Il n’est pas facile de penser et d’agir de façon originale. Les clients évaluent les rendements des gestionnaires professionnels par rapport à un indice repère, souvent sur de courtes périodes. Ceux qui se sous-classent pendant quelques années risquent de perdre leurs clients, même si leurs placements finissent par être payants. Il en devient difficile pour beaucoup de gestionnaires de faire des mises audacieuses. Les erreurs de placement peuvent aussi être plus faciles à avaler quand tout le monde est dans le même bateau. La conformité est rassurante, mais ce désir inné de se calquer sur les autres peut créer des occasions pour ceux qui ont le courage de penser différemment.

La peur et l’appât du gain peuvent créer des mentalités de troupeau. Les investisseurs ont tendance à faire la chasse aux rendements en achetant des titres qui se sont récemment bien comportés et en vendant ceux qui ont affiché de mauvais rendements. Cela peut en partie expliquer la persistance à court terme du rendement des actifs, appelée élan. Généralement, les actifs qui se sont surclassés sur les six à 12 mois continuent à se surclasser pendant les mois qui suivent, alors que ceux qui se sont sous-classés continuent eux aussi sur leur lancée. Cela pourrait suggérer qu’une stratégie anticonformiste ne serait pas très efficace. Et de fait, faire des transactions à rebrousse-poil de l’élan est historiquement une stratégie perdante.

Oui, l’élan à court terme peut détourner le prix des actifs de leur valeur juste et conduire à long terme à des renversements de rendement, ce qui est associé à l’effet de valeur. Les actifs qui ont de mauvais rendements persistants finissent par devenir bon marché, et il en résulte qu’ils peuvent offrir de meilleurs rendements dans l’avenir. Dans une étude publiée en 1985, les chercheurs De Bondt et Thaler ont découvert que les actions qui avaient eu les pires rendements les trois à cinq années précédentes avaient surclassé celles qui avaient eu les meilleurs rendements sur la même période. (Toutefois, une portion disproportionnée de ce surclassement s’était produite en janvier.) Bien que ce soit une approche assez rudimentaire du placement axé sur la valeur, cette situation illustre le fait que les investisseurs devraient refouler leur désir de projeter dans le futur les rendements passés. Très souvent, les actifs qui ont eu des performances catastrophiques sont ceux qui offrent les meilleures occasions.

Même si les rendements des actifs en reviennent généralement à la moyenne sur le long terme, de nombreux titres ne le font, notamment pas en raison de changements dans le tableau de la concurrence qui peuvent nuire en permanence aux données fondamentales d’une société (voyez l’exemple de BlackBerry). Les investisseurs pourraient diversifier plus efficacement ce type de risque propre à la société en appliquant une stratégie anticonformiste utilisant des fonds négociés en Bourse (FNB), qui chacun détiennent des titres multiples. Pour l’illustrer, je me suis livré à une analyse de stratégies anticonformistes en partant d’indices sectoriels, nationaux et catégoriels plutôt que de titres individuels. Les investisseurs peuvent accéder à chacun de ces indices par le truchement des FNB.

La stratégie sectorielle

Ce n’est un secret pour personne que les secteurs sont tantôt en odeur de sainteté, et tantôt tombent en disgrâce. Pour voir si acheter systématiquement les secteurs les plus battus en brèche pourrait profiter aux investisseurs, j’ai étudié les 10 indices sectoriels américains du Dow Jones. Des FNB sectoriels américains de iShares pistent ces indices, mais les investisseurs peuvent obtenir des participations comparables par les FNB sectoriels de Vanguard et SPDR. Une fois par an, j’ai classé les indices par le rendement qu’ils avaient affiché les cinq années précédentes et sélectionné ceux dont les chiffres étaient les pires. Initialement, ces avoirs étaient équipondérés mais n’ont pas été rééquilibrés jusqu’à ce qu’ils soient enlevés du portefeuille. Par exemple, si deux positions étaient vendues, le produit de ces ventes était divisé à parts égales entre les deux nouveaux avoirs. Toutefois, l’avoir existant demeurait dans le portefeuille à sa pondération du moment. Cette approche réduit la rotation et rend la stratégie plus facile et moins coûteuse à exécuter. J’ai commencé la simulation de portefeuille en décembre 1996 (en utilisant des données de rendement à partir de décembre 1991, qui était la date de disponibilité la plus ancienne) et l’ai poursuivie jusqu’en 2013. J’ai reproduit cette analyse à partir du classement des rendements sur les quatre, trois, deux et une année(s) précédente(e). Le tableau ci-dessous illustre les résultats obtenus.

