Comme les frais, les impôts réduisent les rendements nets des investisseurs ainsi que leur patrimoine composé. Différentes sources de rendement, comme les intérêts, les dividendes canadiens (et étrangers) et les gains en capital peuvent être imposés différemment, ce qui influe sur l’attrait relatif des produits financiers.

En outre, dans certains pays, le revenu tiré d’instruments de placement particuliers est exonéré d’impôt, comme celui tiré de titres de municipalités aux États-Unis. Le placement d’actifs financiers dans certains programmes parrainés par l’État peut aussi avoir une incidence sur le fardeau fiscal global. Par exemple, plusieurs gouvernements ont mis en place des programmes avec exonération et report d’impôt pour promouvoir l’épargne, à savoir les régimes d’épargne-études au profit des enfants et les régimes d’épargne-retraite.

L’imposition touche les rendements nets et le risque. Elle a donc une influence sur le choix des produits de même que sur la répartition des actifs.

L’incidence globale des impôts et des frais sur les rendements

Examinons un placement dans des titres à revenu fixe rapportant 3,0 % avant déduction des frais de gestion et des impôts. Laissons de côté, pour le moment, la possibilité de gains ou de pertes en capital. Prenons aussi deux scénarios de frais de gestion d’actifs (0,30 % et 1 %) et deux scénarios d’imposition (non imposable et imposable à 40 %). Le tableau suivant indique le rendement annuel moyen après déduction des impôts et des frais de même que la valeur cumulative d’un placement annuel de 1 000 $ sur des périodes de 10, 20 et 30 ans.

Les impôts amputent davantage l’accumulation du capital, mais réduisent aussi l’incidence nette des frais dans la mesure où tous les frais sont déductibles d’impôt. Par exemple, même si la différence entre les frais de 0,30 % et les frais de 1,00 % est de 0,70 % avant impôt, elle n’est que de 0,42 % après impôt (0,70 % x (1-40 %)).

De plus, cet exemple révèle l’importance de la gestion des impôts et des frais. Le revenu gagné dans le cas d’un scénario à frais moins élevés et à exonération d’impôt est de loin supérieur au revenu gagné dans un scénario à frais plus élevés avec imposition.

Par exemple, dans le cas de la période de 30 ans, le revenu gagné s’établit à 16 553 $ (46 553 $ – (30 x 1 000 $)) pour le scénario le plus favorable, tandis qu’il n’est que de 6 285 $ pour le scénario le moins favorable.

LEs Sources de revenu et l’incidende des impôts
La plupart des pays imposent différemment les sources de rendement du capital investi. Prenons l’exemple des lois fiscales américaines et canadiennes aux fins d’illustration. Ces lois fiscales comportent certains éléments communs de politiques fiscales, mais il y a aussi des différences.

Manifestement, la réalité est parfois beaucoup plus complexe.

Il faut aussi tenir compte d’une autre considération importante : les retenues à la source. Bon nombre de pays assujettissent à l’impôt les dividendes versés aux investisseurs étrangers. En vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, la retenue à la source applicable aux dividendes s’établit à 15 % dans les deux pays. En principe, si le taux de dividendes est de 2 %, une retenue de 15 % se traduit par une perte d’environ 0,30 % du rendement. Toutefois, il est souvent possible de récupérer les retenues à la source en réclamant un crédit d’impôt pour compenser les impôts étrangers dans un compte imposable (mais ces retenues à la source peuvent être inapplicables dans certains cas si les pays ont conclu une convention fiscale couvrant ces situations). Toutefois, les choses peuvent devenir très compliquées, voire déroutantes. Le montant net de retenues à la source sur les titres étrangers peut différer en fonction du type d’instrument utilisé (comme le placement direct dans des titres, des FNB inscrits à la cote d’une bourse locale ou des fonds communs de placement qui détiennent directement des titres, les FNB inscrits à la cote d’une bourse étrangère, les FNB inscrits à la cote d’une bourse locale qui peuvent investir dans des FNB inscrits à la cote d’une bourse étrangère, les FNB inscrits à la cote d’une bourse étrangère qui peuvent investir dans des titres étrangers, etc.) et en fonction de la localisation de ces actifs sont placés (dans des comptes imposables, avec report d’impôt ou avec exonération d’impôt). De façon générale, il est préférable d’éviter d’acheter des FNB locaux qui investissent dans des FNB inscrits à la cote d’une bourse étrangère qui détiennent des titres internationaux. Dans de tels cas, certaines retenues à la source ne seront pas nécessairement récupérables ni évitées. Toutefois, étonnement, il est très difficile de trouver un texte exhaustif sur cette question.

