«S’il y a un thème qui est récurrent dans ma carrière, c’est le déménagement. J’ai déménagé plus de 12 fois», raconte en riant Karen Leggett, qui a amorcé son parcours chez Great-West Lifeco à titre de spécialiste du marketing de produit.

Elle a occupé différents postes auprès de cet assureur, puis s’est installée à Toronto pour travailler à la direction de l’Ontario et de l’Est-du-Canada. Karen Leggett a alors fait une maîtrise en administration des affaires pour cadres à l’Université de Western Ontario.

Les possibilités de développement à la Great-West lui paraissant de plus en plus limitées, elle se joint à la division Assurance de la Banque Royale du Canada (RBC).

Elle y suit un parcours diversifié, travaillant notamment en marketing et en gestion de produits.

RBC Assurances double de taille à la suite d’acquisitions successives. La mise en place d’une nouvelle infrastructure technologique est requise. «On m’a confié cette responsabilité en collaboration avec un responsable des technologies de l’information (TI)», explique-t-elle.

Karen Leggett migre ensuite vers la division bancaire. «J’ai été affectée au Québec, où pendant 16 mois, j’ai été le bras droit de Micheline Martin, alors présidente, direction du Québec, de RBC. C’est là que j’ai appris tout le volet bancaire pour les particuliers et les clients commerciaux.»

De retour à Toronto, on lui confie la direction du secteur hypothécaire. Elle s’y trouve en 2008, lors de la crise financière. «C’était vraiment impressionnant et formateur d’être dans le secteur bancaire à cette époque de grandes turbulences», témoigne-t-elle.

Elle passe ensuite dans le secteur des cartes de crédit et de paiement. Elle assume notamment la présidence du conseil d’administration de Moneris, une entreprise spécialisée en matière de traitement des paiements, alors détenue conjointement par RBC et par la Banque de Montréal.

«Cela a été très stimulant, en raison des innovations technologiques en matière de paiements. On assistait alors à l’apparition des portefeuilles électroniques et des paiements mobiles», évoque-t-elle.

Nouveaux concurrents

C’est Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale qui a convaincu Karen Leggett de faire le saut.

«La vision qu’il avait pour la Banque Nationale, ses projets de transformation, son assurance et sa confiance dans la réalisation de ces transformations étaient vraiment intéressants et inspirants», dit Karen Leggett.

Responsable de la mise en oeuvre de la stratégie, de l’image de marque et de l’expérience client à la Banque Nationale, Karen Leggett doit «mettre en avant une offre de produits financiers et de solutions de paiement adaptées aux besoins des particuliers et des clients commerciaux, en assurant l’arrimage entre les développements technologiques et numériques et les priorités d’affaires.»

Le but est de permettre au client d’effectuer «ses transactions au moment de son choix, à l’endroit de son choix et par le canal de son choix, que ce soit en ligne, par l’intermédiaire d’un centre d’appels, par l’entremise d’un conseiller, d’un planificateur financier ou en succursale», dit-elle.

«Aux côtés des concurrents traditionnels, il y en a de nouveaux, dont Google, PayPal et Apple, résume-t-elle. Cela nous mène nécessairement à changer nos perceptions et nos façons de faire afin de demeurer pertinents pour notre client et de continuer à bien le servir.»

Elle dirige une révision de la gouvernance concernant les données clients, afin d’obtenir une meilleure compréhension des comportements de ces derniers.

Elle pilote également une mise à niveau des canaux numériques de la Banque Nationale, de manière à «augmenter le contact de manière pertinente, personnalisée et ciblée pour le client», dit-elle.

Vive les offres personnalisées

L’importance d’une offre pertinente pour le client est qu’elle rehausse sa satisfaction, même s’il refuse cette offre, selon des recherches. Le client apprécie cette attention, explique Karen Leggett.

«En 2015, nous serons en mesure de faire une offre personnalisée au client qui nous joint en ligne. Par exemple, s’il est admissible à une augmentation de la marge de sa carte de crédit, il en sera informé et pourra choisir de l’augmenter instantanément», illustre Karen Leggett.

