Le défi du partage de commissions
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Une chance que vous aviez fini de digérer votre dinde parce que les chances qu’une bouchée passe de travers étaient fortes!

Parce que cette question est plus que jamais d’actualité et parce qu’un débat semble poindre à l’horizon, je vous propose un petit résumé de cet enjeu très chaud qui n’a pas fini de faire couler de l’encre et qui a, ou pourrait avoir, un impact important sur votre portefeuille et la structure même de l’industrie.

Il était une fois…

…en 1999, un projet de loi adopté sous le numéro 188. L’un des buts de ce projet était de rassembler, sous un encadrement commun, les différents pans de l’industrie financière québécoise afin d’améliorer la protection des investisseurs et l’efficience du système. Une fois adoptée, cette loi porta le nom de Loi sur la distribution des produits et services financiers (la LDPSF).

L’un des effets principaux de la LDPSF était de faire passer l’encadrement de l’épargne collective sous le même encadrement que l’assurance de personne. Le législateur reconnaissant en effet la proximité de ces deux volets de l’industrie.

La LDPSF permettant le partage des commissions générées à un cabinet inscrit, de nombreux courtier en épargne collective acceptèrent d’effectuer un partage, total ou partiel, des commissions générées par leurs représentants aux cabinets de ceux-ci. Ce partage avait également lieu pour la discipline de l’assurance de personne de sorte qu’un représentant possédant son propre cabinet pouvait bénéficier d’une structure corporative efficiente, facilitant la gestion de ses affaires et permettant une certaine optimisation fiscale.

Avec le projet de passeport visant à l’harmonisation pancanadienne de la réglementation en valeurs mobilières et la mise en vigueur du Règlement 31-103 en 2009, la discipline de l’épargne collective est repassée sous l’égide de la Loi sur les valeurs mobilières. Ce changement a provoqué un grand nombre de bouleversements dans notre industrie.

Malgré tout, de nombreux courtiers ont continué de verser tout ou partie des commissions générées par leurs représentants aux cabinets de ceux-ci comme cela avait été fait depuis 10 ans et, bien que la question de l’incorporation des représentants refaisait surface de temps à autre principalement pour des raisons fiscales, une forme de quiétude s’était installée.

Quand soudain…

L’Autorité des marchés financiers reçu des plaintes de courtiers qui refusaient d’effectuer le partage des commissions et se plaignaient que d’autres, eux, pouvaient s’y adonner sans problème.

Se basant sur son interprétation de la législation et de la réglementation et dans un souci d’équité pour tous les acteurs de l’industrie, l’AMF publia son avis le 7 janvier dernier où elle rappelait aux inscrits son interprétation de la législation et leur demandait de cesser tout versement d’une commission générée en épargne collective à un cabinet.

À compter de ce moment, tous devaient jouer sur la même patinoire, celle où on ne partage pas de commission avec un cabinet.

Analyse et enjeux

Je comprends parfaitement le souhait de l’AMF que tous les joueurs d’une même discipline jouent à armes égales et je le partage. L’équité est une notion importante pour l’efficience d’une industrie et des marchés, conditions essentielles à la protection des investisseurs.

Toutefois, il est dangereux de considérer les disciplines encadrées par l’AMF comme des vases clos. Un représentant en épargne collective et un conseiller en sécurité financière, ça peut n’être qu’une seule et même personne… et c’est souvent le cas!

À titre de chef de la conformité d’un courtier inscrit, je craints que le récent avis de l’AMF, sous une volonté d’équité, ne crée plutôt un effet inverse, creusant l’écart entre les disciplines de l’épargne collective et de l’assurance de personne. Ce genre d’écart est susceptible de créer une distorsion sur le marché et d’accentuer un biais qui rend plus attrayante la vente de certains produits face à d’autres pour de mauvaises raisons.

Tous les produits sur le marché ont leurs caractéristiques propres, leurs avantages et leurs inconvénients. Le traitement de la commission ne devrait pas figurer dans l’une ou l’autre de ces caractéristiques. Le client n’en a rien à cirer et il a raison.

Malgré tout, la fin du partage de commissions creuse l’écart entre les disciplines et pourrait inciter certains représentants à favoriser la vente d’un produit face à un autre ou littéralement à abandonner une pratique pour se concentrer dans une autre.

Le premier perdant dans cette situation serait l’investisseur qui verrait ses options diminuer et le marché se restreindre.

La suite

Nombreux sont ceux qui ont choisi de prendre le bâton du pèlerin pour tenter de trouver une solution équitable pour toute l’industrie et qui ne met pas en péril la protection de l’investisseur. J’en suis.

Je suis de ceux qui croient qu’on devrait permettre aux représentants de toutes les disciplines d’exercer leurs activités par l’entremise d’une société par actions, à condition que toutes les mesures de protection des investisseurs requises soient en place.

De nombreux autres corps professionnels le peuvent depuis plusieurs années et, au sein même de notre industrie, il n’y a que les disciplines de valeurs mobilières qui font bande à part sur cette question.

Comme chef de la conformité, la règlementation exige que je mette en place des systèmes et des procédures visant à garantir le respect de la législation en vigueur et de veiller à la protection des investisseurs. Considérant l’ensemble de ce qui précède, je crains que ce soit plus difficile depuis le 7 janvier dernier.

Il est possible que nous soyons aujourd’hui dans une situation où, d’un point de vue systémique, tout cela n’est pas cohérent et efficient. Il est donc temps pour le législateur de réfléchir et d’agir pour donner à l’industrie des services financiers du Québec, un cadre d’ensemble qui a du sens et qui nous permette de nous concentrer sur notre raison d’être : conseiller.