Se pose, finalement, la question de la déduction des frais aux fins fiscales (dans les comptes imposables). Encore une fois, les choses peuvent devenir assez compliquées. À titre d’illustration, tenons pour acquis que les frais réduisent la distribution en espèces imposable des revenus d’intérêts et de dividendes dans les fonds communs de placement et les FNB et que la distribution de revenus suffit pour couvrir ces dépenses*.

Prenons maintenant le scénario suivant où le taux d’imposition ordinaire est de 40 %, tandis que les taux d’imposition sur les dividendes canadiens admissibles et les gains en capital sont tous deux de 20 %. Supposons également que les rendements annuels prévus des titres à revenu fixe et des actions (canadiennes et internationales) sont respectivement de 3,0 % et de 7,0 % (2,0 % pour les dividendes et 5,0 % pour les gains en capital). Quel serait le rendement net dans tous les contextes possibles? Pour l’instant, présumons que les gains en capital sont réalisés et imposés annuellement. Cette hypothèse sera atténuée plus loin. Les frais afférents aux produits financiers varient considérablement mais, avec l’avènement des fonds négociés en bourse, les produits d’actions ne sont pas nécessairement assortis de frais plus élevés que les produits de titres à revenu fixe, ils sont même souvent plus bas en réalité. Dans tous les cas, les frais totaux correspondent à 1,00 %.

Malgré les taux d’imposition plus bas sur les dividendes et sur les gains en capital canadiens, les impôts que l’on doit s’attendre à payer sur les actions canadiennes sont plus élevés que ceux versés sur le revenu en intérêts en raison du rendement prévu plus élevé. Naturellement, différentes hypothèses de rendement et différents taux d’imposition pourraient mener à une autre conclusion.

Impôts et véhicule de placement des actifs

Les actifs financiers peuvent être détenus dans des comptes imposables, dans des comptes exonérés d’impôt (Roth IRA aux États-Unis et CELI au Canada) ou dans des comptes à report d’impôt (IRA aux États-Unis et REER au Canada). Un compte à exonération d’impôt permet l’accumulation et le retrait éventuel du capital accumulé sans incidence fiscale. Un compte à report d’impôt indique que toute contribution fiscale est déductible au taux d’imposition ordinaire en vigueur au moment de la contribution, tandis que le retrait futur sera imposé au taux d’imposition ordinaire en vigueur au moment du retrait. Le rendement du capital investi s’accumule en franchise d’impôt. Ainsi, tant dans les comptes à exonération d’impôt que dans les comptes à report d’impôt, le rendement du capital investi s’accumule en franchise d’impôt. La différence réside dans ce qui se produit au moment où un apport en capital est effectué et au moment où du capital est retiré. Encore une fois, prenons un taux d’imposition stable de 40 % et une cotisation annuelle de 1 000 $ pendant trente ans à un compte de report d’impôt affecté à un portefeuille d’actions canadiennes comme indiqué ci-dessus.

Dans ce cas, la cotisation de 1 000 $ faite chaque année ne coûtera à l’investisseur que 600 $ après impôt, car il recevra un remboursement d’impôt de 400 $. Présumons que l’investisseur a le choix entre affecter 1 000 $ au compte à report d’impôt ou 600 $ au compte à exonération d’impôt puisque le coût net pour le particulier est essentiellement le même. Après trente ans, dans la mesure où le rendement net équivaut à 6,0 % et que les taux d’imposition sont demeurés les mêmes, le capital accumulé dans les deux comptes serait le suivant.

Le capital accumulé avant impôt est beaucoup plus élevé dans un compte à report d’impôt que dans un compte à exonération d’impôt. Toutefois, si on présume que le taux d’imposition dans trente ans sera le même qu’aujourd’hui, les deux comptes jouissent du même pouvoir d’achat parce que si on retire du capital du compte à report d’impôt, il sera imposé
à 40 %. On peut donc conclure que les deux s’équivalent généralement dans la mesure où le taux d’imposition à la retraite est similaire.

En outre, les deux possibilités sont préférables à un compte imposable. Par exemple, si on suppose que le rendement net après impôt s’établit à 4,80 %, il est possible de démontrer qu’il faut un investissement annuel de 747,30 $ pour obtenir la même valeur après impôt après trente ans. Il s’agit de 147,30 $ de plus que ce qui serait nécessaire pour un compte à report d’impôt ou à exonération d’impôt. Autrement dit, le même niveau de vie est atteint malgré un investissement inférieur de 19,7 % par année! Il vaut vraiment la peine de maximiser l’utilisation des comptes à exonération d’impôt ou des comptes à report d’impôt avant d’investir par l’intermédiaire d’un compte imposable**.

