Les obligations des marchés émergents, avec d’autres titres à revenu fixe et à rendement élevé comme les obligations de pacotille et les créances bancaires, ont connu de gros afflux d’argent ces dernières années. L’intérêt des investisseurs est suscité en grande partie par des rendements constamment faibles dans tous les pays développés. La demande croissante des obligations des marchés émergents reflète aussi une confluence d’autres facteurs fondamentaux. Les données fondamentales des dettes souveraines dans les marchés émergents se sont améliorées, les marchés financiers mondiaux sont de plus en plus intégrés, et les marchés des obligations en devises locales dans de nombreux pays se développent et gagnent en maturité.

Selon les données de Morningstar sur les flux d’actifs, les investisseurs américains ont déversé moins d’un milliard de dollar (G$) US par an en moyenne dans les fonds d’obligations des marchés émergents de 2000 à 2008. Ce chiffre est passé à 28 milliards (G$) US en 2012. Les dettes des marchés émergents trouvent aussi de plus en plus leur chemin dans les portefeuilles de gestionnaires de fonds qui ne sont pas spécialisés dans les obligations, comme le montre l’accroissement de leur pourcentage dans les catégories à revenu fixe comme les fonds d’obligations mondiales et les fonds d’obligations non traditionnels.

Y a-t-il trop de monde?

Les marchés des créances des pays émergents sont-ils capables d’accommoder ces foules? Le Rapport sur la stabilité financière dans le monde publié tous les six mois par le Fonds monétaire international, a dégagé plusieurs tendances. Bien que la présence croissante des investisseurs étrangers ait contribué au développement et à l’expansion des marchés des dettes émergentes, cela a aussi abouti à une plus grande sensibilité de cette catégorie d’actifs aux changements que subit la soif du risque dans le monde. Notamment, les particuliers ainsi que les spécialistes des marchés non émergents ont davantage tendance à avoir une comportement moutonnier, ce qui peut amplifier encore davantage la volatilité durant les périodes de chocs boursiers soudains.

Un autre élément essentiel est le caractère de plus en plus restrictif de l’environnement réglementaire dans le monde entier, qui a servi à réduire la liquidité et l’inventaire des négociateurs dans les marchés obligataires mondiaux. Les banques mondiales sont moins actives dans le rôle de teneurs des marchés obligataires, et les fonds spéculatifs sont moins actifs. Cette chute de liquidité dans les obligations des marchés émergents pourrait servir à exacerber la volatilité durant les périodes de tension. Bien que les conclusions de ce document du FMI soient principalement orientées vers des recommandations d’ordre décisionnel, ce que les investisseurs doivent en retirer est que les flux monétaires dans les portefeuilles mondiaux dans les portefeuilles ajouteront probablement à la dette des marchés émergents une dynamique et un risque uniques (en plus du crédit, de la durée, de l’inflation et du risque lié aux devises).

L’annonce faite par la Réserve fédérale américaine sur la réduction de son programme d’achats d’actifs en mai 2013 et la volatilité boursière qui s’est ensuivie ont probablement été à l’origine de l’étude faite par le FMI sur ce sujet. Du début mai jusqu’à la fin de juin 2013, les créances des marchés émergents en devises fortes (obligations en dollars américains ou en euros) et en devises locales ont respectivement chuté de 9 % et de 10 % selon les mesures des indices J.P. Morgan EMBI et JP Morgan GBI EM. La brutalité de ces chutes reflète le sentiment du marché, qui craint que le resserrement de la liquidité mondiale ne bloque les flux monétaires en direction des marchés émergents, ce pourrait peser encore davantage sur une croissance déjà affaiblie dans le monde en développement.

