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La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait maintenir son taux directeur à court terme inchangé mercredi, malgré des semaines de vives critiques et les demandes du président des États-Unis, Donald Trump, de réduire les coûts d’emprunt.

Après avoir provoqué une forte chute des marchés financiers il y a deux semaines en annonçant qu’il pourrait limoger le président de la Fed, Jerome Powell, Donald Trump a ensuite fait marche arrière, disant qu’il n’avait aucune intention de le faire. Pourtant, lui et le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, ont martelé que la Fed devrait baisser ses taux.

Ils affirment que l’inflation a progressivement ralenti et que des coûts d’emprunt élevés ne sont plus nécessaires pour freiner la hausse des prix. La Fed a fortement augmenté ses taux à court terme en 2022 et 2023, face à la flambée de l’inflation liée à la pandémie.

Par ailleurs, Elon Musk, qui est à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) de Donald Trump, a suggéré mercredi dernier que le DOGE devrait examiner de plus près les dépenses de la Fed consacrées à ses infrastructures.

Cette surveillance accrue montre que, même si l’administration Trump renonce à ses menaces de limoger Jerome Powell, la Fed reste soumise à des pressions politiques inhabituellement fortes, malgré son statut d’agence indépendante.

Malgré tout, la Fed maintiendra très probablement son taux directeur inchangé à environ 4,3 % lors de ses réunions de mardi et mercredi. Jerome Powell et plusieurs des 18 autres responsables siégeant au comité de fixation des taux de la Fed ont déclaré vouloir observer l’impact des droits de douane de Donald Trump sur l’économie avant toute action.

Donald Trump a cependant écrit vendredi sur sa plateforme Truth Social qu’il n’y avait « AUCUNE INFLATION » et que les prix des produits d’épicerie et des œufs avaient baissé, et que l’essence était tombée à 1,98 $ US le gallon.

Ce n’est pas tout à fait vrai : les prix des produits d’épicerie ont bondi de 0,5 % au cours de deux des trois derniers mois et sont en hausse de 2,4 % par rapport à l’année dernière. Les prix de l’essence et du pétrole ont baissé — les coûts de l’essence ont reculé de 10 % par rapport à l’année dernière — poursuivant une tendance de longue date, en partie due aux craintes d’affaiblissement de l’économie. Néanmoins, l’American Automobile Association indique que le prix de l’essence à l’échelle nationale s’élève en moyenne à 3,18 $ US le gallon.

L’inflation a sensiblement diminué en mars, signe encourageant, même si, au cours des trois premiers mois de l’année, elle s’est établie à 3,6 %, selon l’indicateur privilégié de la Fed, bien au-dessus de son objectif de 2 %.

Sans droits de douane, les économistes estiment qu’il est possible que la Fed réduise prochainement son taux directeur, car il se situe actuellement à un niveau destiné à ralentir les emprunts et les dépenses, et à contenir l’inflation. Pourtant, la Fed ne peut pas baisser ses taux maintenant, les droits de douane généralisés de Donald Trump étant susceptibles d’entraîner une hausse des prix dans les mois à venir.

La prudence de mise

Vincent Reinhart, économiste en chef chez BNY, a déclaré que la Fed était « marquée » par ce qui s’est passé en 2021, lorsque les prix ont augmenté en raison de difficultés d’approvisionnement, et que Jerome Powell et d’autres responsables de la Fed avaient soutenu que cette augmentation serait probablement « transitoire ». Au lieu de cela, l’inflation a atteint un pic de 9,1 % en juin 2022.

Cette fois, ils seront plus prudents, selon lui.

« C’est une Fed qui va devoir attendre des preuves et tarder à s’adapter », a ajouté Vincent Reinhart.

De plus, le harcèlement de Donald Trump envers Jerome Powell complique la tâche du président de la Fed pour réduire les taux, car une telle décision serait perçue comme une soumission à la Maison-Blanche, a observé Preston Mui, économiste chez Employ America.

« On pourrait imaginer un monde où l’administration Trump n’exercerait aucune pression et où les taux seraient abaissés (…) plus tôt, car ils se sentiraient à l’aise pour justifier cette décision par les données », a-t-il déclaré.

De son côté, Jerome Powell a affirmé le mois dernier que les droits de douane feraient probablement grimper l’inflation et ralentiraient l’économie, une combinaison délicate pour la Fed. La banque centrale relèverait généralement ses taux — ou du moins les maintiendrait à un niveau élevé — pour lutter contre l’inflation, tandis qu’elle les abaisserait pour stimuler l’économie en cas de hausse du chômage.

Jerome Powell a avancé que l’impact des droits de douane sur l’inflation pourrait être temporaire — une hausse ponctuelle des prix — mais a récemment déclaré qu’il « pourrait aussi être plus persistant ». Cela suggère que Jerome Powell souhaitera attendre, potentiellement plusieurs mois, pour s’assurer que les droits de douane n’augmentent pas durablement l’inflation avant d’envisager une baisse des taux.

Certains économistes prévoient que la Fed ne baissera pas ses taux avant sa réunion de septembre, voire plus tard.

Pourtant, les responsables de la Fed pourraient agir plus tôt si les droits de douane impactaient suffisamment l’économie pour entraîner des licenciements et faire grimper le chômage. Les investisseurs de Wall Street semblent s’attendre à une telle issue : ils prévoient que la première baisse interviendra en juillet, selon les cours des contrats à terme.

La Fed sous surveillance

Par ailleurs, Elon Musk a critiqué mercredi la Fed pour avoir dépensé 2,5 milliards de dollars américains (G$ US) dans une rénovation complète de deux de ses bâtiments à Washington.

« Puisqu’en fin de compte, il s’agit de l’argent des contribuables, nous devrions certainement vérifier si la Réserve fédérale dépense effectivement 2,5 G$ US pour son architecte d’intérieur, a indiqué Elon Musk. C’est surprenant. »

Les responsables de la Fed reconnaissent que le coût des rénovations a augmenté en raison de la flambée des prix des matériaux de construction et de la main-d’œuvre, due à l’inflation postpandémique. D’anciens responsables de la Fed, s’exprimant en toute discrétion, affirment que les réglementations locales ont contraint la Fed à considérer davantage l’expansion souterraine, plutôt que de construire des bâtiments plus hauts, ce qui a alourdi les coûts.

Par ailleurs, Kevin Warsh, ancien gouverneur de la Fed et candidat potentiel à la succession de Jerome Powell à la présidence à l’expiration de son mandat l’année prochaine, a récemment déclaré que la Fed était sous surveillance accrue en raison de son incapacité à maîtriser les prix.

« Les blessures actuelles de la Fed sont en grande partie auto-infligées », a-t-il soutenu lors d’une conférence du Fonds monétaire international fin avril, où il a également critiqué la Fed pour sa participation à un forum mondial sur le changement climatique. « Une réinitialisation stratégique est nécessaire pour atténuer les pertes de crédibilité, les changements de réputation et, surtout, les conséquences économiques négatives pour nos concitoyens. »

Jerome Powell, pour sa part, a déclaré le mois dernier que « l’indépendance de la Fed est très largement comprise et soutenue à Washington, au Congrès, où elle compte vraiment ».