrée par les bas taux d’intérêt expliquerait cette situation.
«Nous avons vendu tous nos titres de pipelines, à l’exception de ceux de Keyera. Nous ne détenons pas de titres de télécommunications. Nous avons vendu notre position dans Brookfield Asset Management. Même les banques canadiennes nous paraissent un peu coûteuses. Je ne détiens plus de titres de grandes sociétés pharmaceutiques. Leur stabilité et leur dividende sont surévalués par le marché», juge-t-il.
Correction insuffisante
Brandon Snow dit avoir effectué une certaine rotation en faveur des titres plus cycliques. Cela dit, le recul de l’indice a eu un impact plus important sur les petites capitalisations que sur les grandes.
Il reste donc patient pendant cette correction : «Il y a plusieurs titres que j’aimerais acheter, mais ils se négocient de 2 à 5 % plus cher que ce que je suis prêt à les payer. Je ne crois pas que ce soit le dernier recul que le marché subira», ajoute-t-il.
Il a tout de même profité de la récente correction pour investir dans certains titres du secteur industriel, comme Precision Casparts, un fabricant américain de composantes métalliques. Il a aussi acheté le titre d’Adecco, une multinationale européenne de ressources humaines qui se classe au premier rang dans le secteur du travail temporaire. Certains titres d’Internet, comme Priceline et Google ont aussi été ajoutés.
Les titres énergétiques qu’il détient ne lui causent pas de problèmes, malgré leur déclin. «Les producteurs à bas coût que nous détenons peuvent accroître leurs bénéfices, et ce, que le prix du pétrole brut soit à 70 ou à 90 $ US le baril», souligne-t-il.
Sélection fine
«Aujourd’hui, il faut donc sélectionner les titres à la pincette, alors qu’en 2009, on les ramassait à la pelle», dit à la blague Daniel Dupont, gestionnaire du Fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada, dont l’encaisse avoisine les 25 %, si l’on tient compte des opérations d’arbitrage sur certaines sociétés qui font l’objet d’acquisitions.
Le rétrécissement des marges bénéficiaires est le risque principal auquel les actions sont exposées, croit-il. Il rappelle qu’aux États-Unis, les bénéfices nets des sociétés représentent plus de 10 % du PIB, un sommet historique, alors que la moyenne oscille autour de 6 %.
En outre, les ratios financiers couramment utilisés sont aussi plus élevés que leur moyenne historique, selon Daniel Dupont : «La combinaison de ces deux facteurs nous incite à la prudence, car les marges aussi bien que les ratios pourraient baisser un peu. Dans ce contexte, un rendement boursier nul sur les cinq prochaines années n’est pas à écarter.»
Daniel Dupont dit se montrer très prudent quand il achète un nouveau titre, accordant autant d’importance à la solidité de ses marges qu’aux ratios financiers auxquels il se négocie.
Ressources naturelles sous-pondérées
Cet exercice de sélection ne changera guère la sous-pondération toujours importante du fonds dans les secteurs de l’énergie et des matériaux de base, dont les titres ne correspondent que rarement à ses critères d’investissement.
«Les entreprises de ces secteurs ont en général des rendements du capital investi plus bas et plus cycliques que la moyenne, et le prix de la matière première sous-jacente est difficile à prédire. Cela entraîne une imprévisibilité dont je ne veux pas dans ce fonds», insiste Daniel Dupont, qui qualifie son style de gestion de défensif.
Cette sous-pondération est compensée par la surpondération presque permanente des secteurs des biens de consommation de base et de consommation discrétionnaire, qui comptent pour environ 20 % et 13 % du fonds, respectivement.
Daniel Dupont admet que la pondération d’environ 19,5 % du fonds dans des titres de technologie a de quoi surprendre. Il dit investir dans les titres de sociétés qui peuvent générer des revenus récurrents sur les logiciels qu’elles installent plutôt que sur les ventes de matériel informatique.
IBM, la plus importante position en portefeuille, en est l’archétype, selon lui. «On pourrait trouver des sociétés de meilleure qualité, mais quand on a la chance de les acheter à d’aussi basses évaluations, elles s’avèrent de bons placements», raisonne-t-il.
