Investissement responsable… et performant
Romolo Tavani_123RF Banque d'images

Les premiers fonds portaient le qualificatif « éthique » et appliquaient essentiellement des filtres d’exclusion : pas de titres d’armement, pas de titres de tabac, etc. « C’est l’ancienne approche avec laquelle plusieurs sont restés », commente Denis Dion, chef de produit chez Desjardins Gestion de patrimoine.

« Aujourd’hui, poursuit-il, on parle d’avantage d’intégration ESG (environnement, société, gouvernance). De plus, on a de plus en plus recours à des filtres positifs : basse empreinte de carbone, diversité culturelle et raciale, traitement juste des employés, représentativité des femmes. »

Moyennes supérieures

Il y a cinq ans, les fonds « éthiques » étaient peu nombreux, et leur performance sans grand éclat a sans doute contribué à donner mauvaise réputation au secteur. Qu’on pense au fonds NEI Ethical Canadian Equity Series F, un des plus anciens fonds éthiques, dont les rendements sont de 5% pour trois ans, 9,5% pour cinq et 5,6% pour dix.

Il s’agit d’une performance très respectable, bien au-dessus des moyennes de la catégorie, et qui lui mérite quatre étoiles de Morningstar. Toutefois, elle ne permet pas au fond de se hisser parmi les chefs de file de sa catégorie.

Plusieurs études récentes confirment la performance supérieure de l’IR. Une étude de Morgan Stanley (Sustainable Reality : Understanding the Performance of Sustainable Investment Strategies, 2015) affirme que l’IR « a habituellement égalé, et souvent surpassé, la performance d’investissements traditionnels comparables. (…) Les fonds communs IR ont eu un rendement médian égal ou supérieur et une volatilité égale ou supérieure à ceux des fonds traditionnels dans 64% des périodes étudiées. »

Dans le cas d’un indice d’entreprises ayant un haut quotient ESG, indique l’étude de Morgan Stanley, celui-ci « a surpassé le S&P 500 de 45 points de base depuis sa création en 1990. »

Plus récemment, une étude de Responsible Investment Association au Canada (Responsible Investment Funds in Canada : Highlights from Q3 2017) constate la performance supérieure des fonds communs IR dans trois catégories importantes.

Par exemple, dans les fonds d’actions canadiennes, la performance moyenne des fonds IR est de 4,59% sur trois ans, de 9,14% sur cinq ans et de 4,18% sur dix ans, alors que celle des fonds d’actions canadiennes courants est de 3,88%, 8,13% et 3,22% pour les mêmes périodes.

Dans les fonds d’actions mondiales, les rendements pour trois ans sont de 8,93% contre 8,27%, pour cinq ans, de 12,93% contre 12,15% C’est seulement pour la période de 10 ans que les fonds IR s’en tirent un peu moins bien : 4,31% contre 4,36%.

Absence de « champions »

Malgré tout, les fonds IR ne figurent pas au sommet des palmarès. Cette absence de « champions » handicape probablement le secteur dans l’esprit des investisseurs, reconnaît Denis Dion. « Il y a cinq ans encore, l’IR, c’était de l’exclusion », dit-il en guise d’explication.

Les classements de Morningstar le confirment. Trônant au sommet de la catégorie des actions canadiennes, composée de 565 fonds, avec un parcours qui dépasse les dix ans, le Canadian Equity Fund de Mawer enregistre des rendements sur trois, cinq et dix ans de 8,59%, 12,59% et 8,26%. Le meilleur joueur IR à long terme dans cette catégorie, le NEI Ethical Canadian Equity Series F, déjà mentionné, soutient mal la comparaison.

La performance IR est un peu plus convaincante dans la catégorie des fonds d’actions mondiales, composée de 843 fonds. Ici, le Fonds d’actions mondiales Vision RBC F affiche des rendements pour trois, cinq et dix ans de 12,29% (27e au classement), 16,53% (13e) et 7,23% (53e). En comparaison, le Dynamic Global Dividend Class I affiche : 17,32% pour trois ans (1er rang), 18,61% pour cinq ans (1er rang) et 9,64% pour dix ans (4e rang).

Ces palmarès vont sans doute se bonifier avant longtemps, car le secteur de l’IR est en croissance accélérée. Dans le monde, selon l’organisme Principles for Responsible Investment, les actifs gérés par des firmes qui souscrivent aux principes ESG ont plus que décuplé, passant de 6 billions $US en 2006 à 65 billions $US en 2016.

Au Québec, sans être aussi forte, la tendance est bien amorcée, les actifs totaux en IR étant passé de 198,5 milliards de dollars (G$) en 2006 à 456,5 G$ en 2016, selon une étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC, Portrait 2016 de la finance responsable).

Il faut comprendre que toutes ces sommes, tant à l’international qu’au Québec, ne représentent pas les actifs présents dans des fonds communs. Loin de là. Il s’agit des actifs totaux de toutes les sociétés de portefeuille (fonds de pension, fonds communs, etc.) qui ont souscrit à ce jour aux principes de l’IR.

Au Québec, comme le note Claude Dostie, auteur de l’étude de l’IRÉC, la Caisse de Dépôt et Placement à elle seule accapare une part de 61% de l’IR. Car la Caisse, affirme-t-il, « juge que 100% de ses 270 milliards $ d’actifs sont responsables. »

Dans le secteur des fonds communs, les choses changent plus lentement. Par exemple, Placements Mackenzie est elle aussi signataire des PRI. Cependant, sur 633 fonds de cette firme recensés par Morningstar, un seul prend place dans l’IR: son Fonds équilibré de durabilité mondiale et d’impact, tout récemment lancé en octobre 2017.

Cette situation paradoxale signale un fait nouveau dans l’évolution de l’IR : alors que le nombre de fonds s’affichant comme étant de type IR demeure relativement modeste (on en compte environ une centaine au Canada), les principes de l’IR sont en train de conquérir le monde du placement. Comme le note l’étude de Morgan Stanley, alors qu’un dollar sur neuf logeait sous l’enseigne de l’IR en 2012, cette proportion avait bondi à un sur six dès 2014.