Le GRDSF s’est en effet penché sur les décisions rendues au Québec par les autorités en valeurs mobilières et par les organismes d’autoréglementation, de même que par les tribunaux administratifs et judiciaires. (http://bit.ly/1Q2pK9o)

Cette recension fait ressortir l’influence que les membres de la direction peuvent exercer sur le comportement des représentants. «L’environnement organisationnel façonné en grande partie par les membres de la direction des entreprises peut, selon les circonstances, inciter les représentants à adopter un comportement qui n’est pas dans le meilleur intérêt du client», peut-on lire dans cette étude.

«La pression pour réaliser les objectifs de la firme, et ce, sous peine de perdre son emploi, peut influer négativement sur les attitudes. Les produits auxquels les firmes accordent la priorité représentent une autre occasion d’entorses éthiques», apprend-on dans le document.

Toutefois, les auteurs du document soulignent que cette potentielle influence négative de l’entreprise est généralement contrebalancée par le rôle exercé par les responsables de la conformité à l’interne. Ceux-ci sont «comme une source constante d’influence positive sur les attitudes des représentants face à la réglementation.»

C’est pourquoi les universitaires aimeraient que le ministère tienne compte de ces éléments dans sa réflexion sur le dédoublement potentiel des responsabilités légales entre les courtiers et les représentants d’une part, et sur l’encadrement organisationnel par les courtiers d’autre part.

«L’organisme d’encadrement devrait pouvoir vérifier si les politiques et les pratiques adoptées au sein d’une entreprise ont pour effet de rendre le milieu de travail non propice au respect des normes légales et déontologiques et d’entraîner ultimement des manquements professionnels qui portent atteinte aux intérêts des clients», lit-on dans le mémoire.

Défi particulier

Ce point de vue relatif à la double contrainte n’est pas forcément partagé par l’industrie. Gino Savard, président de Mica Services financiers, considère que les cabinets indépendants familiaux sont un peu à l’abri des conflits de loyauté soulevés dans l’étude des deux universitaires.

«Lorsque vous avez une vision à long terme, aucun écart ne remettra en cause la relation fiduciaire qui existe entre nos représentants et leurs clients», observe-t-il.

Gino Savard fait remarquer que lorsqu’un cabinet est lié au nom de sa famille, on fait plus attention à sa réputation. «C’est mon nom, une tradition, une histoire que j’entacherais», plaide-t-il.

Même son de cloche au Groupe Cloutier, où l’on reconnaît toutefois que la double allégeance des représentants pose un défi particulier. «Ce défi est bien réel chez les plus petits courtiers et dans les entreprises intégrées qui sont à la fois des manufacturiers et des distributeurs de produits», analyse François Bruneau, vice-président administration et investissement chez Groupe Cloutier.

«Les plus petits courtiers ont des coûts fixes importants à assumer, et la pression devient forte pour maximiser les revenus de manière à assurer une certaine rentabilité. Toutefois, à partir d’un certain niveau d’actif sous gestion, les économies d’échelle permettent de répartir ces coûts fixes sur un actif plus important, ce qui réduit la pression sur les objectifs financiers», explique-t-il.

François Bruneau reconnaît cependant que le défi de concilier devoir fiduciaire et réalité économique ne disparaît pas totalement pour autant. «Dans les entreprises qui agissent à la fois comme manufacturier et comme distributeur, il peut y avoir une tendance à orienter les ventes vers les produits de l’interne», mentionne-t-il.

«Chez Groupe Cloutier Investissements, nous n’avons aucun produit interne à vendre, et nous valorisons l’indépendance de nos conseillers. Nous n’allons jamais orienter les clients vers un type de produit ou un fournisseur en particulier. De plus, l’indépendance de la fonction conformité est totale et les personnes qui y travaillent ne subissent aucune pression», avance-t-il.

François Bruneau considère aussi qu’une culture d’entreprise qui prône l’intégrité et la prudence est une bonne façon de gérer le risque de réputation de son cabinet.

Quant à l’Autorité des marchés financiers (AMF), son porte-parole Sylvain Théberge nous a affirmé ne pas pouvoir commenter ces études pour l’instant, puisque le personnel du régulateur n’avait pas eu le temps d’en faire une analyse approfondie. Dans ces conditions, l’AMF préfère réserver ses commentaires.