Réduire l'impact fiscal d'un gain important
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Quand on veut avoir une image réelle de la situation fiscale, il faut évidemment faire appel aux fameux TEMI (taux effectifs marginaux d’imposition). Je le rappelle encore une fois, car c’est un clou sur lequel il faut taper encore et encore…

Or, ces TEMI sont composés d’une multitude d’éléments. Sans tous les passer en revue, citons-en quelques-uns qui sont touchés par une variation de revenu imposable :

Impôt sur le revenu (tables de base) ;

Suppléments fédéraux aux personnes âgées : Supplément de revenu garanti (SRG) et Allocation ;

Pension de la Sécurité de la vieillesse ;

Prestations aux enfants (Allocation canadienne pour enfants et Soutien aux enfants) ;

Frais de garde subventionnés (et déduction afférente au fédéral) ;

Certains crédits non remboursables ;

Certains crédits remboursables (pour frais de garde, de TPS, pour la Solidarité, pour frais médicaux, pour aidants naturels…) ;

Contribution au FSS, sauf pour les revenus exclus tels les revenus de travail ;

Cotisations aux régimes publics sur revenus de travail (RRQ, RQAP, Assurance-emploi).

À noter qu’une variation des revenus de travail ne génère pas les mêmes TEMI qu’une variation d’un autre type de revenu.

Je pense qu’il est important de garder en tête que les TEMI sont particulièrement élevés pour les familles (avec enfants à charge) et les personnes âgées à revenu modeste. Quand je dis « particulièrement élevés », je parle de taux pouvant excéder 80 % – voire 100 % -, dans certains cas.

Mais attention… ces taux astronomiques ne se constatent que pour des tranches de revenus assez petites, 1 000 $ par exemple. Il n’est pas possible d’atteindre de tels taux sur une différence de revenus de 500 000 $ par exemple. Autrement dit, il n’existe aucune situation où un particulier se verra « imposé » à un niveau de 400 000 $ sur une augmentation de revenu de 500 000 $ provenant, par exemple, de la vente de son immeuble à revenus.

Afin de connaître une subtilité relative au Supplément de revenu garanti (SRG), je vous invite à consulter l’encadré en page 21.

Regardons maintenant quelques façons de réduire sa facture fiscale lors de gains importants.

Vente des actions d’une société privée ou de matériel agricole ou de pêche

En excluant l’exonération du gain en capital sur la résidence principale et la non-imposition des gains fortuits, il s’agit de la situation qui fait économiser le maximum d’impôt à un particulier lorsque les critères sont respectés.

L’exonération sur ce type de gain est de 835 716 $ en 2017 pour les actions admissibles de petites entreprises et de 1M $ pour le matériel agricole et de pêche. Évidemment, la chose à faire la plus fondamentale est de respecter les différents critères pour l’admissibilité de ces actifs.

Lorsque c’est fait, on doit tenter de « multiplier » cette exonération au maximum avec ses proches. L’appui d’un spécialiste (fiscaliste) est requis ici afin de tirer le maximum de cette possibilité, car les embûches sont nombreuses. On parle souvent, dans le jargon fiscal, de la « DGC » (déduction pour gain en capital) égale à la moitié de l’exonération.

Par exemple, lors du décès d’un particulier, un roulement automatique au conjoint est effectué lorsque ce dernier est bénéficiaire de biens. Lorsqu’on veut faire profiter de l’exonération du gain en capital sur des actions admissibles par la personne décédée, on disposera du nombre d’actions correspondant au gain exonéré et ce gain sera inclus dans la déclaration de revenus du défunt. Toutefois, on voudra rouler au conjoint toute la partie non exonérée.

Afin que ce roulement puisse être autorisé, il faut que les actions soient dévolues irrévocablement à ce dernier. Si des actionnaires survivants désirent continuer l’exploitation de l’entreprise, comme c’est souvent le cas, on devra mettre une clause de « double option » à l’intérieur de la convention entre actionnaires. Sans entrer dans les détails, disons que cette clause permet au conjoint de revendre les actions immédiatement aux actionnaires survivants, tout en profitant possiblement d’une exonération à son tour.

