La contestation judiciaire visant la gestion par l’Agence du revenu du Canada (ARC) de la défunte hausse du taux d’imposition des gains en capital se poursuit, à la suite d’une décision rendue par la Cour fédérale le 12 août.
Le juge chargé du dossier a rejeté la requête du procureur général du Canada, qui demandait l’abandon d’une démarche de contrôle judiciaire visant la mise en œuvre anticipée, par l’ARC, d’une hausse d’impôt pourtant non adoptée par le Parlement.
La décision rendue par la Cour fédérale est « une victoire pour les contribuables canadiens, car elle permet à notre contestation constitutionnelle d’aller de l’avant », a souligné Devin Drover, avocat général de la Fédération canadienne des contribuables et co-conseiller dans cette affaire, dans un communiqué envoyé par courrier électronique le lendemain du jugement.
Sollicité pour commenter la décision de la Cour fédérale, le ministère des Finances a renvoyé la balle à l’Agence du revenu du Canada. « Nous ne commentons pas les détails spécifiques des affaires judiciaires », a indiqué un porte-parole de l’ARC, le 13 août, dans un communiqué transmis par courriel.
La demande de contrôle judiciaire a été déposée en janvier, après que le ministère des Finances a annoncé, le 7 janvier, que l’ARC appliquerait une mesure fiscale figurant dans un avis de motion de voies et moyens déposé en septembre 2024. Cette annonce était intervenue malgré la démission de l’ancien premier ministre Justin Trudeau et la prorogation du Parlement.
Le 31 janvier, le ministère des Finances a reporté la proposition à 2026. Les libéraux ont finalement abandonné la proposition avant les élections fédérales d’avril.
Bien que l’augmentation proposée du taux d’inclusion des gains en capital ait été abandonnée, l’augmentation proposée de l’exonération à vie des gains en capital est entrée en vigueur le 25 juin 2024.
Au nom de son client, le requérant, Devin Drover a fait valoir que la décision d’appliquer la hausse d’impôt proposée avant l’adoption de la loi violait la Constitution, notamment l’article 53 qui stipule que les projets de loi visant à imposer des taxes doivent émaner de la Chambre des communes.
« Les Canadiens sont protégés par la Constitution afin de garantir que les augmentations d’impôt soient débattues et approuvées par le Parlement et non imposées discrètement par des fonctionnaires non élus à huis clos », a souligné Devin Drover dans son communiqué. Cette décision constitue « une étape importante dans la défense d’un principe fondamental de notre démocratie et des droits des contribuables en vertu de la Constitution ».
Le procureur général s’est opposé à la demande de contrôle judiciaire, avançant notamment que celle-ci était sans objet, que la Cour fédérale n’était pas compétente en la matière, et que la déclaration du 7 janvier, annonçant l’application de la proposition fiscale par l’ARC, ne constituait pas une décision administrative susceptible d’être révisée par le tribunal.
Dans son ordonnance motivée, le juge de la Cour fédérale a rejeté cette requête, précisant que le seuil pour écarter une demande de contrôle judiciaire est « très élevé ». Citant la jurisprudence, il a rappelé qu’un tel rejet n’est justifié que si la demande est « dépourvue de toute possibilité de succès ».
« Bien que le procureur général soulève des arguments qui pourraient bien être retenus lors de l’audience relative à la demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincu que cette demande, interprétée de manière généreuse quant à son caractère essentiel, soit totalement vouée à l’échec », a déclaré le juge.
Le juge a renvoyé la question de l’irrecevabilité au juge qui entendra la demande.
Le comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de CPA Canada a déjà recommandé que le ministère des Finances présente un projet de loi pour régir l’administration de la législation proposée. Et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a déclaré qu’elle ferait pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il adopte une telle législation, similaire à celle du Royaume-Uni.
Dans les années 1980, une telle législation a été envisagée au Canada, mais n’a pas été adoptée, comme l’ont souligné dans un article publié en janvier Carl Irvine, membre du conseil sur la compétitivité fiscale et budgétaire du C.D. Howe Institute, et John Tobin, associé fiscaliste chez Torys LLP.
Devin Drover a déclaré dans son courriel que les travaux se poursuivent sur les prochaines étapes de la contestation judiciaire, « y compris les contre-interrogatoires des témoins, si nécessaire, puis la fixation d’une date d’audience pour examiner le bien-fondé de l’affaire ».