Munitions contre la vente sur Internet
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Comme le précise la page titre de l’étude, ce document a été «présenté» à la Chambre de l’assurance de dommages et à la Chambre de la sécurité financière (CSF) (http://tiny.cc/ 6e9aiy). À la lecture, on constate que l’argumentaire d’Option consommateurs ressemble beaucoup à celui de la CSF.

Ainsi, dans son mémoire déposé en 2015 lors de la révision de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, la CSF avait dit que la vente directe «comporte des risques dont le consommateur n’est pas nécessairement (sinon pleinement) conscient lors de sa prise de décision» (http://tinyurl.com/zo285xu).

Option consommateurs reprend ce point de vue en affirmant que «sans la présence d’un représentant, le consommateur peut être mal informé et risquer de souscrire une assurance dont il n’a pas besoin, qu’il a déjà (surassurance) ou qui n’est pas adaptée à sa situation. Il risque aussi d’opter pour une couverture insuffisante (sous-assurance)».

Afin d’illustrer l’importance de ces risques, les auteurs de l’étude – l’avocate Annik Bélanger-Krams appuyée par trois recherchistes – ont fait un tour d’horizon de la vente d’assurance de personnes par Internet en France, en Angleterre et aux États-Unis.

Ils ont interviewé des employés d’organismes de défense des consommateurs et d’organismes de réglementation. Ils ont examiné certains sites transactionnels et ont effectué une recherche documentaire fort poussée sur le droit de l’assurance au Québec et en Europe.

Les experts d’Option consommateurs sont clairs : selon eux, le consommateur ne disposerait pas sur Internet de suffisamment d’informations pour prendre une bonne décision. Ce risque dépasserait tous les avantages de la vente directe en ligne, énumérés dans l’étude : autonomie, rapidité, commodité, capacité à rejoindre des clientèles sous-assurées, coûts moins élevés.

Le consommateur «peut faire une erreur ou ne pas divulguer un fait, ce qui peut entraîner la nullité de son contrat ou une diminution des obligations de l’assureur. Il est aussi possible qu’il se croie couvert pour un risque alors que cela n’est pas le cas, ou encore qu’il se fie à des sources qui ne sont pas sûres et qui l’amènent à faire de mauvais choix».

Laissé à lui-même, le consommateur risque d’être sur-assuré, sous-assuré ou de se tromper de produit. Option consommateurs juge également que le client se laisse trop facilement séduire par les plus bas prix.

Dans cet esprit, Option consommateurs se dit d’accord avec la CSF qui citait, dans son mémoire déposé en 2015, un jugement de la Cour suprême suggérant de considérer le client moyen comme un consommateur «crédule et inexpérimenté, et non comme une personne raisonnablement prudente et diligente». Ces risques, poursuivent les auteurs, s’amplifient lorsque le consommateur utilise les sites de comparaison de prix.

Selon Option consommateurs, les consommateurs britanniques qui fréquentent les sites de comparaison de prix en assurance voyages chercheraient à obtenir le montant maximal de couverture «sans se demander quel type de risque est couvert et quels sont leurs besoins d’assurance».

Option consommateurs croit également que la vente sans représentant pourrait «poser des défis en matière de suivi de dossier et de renouvellement».

Encore une fois, l’organisme cite la CSF : «Dans un contexte où la commission est traditionnellement versée au représentant qui a souscrit la police, nous pouvons nous demander si les représentants seront disposés à faire le suivi d’un dossier souscrit en ligne», indiquait la CSF dans un mémoire présenté à l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2012.

Option consommateurs cite l’exemple de clients qui laisseraient filer un droit de transformation en raison du dépassement de délais impartis.

L’organisme signale, à quelques reprises, que les refus de réclamations seraient plus nombreux dans le cas d’achats directs sur Internet et que leur impact pourrait être «catastrophique» sur le patrimoine des consommateurs.

Autre son de cloche

L’experte Nathalie Durocher, avocate associée au cabinet Miller Thomson, dit avoir «une vision de l’industrie qui est plus évolutive».

«La technologie permet déjà la vente sur Internet de produits simples en assurance de personnes, comme une T10, sans l’intervention obligatoire du représentant et sans que ce soit nuisible aux intérêts des consommateurs», explique cette importante spécialiste du droit de l’assurance et de la distribution de produits et services financiers. L’étude d’Option consommateurs cite d’ailleurs abondamment certains de ses écrits.

Afin que les consommateurs ne soient pas lésés en cas d’achat de produits simples en ligne sans intervention obligatoire du conseiller, Nathalie Durocher souligne le caractère incontournable des principes de base du «Rapport sur l’offre d’assurance par Internet au Québec» de l’AMF (http://tinyurl.com/zt442hd).

Selon l’AMF, le consommateur devrait : pouvoir accéder à un représentant au besoin, à toute étape du processus de souscription ; avoir les outils nécessaires à la prise de décision (de l’analyse de besoins au choix de produit) ; pouvoir comparer avec un produit qu’il a déjà et être informé des avantages qu’il perdrait en choisissant un autre produit ; pouvoir résilier l’achat pendant une période de temps raisonnable.

«En respectant les orientations de l’AMF et en étant bien structurés, les sites transactionnels comporteront les mêmes protections que celles qu’offre un conseiller par téléphone», affirme Nathalie Durocher.

L’avocate note que ces sites devront réagir lors d’hésitations du consommateur, par exemple en proposant des rubriques d’aide ou en produisant des bulles d’information.

L’avocate ajoute que les sites transactionnels devront s’assurer que les consommateurs ont compris l’information nécessaire, notamment grâce à des questionnaires et à la production de résumés des réponses des clients.

«Si le consommateur n’a pas compris les informations, cela déclencherait alors l’intervention du représentant», précise l’associée du cabinet Miller Thomson.