Une feuille de résultats financiers, par-dessus, des chiffres apparaissent en transparence.
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Les fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels sont souvent appelés « passifs », mais cette appellation nous semble injustifiée lorsqu’on considère tout le travail qu’ils requièrent.

En effet, derrière l’apparente simplicité de l’objectif de placement, énoncer pour un FNB : « Ce FNB cherche à reproduire, autant qu’il est raisonnablement possible et avant déduction des frais, le rendement de l’indice… »[1], du point de vue d’un manufacturier de fonds, cela exige beaucoup plus de travail et d’expertise qu’il n’y parait.

Rappelons qu’un indice représente de manière théorique un marché défini. Les indices sont construits et maintenus selon des règles établies par les fournisseurs d’indice afin de capturer continuellement le marché représenté. Étant donné qu’il n’est pas possible d’investir directement dans un indice, un investisseur devra utiliser un outil de placement (un FNB par exemple) pour obtenir l’exposition à l’indice souhaité. En pratique, le manufacturier de FNB devra alors faire face à plusieurs considérations dans le but de répliquer le plus fidèlement possible le rendement et le comportement de l’indice, pour minimiser respectivement la différence de suivi et l’erreur de suivi.

Pour ce faire, une expertise opérationnelle sophistiquée est indispensable. D’un manufacturier à l’autre, différentes techniques de réplication et d’optimisation sont utilisées, ce qui est bien loin d’être une tâche « passive », comme on le croit dans l’imaginaire collectif.

Les méthodes de réplication indicielle les plus fréquentes sont la réplication totale, l’échantillonnage, ainsi que la réplication synthétique à l’aide de produits dérivés (dont nous ne parlerons pas dans cet article).

Réplication de l’indice

Parmi les facteurs considérés pour déterminer la meilleure façon de répliquer un indice, un des plus importants est le marché sous-jacent à reproduire.  L’accessibilité – la capacité et le coût de négocier sur le marché en question – de même que sa liquidité intrinsèque – la facilité de négocier et de le faire à un prix qui est juste – sont des éléments déterminants dans l’approche de réplication. L’actif sous gestion (ASG) du FNB peut également être un facteur.

Prenons le cas « simple » de la reproduction d’un indice d’actions de grandes capitalisations canadiennes. Les coûts reliés à négocier ces actions sont très faibles et leur liquidité assez importante pour qu’elles soient facilement négociées sur le marché – des critères de liquidité font généralement partie des règles de construction de l’indice.

Dans ce cas, le FNB répliquera l’indice de manière totale, autrement dit il détiendra chacune des actions sous-jacentes dans les mêmes proportions que l’indice.

L’émetteur de FNB devra tout de même gérer efficacement plusieurs éléments qui peuvent créer des frictions et générer des différences de performance et de comportement entre le FNB et l’indice qu’il réplique :

  • les dividendes reçus des actions, l’échéancier de leur paiement ou leur réinvestissement;
  • la gestion des entrées et des sorties de trésorerie dans le FNB;
  • les événements corporatifs des sociétés dans l’indice tels que les fractionnements d’actions;
  • les rééquilibrages périodiques;
  • les inclusions ou exclusions de l’indice ;
  • les frais de couverture de devise, si applicable;
  • les coûts de transaction associés.

Imaginons maintenant que nous devions répliquer un indice moins facilement accessible; dont les actifs sous-jacents ne sont pas tous assez liquides pour être négociés efficacement; sont davantage concentrés ; ou bien dont les actifs sont négociés sur un ou des marché(s) moins facilement accessibles.

Un indice d’actions de marchés émergents en est un bon exemple. Pour répliquer l’indice, il faut être en mesure d’acheter 1671 actions[2] sur différentes places boursières à travers le monde, chacune ayant ses propres pratiques et mécanismes de compensation dans différents fuseaux horaires. Tout cela crée potentiellement des coûts de transaction élevés, ce qui réduit la performance du FNB par rapport à son indice de référence.