Lorsqu’on parle d’une multiplication de la DGC par l’intermédiaire d’une fiducie, il faut garder à l’esprit que chaque bénéficiaire majeur peut profiter de cette dernière dans la mesure où, au minimum, la partie imposable du gain a été payée au bénéficiaire sans possibilité de redonner l’argent à quelqu’un d’autre. Cela signifie que si un parent désire multiplier la DGC avec ses six enfants, il devra leur faire des chèques totalisant, au minimum, 2 507 148 $ en 2017. C’est beau la multiplication de la DGC, mais ça peut coûter cher sur-le-champ…

Ne pas oublier que l’impôt minimum de remplacement (IMR) est souvent exigible lorsqu’une personne profite de la DGC. Il peut donc être profitable de répartir le gain sur deux années ou plus, lorsque c’est possible, afin de déclencher le moins d’IMR possible. Des simulations sont alors nécessaires.

Vente des actifs d’une entreprise

Le gain généré par ce type de transaction est difficile à réduire. Il peut y avoir une portion de récupération d’amortissement et une portion de gain en capital. À l’instar de la vente des actions, si une balance de prix de vente existe, il est possible de bénéficier d’un report partiel de l’imposition du gain en capital en utilisant une réserve qui peut durer jusqu’à cinq ans. En cas de décès, rappelons que ce qu’on appelait les immobilisations admissibles (comme l’achalandage) constituent une exception à la règle générale de disposition à la juste valeur marchande (JVM) de tous les biens de la personne décédée, alors qu’un roulement peut être effectué au bénéficiaire à certaines conditions.

Vente d’un immeuble à revenus ou d’une résidence secondaire

Encore une fois, on aura intérêt ici, à utiliser la réserve pour gain en capital s’il existe une balance de prix de vente. Au lieu de recevoir un montant unique en fin d’année, pourquoi ne pas en recevoir une partie et le reste au début de l’année suivante ? Cette façon de répartir le gain peut permettre de reporter d’une année l’imposition d’une partie du gain.

Rappelons que, dans le cas d’un immeuble à revenus, une répartition du prix de vente doit se faire entre le terrain et le bâtiment dans le contrat de vente. La tentation pourrait être forte d’attribuer un gain important au terrain (gain en capital imposable à 50 %) en même temps qu’une perte finale (déductible à 100 %) sur le bâtiment. Les règles fiscales font qu’il est impossible de déclarer une telle perte finale si le terrain fait l’objet d’un gain. Ce problème ne se pose pas dans le cas d’une résidence secondaire car, le bâtiment n’étant pas un actif amortissable, elle ne peut faire l’objet d’une perte finale (la perte en capital est d’ailleurs refusée).

Allocation de départ (prime de séparation)

Dans les lois fiscales, certains montants peuvent se qualifier à titre « d’allocation de retraite » si certains critères sont respectés. C’est le cas notamment des allocations de départ et des congés de maladie accumulés et non payés.

L’avantage d’une telle « allocation de retraite » est qu’un transfert direct dans un REER est possible si l’employé a été embauché avant 1996. Le montant pouvant être transféré directement est de 2 000 $ par année précédant 1996, plus 1 500 $ par année, pour chaque année précédant 1989, si aucune contribution patronale n’a été acquise par l’employé au sein d’un régime de retraite ou d’un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) pendant celles-ci.

Par exemple, si un employé reçoit 100 000 $ d’allocation de départ se qualifiant à titre d’allocation de retraite alors qu’il a été embauché en 1983 et qu’il n’a jamais été bénéficiaire d’un régime de retraite ou d’un RPDB, le montant qui pourrait être transféré directement dans son REER, sans avoir de droits de cotisation inutilisés, est le suivant :

((1996 – 1983) X 2 000) +

((1989 – 1983) X 1 500) = 35 000 $

Les 65 000 $ qui restent seraient imposables. L’employé aura donc intérêt à prendre une entente avec son employeur afin de répartir cette somme sur deux années ou plus, si possible, particulièrement s’il est rendu à la retraite. Les droits de cotisation inutilisés au REER peuvent évidemment servir à réduire le montant imposable.

Valeur de transfert imposable d’un régime de retraite

Il arrive à l’occasion qu’un cadre prenne sa retraite d’une organisation et qu’il préfère recevoir le montant de la valeur de transfert de son régime de retraite au lieu de la rente. Dans ce cas, il est fréquent de voir un montant imposable dans la valeur de transfert. Cela s’explique par le fait qu’il y a des limites fiscales à respecter. Il s’agit d’un facteur de multiplication de la rente acquise. Ce facteur varie de 9 à 12,4 selon l’âge de l’individu.

Dans cette situation, on suggérera également de prendre entente avec l’employeur afin de retirer ce montant sur plus d’une année afin d’en réduire les impacts fiscaux.

Voilà. Même si plusieurs sujets ont été abordés, l’important n’est pas de tout maîtriser, mais au moins d’avoir de bons réflexes dans certaines situations.

* Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm