
Dans un monde secoué par les bouleversements géopolitiques, les crises climatiques et la quête d’une plus grande équité sociale, les conseils d’administration doivent cesser d’être de simples gardiens des règles pour devenir de véritables architectes de la résilience. C’est le message porté par le Collège des administrateurs de sociétés (CAS) lors du colloque qui s’est tenu les 17 et 18juin derniers à Québec.
L’événement a permis de soulever des questions fondamentales sur nos façons de décider, de diriger et d’agir, a indiqué Chantale Coulombe, présidente et cheffe de la direction du Collège. L’organisme propose une révision en profondeur des pratiques de gouvernance, pour assurer la pérennité des organisations dans un monde en transformation.
L’objectifconsiste à adapter le fonctionnement des conseils d’administration au monde mouvant d’aujourd’hui pour bâtir des organisations mieux préparées à relever les défis du futur.
Dans ce cadre de gouvernance élargi, la responsabilité des conseils d’administration ne se limite pas à s’assurer que les décisions soient conformes avec la législation et les politiques internes. Elle vise aussi à aligner la mission et les ressources de l’organisation sur des objectifs à long terme. Elle encourage par ailleurs les conseils à intégrer de façon systématique les parties prenantes élargies (communautés, générations futures et acteurs de l’environnement) afin de prendre en compte l’impact à long terme de leurs décisions.
Des leviers pour transformer la gouvernance
Dans un livre blanc présenté lors du colloque, les administrateurs certifiés suggèrent plusieurs pistes pour mettre cette vision en pratique. Ils proposent par exemple aux conseils d’administration d’adopter des méthodes agiles pour planifier, de s’appuyer sur la planification par scénarios et d’impliquer davantage les parties prenantes dans l’élaboration des orientations.
La gestion des risques doit également évoluer. Le comité d’audit, par exemple, pourrait élargir ses examens pour englober les impacts sociaux et environnementaux des décisions en s’appuyant sur des normes de durabilité reconnues.
Le comité des ressources humaines aurait avantage à arrimer la rémunération à des objectifs collectifs et à long terme, tout en faisant la promotion d’un leadership aligné avec la culture de l’organisation.
Quant au comité de gouvernance, il gagnerait à donner une voix aux « parties prenantes silencieuses » et à créer un espace pour aborder les enjeux complexes, parfois tabous, indique le rapport.
Des leaders engagés
« Ce livre blanc ne propose pas une simple adaptation, mais une réelle transformation de la gouvernance. Il redonne du sens au rôle des conseils dans un monde en mutation », affirme Geneviève Fortier, cheffe de la direction de Promutuel Assurance et présidente du conseil d’Investissement Québec.
Le changement passe aussi par une collaboration plus étroite entre le conseil d’administration et la direction. Ainsi, le PDG ne peut plus simplement exécuter les orientations du conseil, mais il doit jouer un rôle actif.
« Loin d’en être une spectatrice passive, la personne à la tête de l’organisation doit s’engager dans sa gouvernance: insuffler sa vision et nourrir les travaux du conseil en lui relayant les réalités et les contraintes vécues par les équipes », a déclaré Isabelle Hudon, présidente et cheffe de la direction de Banque de développement du Canada (BDC) et conférencière lors de l’événement.
Anticiper pour gouverner
Dans un monde en mutation, les dirigeants se doivent également d’être visionnaires pour anticiper les changements, a signalé Louis Vachon, ex-président et chef de la direction de la Banque Nationale.
« En gouvernance, il vaut mieux se soucier de la géopolitique avant qu’elle ne se soucie de nous. Anticiper, c’est gouverner. Dans un monde sous tension, ce sont la lucidité des leaders et la capacité d’adaptation des organisations qui font toute la différence. »