Jugeant qu’il y a plus d’occasions à l’étranger qu’au Canada, Daniel Dupont indique que la pondération en titres canadiens oscille près de son minimum de 50 %.
Même si l’Europe souffre de problèmes structurels, la baisse des évaluations en 2014 permet d’y acquérir à des cours attrayants des titres peu touchés par la macroéconomie.
Éliminer le bruit de fond
D’autres gestionnaires ont néanmoins profité de la correction pour déployer leurs liquidités. C’est le cas de Michael Simpson, gestionnaire principal du Fonds d’actions diversifiées Sentry.
«Il est juste de dire qu’après la correction, je suis assez optimiste quant aux perspectives des marchés boursiers. Nous avons profité de la correction pour ajouter à nos positions existantes, notamment UPS et Union Pacific. J’ai même acheté un titre de services à l’industrie énergétique, Trinidad Drilling», explique Michael Simpson.
«Il faut éliminer le bruit de fond des diverses crises que sont l’épidémie du virus Ebola et les guerres en Syrie et en Ukraine qui font la manchette des médias, et se concentrer sur le fait que les dividendes des bonnes sociétés continuent d’être versés trimestriellement», martèle-t-il.
Michael Simpson calcule que l’indice S&P/TSX se négocie à 14,8 fois les bénéfices prévus pour 2015, un niveau qu’il juge attrayant. Il évalue à environ 4,6 % la prime de risque associée aux actions, qu’il obtient en soustrayant le taux de rendement des obligations du Canada de dix ans du ratio-bénéfices/cours (l’inverse du ratio cours/bénéfices).
Il concède que cette prime a chuté d’environ 40 % depuis la crise financière de 2008, mais souligne qu’elle reste de 3,7 % supérieure à sa moyenne pour la période de 10 ans terminée le 31 août dernier.
Gare aux dividendes trop élevés
Michael Simpson dit cibler des entreprises qui possèdent un avantage concurrentiel, qui sont faiblement endettées, qui génèrent des flux de trésorerie disponibles (free cash flow) prévisibles et qui paient souvent un dividende en croissance au fil du temps. Il évite cependant les titres qui distribuent un pourcentage élevé de leurs bénéfices en dividendes, de même que ceux se négociant à des multiples élevés.
Le titre du plus grand producteur de bois d’oeuvre nord-américain, West Fraser Timber, correspond à ces critères. «C’est un producteur à faible coût, avec des marges qui font l’envie de l’industrie. À 10 fois les bénéfices prévus de 2015, son évaluation est attrayante, et son bilan, de même que ses flux de trésorerie, sont solides. Le titre offre aussi aux investisseurs un dividende en croissance. West Fraser Timber devrait profiter des volumes croissants d’expédition de bois d’oeuvre vers la Chine depuis 2010. Alors que l’industrie du bois de sciage poursuit sa reprise après les rigueurs de l’hiver dernier et les grèves, le niveau des stocks devrait revenir à la normale et favoriser le prix du bois d’oeuvre au cours de l’année à venir», anticipe Michael Simpson.
Par ailleurs, il préfère les banques américaines aux banques canadiennes en raison de l’importance de l’endettement, déjà élevé, des consommateurs canadiens. Sa pondération en titres financiers n’était que de 6,5 % au 31 octobre dernier.
Le fonds ne détient que peu de fiducies immobilières, sensibles aux hausses de taux. Ces fiducies se négocient à des ratios financiers de leurs flux de trésorerie trop élevés, selon lui.
Michael Simpson dit ne pas détenir de pipelines comme TransCanada, Enbridge ou Pembina non plus, en raison de leurs évaluations élevées, mais il conserve lui aussi une petite position dans Keyera.
Il demeure prudent sur les secteurs des produits matériels et de l’énergie. Malgré cela, la pondération en titres énergétiques du fonds s’élevait à 23,9 % au 31 octobre dernier. Il dit favoriser les producteurs à faibles coûts, qui ont un bas niveau d’endettement, afin de gérer ce qui pourrait s’avérer un cycle baissier pendant quelque temps.