«Le secteur marketing est responsable de plus de 50 % des investissements technologiques actuellement effectués par la Banque», mentionne-t-elle.

Cette mise à niveau, qui s’amorcera à compter du printemps 2015, touche à la fois les services en ligne, la mobilité et la refonte complète du parc de 937 guichets automatiques partout au Canada.

Ces changements présentent cependant plusieurs défis liés à la sécurité et à la qualité des données, estime-t-elle.

«Nous avons vite compris que nous avions sous-investi dans nos canaux numériques au cours des dernières années, mentionne Karen Leggett. Une augmentation des investissements en matière de technologie n’est toutefois jamais aussi simple, surtout lorsqu’elle implique des systèmes patrimoniaux.»

Parmi les enjeux, elle évoque la contention de ressources lorsque des projets touchent aux mêmes applications ou qu’ils sont interdépendants sur le plan du déploiement de fonctionnalités.

Elle cite aussi les dépassements de coûts, parfois inévitables quand plusieurs projets complexes sont menés en même temps. «Si les dépassements de coûts sont plus élevés que le bénéfice prévu, il ne faut pas avoir peur de tuer un projet.»

L’organisation matricielle des projets constitue un autre défi, selon Karen Leggett.

«Il faut un village pour élever un enfant, et il faut un village pour mener à bien un projet de technologie, illustre-t-elle. Il n’y a pas une personne qui est responsable de tout, nous sommes plutôt devant une chaîne où différents intervenants collaborent.»

Devenir une banque du futur

Dans les prochaines années, la Banque Nationale devra être capable de prévoir la prochaine action du client en plus de lui bâtir une offre ciblée.

D’ici là, l’institution financière compte améliorer son utilisation des canaux numériques notamment afin d’attirer et d’accompagner le client dans son éducation et dans sa recherche d’information.

«Le client qui navigue sur le site Internet de la Banque Nationale depuis son domicile veut être capable de poser des questions, même s’il est 23 h. Nous lui donnerons bientôt la possibilité d’échanger avec quelqu’un sur le mode « clic to chat ». Dans un deuxième temps, nous introduirons également le « clic to video ». Ce client pourra même échanger avec son planificateur financier ou son conseiller», illustre-t-elle.

De même, la banque devra permettre à un client d’amorcer une recherche ou une transaction dans un canal, par exemple en ligne, et de la terminer dans un autre canal, par exemple en succursale.

«L’employé du centre d’appels qui parle de CELI avec un client pourrait lui recommander un conseiller, un directeur de comptes ou un planificateur financier s’il constate que ce client n’a pas fait de planification financière récemment», évoque Karen Leggett.

Le partage d’information entre divisions de la banque continuera d’être un défi, notamment en raison de la nouvelle Loi canadienne anti-pourriel, qui encadre les communications avec les clients, et de la réglementation du secteur bancaire, qui limite le partage d’information entre certains secteurs d’activité.

Le conseil a toujours sa place

«Partout où nous resterons dans le cadre de la réglementation et du consentement client, nous serons éventuellement en mesure de partager des informations entre nos différentes divisions et ainsi d’évoluer en mode proactif, remarque-t-elle. Cela nous permettrait d’envoyer un déclencheur au conseiller d’un client pour l’informer de ce que son client s’apprête à faire, puis de construire une offre conséquente que le conseiller se- rait alors en mesure de faire à son client.»

La Banque Nationale s’est engagée dans un processus qui vise à revoir le positionnement géographique et la raison d’être de ses succursales, confirme Karen Leggett.

«Le transactionnel devient moins important dans les succursales, et à l’inverse, le conseil prend de l’importance. Alors, nos conseillers et nos planificateurs financiers ne sont pas en voie de disparition, loin de là, dit-elle. Les clients continuent à vouloir un contact humain, un accompagnement, un conseil qui est vraiment personnalisé. Il est donc essentiel que nous arrivions à la meilleure intégration possible entre nos différentes divisions.»