L’année dernière, le rendement médian dans la catégorie Actions de l’immobilier a été de 21 %. Ces trois dernières années, le rendement annualisé a été de 9,1 %.

Et pourtant malgré des évaluations se rapprochant des niveaux d’avant la crise et le risque d’une hausse des taux d’intérêt à l’horizon, les gestionnaires de fonds maintiennent que les perspectives sont toujours relativement favorables.

« Je ne dirais pas que les évaluations sont à leurs limites », avance Derek Warren, gestionnaire de portefeuille auprès de la société torontoise Morguard Financial Corporation, qui supervise le Fonds immobilier canadien CIBC (62 millions $). « Par rapport aux autres catégories d’actifs, l’immobilier est encore à un bon prix. Bien que 2012 ait illustré un retour de l’immobilier à sa juste valeur, cette année a davantage à voir avec les exploitations et la collecte de dividendes auprès de ces entités. »

En gros, les investisseurs ont prospéré l’année dernière parce que la valeur sous-jacente de l’immobilier a augmenté et que les fonds ont généré une appréciation robuste du capital. Cette année, il s’agit moins d’une augmentation des valeurs foncières, et plus de récolter des loyers ou un rendement.

Une des mesures communes portant sur les flux de trésorerie des FPI est appelée fonds ajustés provenant des opérations (FAPO). « Au cours de la crise de 2008-2009, les évaluations ont chuté jusqu’à huit ou neuf fois les fonds provenant des opérations, alors qu’au sommet de 2007, nous en étions à 20 fois », dit Michael Missaghie, gestionnaire de portefeuille auprès de la société torontoise Sentry Investments. Il fait partie de l’équipe qui supervise le Fonds de placement immobilier Sentry (1,4 milliard $), le plus grand fonds canadien de la catégorie Actions de l’immobilier. « De nos jours, nous en sommes à 17 fois les FAPO, dit M. Missaghie. Nous ne sommes pas à un sommet, mais tout de même au-dessus de la moyenne à long terme, qui est environ de 14 fois. »

Le ratio des FAPO n’est pas la seule façon de déterminer si les FPI représentent une bonne valeur. « Sur cette base, nous sommes près du sommet du dernier cycle, dit Tom Dicker, gestionnaire de portefeuille auprès de la société torontoise GCIC et cogestionnaire du Fonds immobilier mondial Dynamique (187 millions $). Mais nous devrions considérer cela comme un rendement des FAPO, c’est-à-dire l’inverse du ratio ». Il note qu’au cours du dernier cycle, ce rendement a chuté à 5,1 %, puis augmenté à 11 % en 2009, quand les FPI ont souffert. De nos jours, nous en sommes à 5,5 %

« On pourrait fermer les livres et recommander de ne pas acheter de FPI. Toutefois, ce qui est le plus important est de savoir où en sont les taux d’intérêts par rapport au rendement des FAPO, dit M. Dicker, qui partage ses responsabilités avec Oscar Belaiche, de chef de l’équipe des actions à revenu de GCIC. L’écart avec les obligations sur 10 ans du Gouvernement du Canada a été beaucoup plus bas. Lorsque les FPI ont atteint un sommet en 2007, l’écart a atteint un creux de 110 points de base. Aujourd’hui, nous en sommes à 362, soit près de la moyenne à long terme de 339. »

Dans la mesure où les prix des FPI sont comparés avec ceux des obligations gouvernementales, « elles sont en fait relativement bon marché en ce moment, et très bon marché en comparaison de leur sommet de 2007 », dit M. Dicker. Mais les conditions étaient bien différentes en 2006-2007, ajoute-t-il. À cette époque-là, note-t-il, les taux d’intérêt et le rendement des obligations étaient en hausse, tout comme les attentes en matière de loyers, et une offre importante arrivait sur le marché. «Les choses sont différentes actuellement, et ce n’est donc pas comparable. Mais ce qui se passe, c’est que les FPI peuvent devenir plus chères en matière d’écart. »

M. Missaghie pense que les FPI devraient continuer à bien se comporter en 2013, à cause des faibles taux d’intérêt et d’une économie à croissance lente. « Dans cet environnement, les FPI semblent attrayants à cause de la stabilité des revenus qu’ils procurent, et aussi de la stabilité de la croissance de leurs flux de trésorerie. Voilà ce qui rend cette catégorie d’actifs attrayante pour les investisseurs. »