Si nous pensons à un indice qui réplique un marché « plus niché », il se peut par exemple qu’un influx massif de capitaux dans le FNB soit investi sur une période de plusieurs jours pour ne pas impacter les titres sous-jacents. L’optimisation du déploiement des liquidités est nécessaire pour minimiser le potentiel d’erreur de suivi.

Le processus de réplication sera alors centré autour du raisonnement suivant : quel est le coût (en frais de transaction et difficulté opérationnelle) d’intégrer une action par rapport au coût (en différence de suivi) de ne pas l’intégrer ?

L’actif sous gestion (ASG) dans le FNB influencera la réponse à cette question. Dans le cas des actions de marchés émergents, si l’ASG est faible alors le manufacturier peut juger qu’opérationnellement la meilleure façon de répliquer l’indice est en achetant un autre FNB qui reproduit le même indice ou un indice similaire : en faisant donc de l’emballage (wrapping). À mesure que l’ASG du FNB augmente, l’échantillonnage peut alors devenir une solution optimale, ou une combinaison des deux.

Pour un FNB ayant un ASG assez important, le manufacturier va tendre vers une réplication totale de l’indice sous-jacent.

Échantillonnage

Les manufacturiers de FNB vont généralement procéder à de l’optimisation et de l’échantillonnage afin de répliquer les caractéristiques de l’indice (ratio cours/bénéfice, taux de dividende, exposition sectorielle, géographique, etc.) avec un sous-ensemble – un échantillon – des constituants de l’indice sans avoir à tous les négocier individuellement, ce qui serait très coûteux et très inefficace.

Ce même échantillon ou un autre échantillon, à la discrétion du manufacturier, peut également être utilisé pour la création et l’annulation de parts en nature.

Le cas du revenu fixe

Grâce à leurs critères d’inclusion, les principaux indices obligataires sont composés de centaines, voire de milliers d’obligations sous-jacentes. Cela s’avère être un réel enjeu à répliquer étant donné le manque de liquidité de certaines de ces obligations, ou encore leur pondération relative très faible. Pour ces raisons, l’échantillonnage est très commun dans l’univers du revenu fixe. Se posent donc les questions de coût/bénéfice. Le manufacturier va optimiser la composition de l’échantillon afin de répliquer, sous contraintes de coûts, le plus fidèlement possible les caractéristiques de l’indice sur le plan de la durée, de la qualité de crédit, du rendement des distributions, du rendement à l’échéance.

Opérationnellement, l’échéancier des paiements de coupons, les nouvelles émissions, les inclusions et exclusions d’obligations dans l’indice, la gestion des entrées et sorties d’actifs dans le FNB seront autant d’éléments à gérer afin que le FNB maintienne un comportement et une performance identiques à ceux de l’indice.

Les méthodes des manufacturiers de FNB

Répliquer un indice est en conséquence loin d’être un processus « passif » et la technologie est indispensable au paramétrage et au suivi optimal de l’indice.

Avec la croissance continue de l’investissement indiciel, des fournisseurs d’indices alternatifs ont fait leur apparition. Leur proposition de valeur réside dans l’élaboration d’indices capturant le segment du marché souhaité tout en étant plus facilement remplaçable pour les manufacturiers. Le travail d’optimisation et de maintien nécessaires à la réplication de l’indice en est réduit, de même que le potentiel d’écart de comportement et de performance entre le FNB et son indice de référence.

Parmi les changements apportés pour optimiser la construction d’indices, nous pouvons en noter certains visant à minimiser les coûts :

  • Minimisation des coûts de licence au fournisseur d’indice ;
  • Création d’indices composés seulement des composantes les plus liquides dans le marché ;
  • Critères de liquidité rehaussés pour l’inclusion et l’exclusion de l’indice ainsi que l’instauration de zones tampons entrainant la réduction du nombre de composantes et de rotation dans l’indice ;
  • Optimisation de la fréquence et du calendrier des rééquilibrages de l’indice ;

Laurent Boukobza
Vice-Président stratégie en FNB

 

[1] https://www.mackenzieinvestments.com/en/legal-and-privacy/legal-disclaimers#prospectus-aifs-amendments

[2]https://www.solactive.com/wp-content/uploads/solactiveip/en/Factsheet_DE000SLA75X8.pdf