Autres incidences fiscales

Les investisseurs devraient d’abord maximiser le recours aux comptes à exonération d’impôt ou à report d’impôt. L’investisseur qui évite les impôts peut obtenir le même patrimoine final avec un risque bien moindre ou un patrimoine beaucoup plus important au même niveau de risque.

Si les investisseurs détiennent un portefeuille diversifié de titres à revenu fixe, d’actions canadiennes et d’actions étrangères, il ne faut pas être indifférent quant au véhicule de placement des actifs financiers.

Traditionnellement, il est conseillé de placer les titres à revenu fixe dans des comptes non imposables en premier (à report ou à exonération d’impôt) en raison du taux d’imposition plus élevé sur le revenu en intérêts. Toutefois, la réponse exacte est liée :

• aux revenus et aux gains en capital prévus sur différentes catégories d’actifs et différents produits;

• aux taux d’imposition qui s’appliquent à chaque investisseur pour différentes sources de revenu;

• aux instruments de placement utilisés, au placement de ces instruments (dans des comptes imposables ou non imposables ou à report d’impôt) et à l’influence de ces facteurs sur les retenues à la source sur les actifs
étrangers;

• au roulement annuel prévu des titres dans les différents portefeuilles (c.-à-d., la vitesse à laquelle les gains en capital seront imposés).

Par exemple, contrairement à ce qu’on croit généralement, dans un contexte de taux d’intérêt très faibles, l’investisseur pourrait avoir avantage à placer les actions locales dans un compte non imposable, et ce, pour deux raisons :

• Premièrement, le montant d’impôt total versé par dollar d’actifs pourrait être encore plus élevé sur les actions en raison des rendements plus élevés prévus même si les taux d’imposition sont plus faibles sur les dividendes et les gains en capital canadiens que sur le revenu en intérêts.

• Deuxièmement, il faut se souvenir que l’effet composé des rendements périodiques est proportionnellement plus puissant lorsque le rendement prévu (après ajustement fiscal) est plus élevé. Par exemple, sur un portefeuille composé à 50 % d’actions et à 50 % de titres à revenu fixe, il est préférable de composer les rendements à 6 % sur les actions et à 2 % sur les titres à revenu fixe que de les composer à 5 % sur les actions et à 3 % sur les titres à revenu fixe. L’argument voulant que l’on détienne des actions dans le compte non taxable en premier pourrait aussi s’appliquer aux actions étrangères même s’il peut s’avérer impossible d’obtenir un crédit d’impôt pour les retenues à la source ou de bénéficier d’une exonération d’impôt. Cela s’explique principalement par le fait que le taux d’imposition des dividendes étrangers est plus élevé que celui des dividendes canadiens si ceux-ci sont détenus dans un compte imposable. Ainsi, dans un compte non imposable, les investisseurs peuvent être assujettis à des retenues à la source, mais éviteront le taux d’imposition plus important sur les dividendes.

Pour illustrer davantage l’importance du véhicule de placement des actifs, présumons que notre répartition d’actifs cible est un portefeuille composé à 30 % de titres à revenu fixe, à 40 % d’actions canadiennes et à 30 % d’actions étrangères.

Les rendements des actifs, les frais et les taux d’imposition sont précisés précédemment. Présumons aussi que 30 % des économies annuelles sont autorisées dans un compte non imposable. Le portefeuille est rééquilibré annuellement pour conserver la répartition cible. Quatre possibilités sont envisagées :

• Tous les actifs sont placés dans un compte imposable et tous les gains en capital sont réalisés annuellement (ce qui suppose un roulement des titres en portefeuille de 100 %)***. Il s’agit du pire scénario.

• Les actifs sont placés également dans le compte non imposable et dans le compte imposable et tous les gains en capital afférents au compte imposable sont réalisés annuellement.

• Les titres à revenu fixe sont investis d’abord dans le compte non imposable. Étant donné que les titres à revenu fixe sont composés à un taux plus faible que les actions, la pondération du compte non imposable aura tendance à passer sous la barre des 30 %. Ainsi, il sera également nécessaire de placer des titres à revenu fixe dans le compte imposable.

Deux scénarios de roulement des titres en portefeuille au sein des portefeuilles d’actions sont envisagés, à savoir 100 % et 30 % (entre parenthèses). Un roulement plus faible permet au portefeuille de reporter l’imposition relative aux gains en capital et, par conséquent, de composer les rendements sur les actifs sur une plus grande assiette de placements. Les incidences fiscales du roulement nécessaire pour rééquilibrer le portefeuille sont pleinement comptabilisées annuellement. Toutefois, les nouvelles cotisations facilitent le rééquilibrage et réduisent ces incidences fiscales.