De plus, les données fondamentales apparaissent fortes. Les taux d’occupation dans toutes les catégories d’actifs « sont aux niveaux les plus élevés qu’ils ne l’ont été depuis longtemps », dit M. Missaghie, qui partage ses fonctions avec Dennis Mitchell, directeur du placement à Sentry. « Et il n’y a pas beaucoup d’offre qui se dessine au Canada en matière de bureaux, d’espaces industriels et commerciaux et d’appartements. Parce que le taux d’occupation est resté élevé, les FPI peuvent faire payer des loyers plus élevés dans toutes les catégories d’actifs. Et la plupart du temps, on voit des augmentations de loyers de 5 à 10 % environ. »

Il se peut que cette conjoncture de taux d’intérêt faibles continue quelque temps encore à profiter aux FPI, pense M. Dicker. Il invoque le cycle de désendettement qui prévaut dans les marchés développés, et le vieillissement de la population, qui freine la croissance économique. « Je m’attends à une certaine normalisation des taux, mais je ne les vois pas augmenter indéfiniment au détriment des FPI, dit-il. Notre scénario de base est que le rendement des obligations gouvernementales ne dépasse pas 2,5 %. »

Quels autres risques pourraient faire dérailler les attentes futures? M. Missaghie de Sentry maintient que pour cela il faudrait une profonde récession économique ou une autre crise du crédit. « Dans ces environnements, l’immobilier ne se comporte pas bien parce que c’est une entreprise qui prend beaucoup de capitaux. Et dans une récession, les locataires réduisent leurs besoins en espace. Lorsque cela se produit, la trésorerie souffre », dit M. Missaghie. Mais ces scénarios sont peu vraisemblables, croit-il, surtout quand les banques centrales gardent les taux d’intérêt à un niveau artificiellement bas.

Une hausse des taux d’intérêt pourrait présager des ennuis, mais pas nécessairement. « Pour nous, une hausse des taux n’est pas le problème. C’est la raison de cette augmentation, ajoute M. Missaghie. Face à une croissance économique plus élevée et si les taux d’intérêt en venaient à augmenter, les FPI pourraient souffrir à court terme. Mais à plus longue échéance, cette situation serait bénéfique parce que la croissance seraient répercutée sur les locataires, qui exigeraient plus d’espace, puis pourraient se permettre des loyers plus élevés. »

Comment les gestionnaires misent-ils sur le secteur de l’immobilier? La plupart d’entre eux diversifient leur participation à l’extérieur du Canada. Par exemple, MM. Dicker et Belaiche de GCIC gèrent un portefeuille mondial dont environ 59 % des actifs sont investis au Canada, 23 % aux États-Unis et des avoirs plus modestes en Australie.

Un des avoirs principaux dans un fonds de 50 noms est le groupe Simon Property SPG , le plus gros propriétaire mondial de centres d’achats. « Ce sont les meilleurs gestionnaires d’actifs dans le monde, dit M. Dicker. Ils ont un portefeuille tellement volumineux qu’ils sont capables de générer d’excellents rendements des flux de trésorerie disponibles et de réinvestir dans le réaménagement de leurs propriétés. La société a un rendement de 4,5 % de ses flux de trésorerie disponibles. Le rendement en dividendes de l’action est de 2,7 %. »

M. Warren de Morguard Corporation adopte aussi une approche plus mondiale. Son fonds a environ 77 % de ses actifs au Canada, 6 % en argent liquide et 17 % aux États-Unis, participation que M. Warren admet vouloir augmenter. Compte tenu de l’optimisme qu’il éprouve pour les immeubles d’appartements, qui bénéficient de taux d’occupation élevés et de flux de trésorerie stables, M .Warren a une préférence pour des noms comme Canadian Apartment Properties REIT CAR.UN . « La fiducie investit principalement dans l’agglomération urbaine de Toronto, où elle possède des immeubles de très haute qualité proches des moyens de transports. » L’action rapporte 4,5 % et, fait important, se négocie au-dessous de la valeur nette de ses actifs, dit M. Warren.

Quant à M. Missaghie de Sentry, il détient aussi 70 % du fonds au Canada, 25 % aux États-Unis et 5 % en argent liquide. Une participation de premier ordre dans un fonds de 45 noms est American Campus Communites ACC , le plus gros propriétaire, exploitant et promoteur de logements pour étudiants aux États-Unis. À 22, le ratio des FAPO est cher, reconnaît M. Missaghie. Pourtant, note-t-il, son rendement en dividendes est de 2,9 %, et il prévoit que la société devrait connaître une croissance de 8 à 12 % de ses flux de trésorerie. À supposer que l’action suive cette croissance des flux de trésorerie, « son rendement total cette année pourrait être d’environ 12 à 15 %. »