Face à l’urgence climatique et à la pression réglementaire, l’investissement responsable (IR) séduit de plus en plus les épargnants canadiens ; pourtant, un déficit criant de connaissances et de dialogue empêche encore ce marché de décoller. C’est le paradoxe mis en lumière par le Sondage d’opinion des investisseurs 2025 de l’Association pour l’investissement responsable (AIR).
Deux tiers des investisseurs interrogés déclarent s’intéresser à l’IR, un engouement particulièrement marqué chez les moins de 35 ans et les femmes, mais désormais observable chez les 55 ans et plus. Cet enthousiasme, toutefois, repose sur des bases fragiles : près de deux répondants sur trois reconnaissent « ne pas savoir grand‑chose » du concept, et près d’un sur cinq n’en a jamais entendu parler.
L’actualité comme catalyseur
Plus d’un tiers des personnes sondées affirment qu’elles sont davantage enclines à choisir des produits IR qu’il y a un an, stimulées par la succession de catastrophes climatiques, de débats sur la transition énergétique ou encore de tensions géopolitiques.
Or, cette intention ne se traduit pas (encore) en actes : la part réelle de titres IR détenus a légèrement reculé depuis la fin 2023, signe que l’intérêt ne suffit pas à franchir les obstacles opérationnels et informationnels.
Déficit d’accompagnement
Le sondage révèle un déficit de dialogue important : 76 % des investisseurs souhaiteraient que leur institution ou leur conseiller aborde systématiquement la question de l’IR, mais seuls 28 % disent avoir déjà été interrogés sur le sujet, et à peine 35 % qualifient ces échanges de « significatifs ».
Cette frilosité des professionnels prive le secteur d’occasions d’accompagnement et de développement commercial.
Des menaces
L’écoblanchiment demeure un frein majeur à l’adoption de l’IR. Malgré la révision des directives des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sur les informations ESG en mars 2024, plus de la moitié des sondés citent désormais cette pratique comme un obstacle, contre 46 % précédemment.
Cette méfiance croissante souligne l’insuffisance des mesures réglementaires actuelles et la nécessité d’un renforcement des mécanismes de transparence et de contrôle, soutien l’AIR.
L’émergence de l’IA dans la gestion d’actifs constitue un autre défi. Bien que 64 % des investisseurs admettent leur méconnaissance de son application dans les décisions d’investissement, une majorité d’entre eux considèrent comme crucial que leurs prestataires financiers adoptent des principes d’IA responsable.
Rendement et gestion du risque
Au‑delà de la performance, les investisseurs perçoivent l’IR comme un levier de réduction des risques (réputationnels, réglementaires, climatiques) et d’alignement avec leurs convictions.
Cette approche « triple bénéfice » conforte la thèse selon laquelle la finance durable peut devenir la nouvelle norme, à condition de lever les freins identifiés : déficit de connaissance, absence de dialogue et crainte d’être dupé.