Conformément aux constatations des chercheurs De Bondt et Thaler, une stratégie pistant les indices sectoriels qui avaient affiché les pires rendements au cours des périodes de quatre et cinq années précédentes a obtenu une meilleure performance absolue et ajustée selon le risque que l’indice général des valeurs américaines Dow Jones pondéré selon la capitalisation boursière. Toutefois, le portefeuille qui pistait les secteurs aux pires rendements mobiles sur trois ans ne s’est pas surclassé. Comme l’illustre le tableau ci-dessus, les périodes de classement plus courtes ont eu tendance à produire des rendements moins bons. Ces constatations correspondent à l’élan négatif à court terme et aux renversements à long terme. Acheter des actifs dont la performance à court terme est mauvaise est comme essayer d’attraper un couteau qui tombe : ça va probablement faire mal. Mais les performances, avec le temps, tendent à en revenir à la moyenne. Voilà pourquoi une stratégie consistant à acheter des actifs accablés par une longue série de contre-performances présente une plus grande chance de succès.
La stratégie nationale

Les investisseurs pourraient appliquer une stratégie comparable à partir de fonds indiciels liés à un seul pays dans leurs affectations d’actions étrangères. Pour cette analyse, je me suis penché sur les indices MSCI nationaux de tous les pays membres de l’Indice MSCI Monde excluant les États-Unis, avec 1969 comme date de création. Cela m’a donné 17 indices nationaux. Chaque année entre décembre 1974 et 2013, j’ai classé ces indices en fonction de leurs rendements au cours des cinq années précédentes et sélectionné les cinq qui ont eu les pires rendements. J’ai utilisé la même approche de pondération et de rééquilibrage que celle de la stratégie sectorielle décrite plus haut. Comme pour la situation précédente, j’ai reproduit cette analyse à partir du classement des rendements sur les quatre, trois deux et une année(s) précédente(e).

Les portefeuilles d’indices nationaux qui ont affiché les pires rendements sur les quatre ou cinq années précédentes ont vu ces rendements s’améliorer considérablement plus que l’Indice MSCI Monde excluant les États-Unis. Ils ont aussi été plus volatils, mais ont néanmoins réussi à générer de meilleurs résultats ajustés selon le risque. À la différence de la stratégie sectorielle anticonformiste, les portefeuilles constitués à partir des classements des rendements à plus court terme ont tenu le rythme de l’indice, avec toutefois une volatilité supérieure. Mais ils se sont bel et bien sous-classés lorsque j’ai accéléré la fréquence des rééquilibrages à mensuels ou trimestriels, ce qui suggère que les mauvais résultats tendaient à persister à court terme. Le placement anticonformiste demande de la patience. Les actifs apathiques peuvent devenir moins chers à court terme, et il peut leur falloir longtemps pour rebondir.

Il est difficile de sélectionner un indice qui convient pour la stratégie catégorielle.

Conclusions

• Miser sur des actifs qui ont récemment obtenu de piètres résultats est une mauvaise idée. À court terme, ce qui domine est l’élan, et cela veut dire que les traînards récents continuent souvent à décevoir et les chefs de file récents demeurent au plus haut niveau.

• En revanche, les actifs qui se sous-classent pendant de longues périodes (quatre à cinq ans) finissent par devenir bon marché et bien positionnés pour fournir de meilleurs rendements.

• Les investisseurs peuvent tirer parti de ces renversements à long terme en adoptant une stratégie anticonformiste utilisant des FNB.