Ce choc a contribué à révéler les poches de fragilité au sein de l’univers des marchés émergents, à savoir l’Indonésie, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Turquie et le Brésil. Ces pays montrent tous une combinaison d’inflation élevée, de croissance affaiblie et de déficit croissants du compte courant. Ils ont subi de brutales sorties de fonds dans leurs portefeuilles étrangers et une rapide chute de leurs devises jusqu’à la fin de l’été 2013. Mais au cours des neuf mois suivants, les marchés boursiers en Inde et en Indonésie ont connu une forte reprise, pas en raison de l’amélioration des données fondamentales, mais à cause des promesses de réformes faites par les dirigeants nouvellement élus des deux pays. La reprise du Brésil a été bien plus modeste, due en partie opération spéculatives sur écarts de rendement, les taux d’intérêt réels au Brésil étant à l’heure actuelle significativement plus élevés que ceux des marchés développés. Les taux extrêmement faibles des pays développés continuent à soutenir la soif de risque des investisseurs étrangers, qui a elle-même contribué à soutenir ces tendances récentes.

Il se peut que cette attitude complaisante cache des risques croissants. Il est vrai que la probabilité de défauts de paiement et d’une crise financière dévastatrice est nettement moindre qu’il y a 20 ans. Grâce à la faible volatilité des marchés, la soif de risque est élevée et les investisseurs poursuivent leur quête de rendements. Même si le Canada et les États-Unis commencent à augmenter les taux d’intérêt dans les années à venir, il est probable que l’Europe et le Japon garderont des taux faibles pendant une période plus longue, ce qui peut contribuer à soutenir l’attrait relatif des obligations des marchés émergents. Si la prise de risque excessive continue à entraîner afflux de capitaux pendant les années à venir, peut-être les investisseurs devraient-ils se pencher sur certaines des craintes exprimées le FMI. Un choc important, comme une montée soudaine du prix du pétrole ou une crise financière en Chine, pourraient causer de très grosses sorties d’argent, potentiellement plus néfastes pour cette catégorie d’actifs que la « crise » de 2013.

Options de placement

Les produits de placement destinés aux particuliers et spécialisés dans les obligations des marchés émergents sont chose relativement nouvelle au Canada. À l’heure actuelle, il n’y a que trois fonds négociés en bourse et huit fonds communs de placement vendus localement qui ciblent les obligations des marchés émergents, et tous ont été lancés il y a moins de cinq ans. Il y a de nombreuses options de FNB vendus aux États-Unis, et nos analystes des stratégies passives couvrent actuellement cinq FNB dans cette catégorie. Toutefois, les effets de devises se compliquent un peu pour les Canadiens investissant dans ces produits américains.

Les trois FNB vendus au Canada : le FINB BMO obligations de marchés émergents couvert en dollars canadiens ZEF , le FNB First Asset Morningstar Emerging Markets Composite Bond Index EXM et le FNB iShares JPMorgan USD Emerging Markets Bond C$-Hedged XEB , contiennent tous des titres en dollars américains, et leur participations aux devises étrangères sont couvertes en dollars canadiens. Cela signifie que ces fonds ne comportent aucun risque lié aux devises. Le fonds iShares a aussi une version qui se négocie à la Bourse de New York sous le symbole EMB . Un autre FNB en dollars américains vendu aux États-Unis et axé sur les marchés émergents est le FNB PowerShares Emerging Markets Sovereign Debt PCY .

Les obligations des marchés émergents en devises fortes génèrent à l’heure actuelle un rendement d’environ 5 % (mesuré par l’indice J.P. Morgan EMBI), reflétant environ un écart de 260 points de base par rapport aux obligations du Trésor américain. Comme le reste de l’univers du crédit, les écarts sont historiquement faibles et se sont rétrécis à la suite de la demande exprimée par les investisseurs pour des instruments aux rendements plus élevés. Il est aussi important de noter que les fonds d’obligations des marchés émergents à monnaie forte peuvent être plus sensibles à une augmentation des taux d’intérêt car ils ont des durées moyennes de sept à huit ans, ce qui est environ 4,4 ans de plus que la durée moyenne d’un fonds à rendement élevé ou d’un fonds d’obligations mondiales.