• Les actions canadiennes sont placées d’abord dans le compte non imposable. Initialement, il sera aussi nécessaire de placer les actions canadiennes dans le compte imposable pour atteindre la répartition cible de 40 %. Toutefois, étant donné que les actions non imposées sont composées à un rythme plus rapide que celui des titres à revenu fixe imposés et des actions étrangères imposées, il est envisageable que toutes les actions locales se retrouvent éventuellement dans le compte non imposable. Les scénarios de roulement des titres en portefeuille mentionnés précédemment sont pris en compte.

Avec la même cotisation annuelle de 1 000 $ pendant trente ans, ces économies procurent les résultats suivants.

Selon ces paramètres, les titres à revenu fixe ne devraient pas être placés dans le compte à exonération d’impôt en premier. Même si l’augmentation de la valeur finale ne semble pas impressionnante, il faut se rappeler qu’une tranche de 30 000 $ du patrimoine final provient des économies annuelles. Ainsi, dans le scénario du compte imposable, les gains nets de placement s’établissent à 24 943 $, tandis qu’ils s’élèvent à 29 601 $ suivant la possibilité la plus favorable, soit une différence de près de 20 %.

L’assouplissement de la présomption de taux de roulement à 100 % fait augmenter le patrimoine final, mais l’incidence est évidemment plus atténuée si les actions canadiennes sont placées dans le compte non imposable. En outre, l’incidence d’un faible roulement n’est pas nécessairement aussi importante qu’on le prétend. Par exemple, les avantages fiscaux sur le patrimoine total du roulement des titres en portefeuille allant de 0 % (gains en capital pleinement imposables à la fin de la période de trente ans – scénario théorique) à 100 % (gains en capital entièrement imposables annuellement) ont été évalués. Cela a permis de constater que les avantages fiscaux d’un taux de roulement abaissé de 100 % à 40 % sont moindres que ceux qui découlent de la réduction du roulement de 40 % à 20 %, niveau de roulement
que peu de produits actifs ou passifs peuvent offrir****. Ainsi, les avantages d’un taux de roulement plus faible des titres en portefeuille sont atténués lorsque le taux de roulement se situe déjà au-delà de 30
% ou de 40 %.

Dans certains cas, placer certaines actions dans le compte à exonération d’impôt peut aussi simplifier le processus de rééquilibrage. Souvent, les investisseurs hésitent à rééquilibrer en raison des incidences sur la réalisation de gains en capital imposables. Si le montant du capital investi dans un compte à exonération d’impôt ou à report d’impôt est relativement important par rapport à la taille du compte imposable, il peut être possible de structurer le portefeuille de manière à réaliser la majeure partie du rééquilibrage hors du compte imposable. En outre, il faut tenir compte du fait que si on hésite à rééquilibrer pour des raisons fiscales, une partie de la prime de rééquilibrage mentionnée dans le document 3f pourrait être perdue.

Les impôts compliquent considérablement le processus d’investissement et de nombreux aspects n’ont pas été discutés comme l’incidence des impôts sur le risque. Par exemple, même si les impôts réduisent les rendements des investisseurs, ils ont aussi une incidence sur le risque en abaissant la volatilité des rendements nets. Un gain en capital est réduit par les impôts, mais une perte en capital est aussi réduite après impôt si la perte en capital peut être déduite d’un gain en capital. Enfin, il est toujours financièrement préférable d’utiliser au maximum les comptes non imposables. Toutefois, pour déterminer les actifs financiers qui doivent être placés dans un compte imposable et ceux dans un compte non imposable, il faut une planification personnalisée. Dans un contexte où les taux sont faibles, on ne saurait présumer que le conseil traditionnel (l’affectation des titres à revenu fixe aux comptes à exonération ou à report d’impôt) est nécessairement le meilleur conseil. Toutefois, étant donné qu’il n’y a pas de consensus sur cette question à l’heure actuelle, il est simplement recommandé de se méfier des conclusions fondées sur les croyances traditionnelles et d’analyser cet aspect dans le contexte de chaque investisseur.

* Aux États-Unis, les frais de gestion de placement versés hors d’un fonds sont déductibles, mais seulement au-delà d’un seuil de 2 % du revenu brut ajusté des déductions diverses énumérées à l’annexe A. Au Canada, il n’existe pas de tel seuil, mais le pourcentage des frais doit être raisonnable.

**  Le montant véritable serait légèrement moindre étant donné que les gains en capital ne seraient pas entièrement imposés sur une base annuelle.

*** On présume cependant que les gains en capital réalisés aux É.-U. conservent le statut fiscal de gains en capital à long terme (sur les titres détenus pendant plus d’un an)

****  Ces calculs ne tiennent pas compte de la possibilité de l’optimisation de la récolte fiscale (« tax harvesting ») des pertes en capital.