Haro sur les concours de vente
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Près d’un conseiller sur deux (49 %) s’est dit favorable à la disparition des concours de vente, et 47,5 % sont d’avis qu’il faut mieux les encadrer. Un très faible pourcentage (3,5 %) s’est prononcé en faveur du statu quo.

«Je suis complètement d’accord [avec l’abolition], car il y a encore des conseillers qui offriront des produits qui ne répondent pas nécessairement aux besoins des clients, ou qui pousseront les ventes pour gagner le voyage et des cadeaux. Les besoins des clients doivent être prioritaires, il y a une incohérence entre les deux», dit un des conseillers sondés.

Sans compter que les voyages offerts sont des avantages imposables. Certains conseillers affirment que dans ce cas, ils préféreraient de loin que les assureurs augmentent leur rémunération à la vente plutôt que de leur offrir ce genre de prime.

Rappelons que dans l’industrie des fonds communs, les concours qui récompensent les meilleurs vendeurs d’un produit en particulier ont été complètement bannis dans les années 1990. «J’avais vu des horreurs à l’époque. Une représentante avait ouvert un REER de trop pour gagner une télévision couleur, et le client s’est retrouvé avec le fisc sur le dos», raconte un conseiller sondé.

Pour Jean Paquin, conseiller en sécurité financière et en épargne collective chez Groupe Investors, il était temps que le secteur de l’assurance emboîte le pas. «Dans le monde comptable, on sait très bien que si vous rémunérez quelqu’un d’une façon X, il agira d’une façon X, et si vous le rémunérez de façon Y, il agira de façon Y. Les concours risquaient d’entraîner des comportements vicieux, et je suis bien content qu’ils disparaissent», dit ce comptable agréé.

Rappelons cependant que l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’a pas clairement interdit les concours de vente, se contentant d’aiguiller les assureurs dans ce sens depuis quelques années. Ils ont fini par plier.

Incitatifs bientôt réformés

D’autres croient cependant qu’il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Certains incitatifs, lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour faire mousser la vente d’un produit en particulier, peuvent permettre de motiver les conseillers et créer un sentiment d’appartenance.

«Si le concours est rattaché à un produit particulier, je suis contre, mais s’il est fonction de la production totale, je suis pour», dit un conseiller sondé. Les agents généraux et les courtiers prendraient ainsi le relais des compagnies d’assurance.

«L’important, souligne un autre, c’est qu’on ne donne pas de point supplémentaire pour vendre un produit plutôt qu’un autre. Mais il faut garder les concours, car ça motive.»

Le président de MICA Services financiers, Gino Savard, invite chaque année une quarantaine de conseillers à assister à un congrès de deux semaines dans un pays différent. Cette année, l’événement a eu lieu en Martinique.

Pour Gino Savard, ces événements ne sont rien de plus que des activités de reconnaissance pour les conseillers qui ont généré les volumes de primes les plus élevés sur une période de deux ans. «C’est de la rémunération supplémentaire que j’offre à mes meilleurs conseillers. Ça leur permet de discuter de leur pratique, de recevoir de la formation. Les conseillers et leurs conjoints apprécient le prestige qui entoure ces congrès», dit-il.

Chez Groupe financier PEAK, les conseillers les plus performants font partie d’un club d’excellence. Les critères pour devenir membre ne sont pas seulement liés au revenu, selon Robert Frances, mais aussi au respect de la conformité, à la satisfaction de la clientèle et à la polyvalence du conseiller.

«Les ventes sont importantes, parce qu’ultimement, la réussite devrait se traduire par des résultats financiers, mais si la prémisse est d’être reconnu comme des professionnels et non pas comme des vendeurs, il faut que nous soyons conséquents», dit le président de PEAK.

Et ce dernier croit fermement que l’abolition des concours est un pas en avant. «Ceux qui les défendent disent que ces événements n’influencent pas les conseillers, alors, raison de plus pour s’en débarrasser ! Qu’ils aient une influence ou non, dans les deux scénarios, on n’en a pas besoin», tranche Robert Frances.

Sensible à la perception de conflits d’intérêts, SFL Partenaire de Desjardins Sécurité financière a choisi pour sa part d’abolir toute forme d’incitatif, y compris les congrès liés aux volumes de vente sur l’ensemble des produits offerts par les 1 600 conseillers. «Maintenant, nous pensons à ce que nous ferons pour tisser des liens avec nos conseillers», dit Stéphane Dulude, président et directeur général de SFL.

«Allons-nous faire comme les sociétés de fonds communs, qui offrent des formations où les conseillers paient leurs frais ? Ou encore des tournées pour visiter les grands centres et y accueillir les conseillers ? C’est la fin d’une chose et le commencement d’une autre», dit-il.

Chose certaine, l’industrie n’a pas fini de débattre de la question. Dans leur document de consultation 33-404, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) songent notamment à forcer les firmes de courtage à surveiller étroitement un représentant qui s’approche du seuil qui lui donne droit de participer à un club de reconnaissance, comme un «club du président» (voir «Vers de nouvelles divulgations» en une).