
Un client considéré comme un retraité peut toucher des prestations d’assurance-emploi (AE) s’il respecte plusieurs conditions établies par Service Canada. Le nombre de clients potentiellement admissibles risque d’être faible, mais pas nul d’où l’idée pour les conseillers de sensibiliser certains de ses clients.
Le représentant de courtier en épargne collective Rafaël Nadeau s’est intéressé à l’AE à la retraite en raison de sa collaboration avec GIT Services-conseils en emploi, un organisme soutenant les individus dans leur recherche d’emploi. Lorsqu’un employé quitte son emploi pour prendre sa retraite, ce départ volontaire entraîne habituellement « l’impossibilité de bénéficier des prestations d’assurance-emploi », écrit Rafaël Nadeau, dans une lettre ouverte destinée à sensibiliser le public.
Or, il y a des exceptions dans certaines situations précises, mais seulement lorsque certaines modalités sont respectées, ajoute-t-il. Les conditions habituelles de l’AE doivent être respectées, soit une perte d’emploi sans faute, un emploi assurable (employé et employeurs paient des cotisations à l’AE), un nombre minimal d’heures travaillées, être sans emploi depuis au moins 7 jours et chercher activement un emploi.
Pour respecter ce dernier critère, l’organisme recommande de bien documenter les démarches de recherche d’emploi, dont postuler à des offres en ligne ou en personne, envoyer des curriculums vitae (CV), contacter des employeurs potentiels, participer à des entrevues ou à des salons de l’emploi, et conserver des preuves (copies de courriels, captures d’écran, confirmations de candidatures).
Le représentant constate d’autres conditions : « Fournir des justifications ainsi que des preuves de fin d’emploi, par exemple pour des raisons de santé ou pour une compression du personnel. À noter que les justifications demandées sont très strictes et des documents peuvent être demandés en appui. Plus particulièrement, le départ à la retraite découlant d’une compression du personnel doit respecter une condition : un départ permanent et fortement incité par l’employeur », écrit-il.
Avec l’organisme GIT, Rafaël Nadeau a étudié certains cas de figure où un client pourrait recevoir des prestations d’AE tout en touchant d’autres revenus de retraite. Il souhaite les faire connaître des représentants.
Compression de personnel
Une employée de 63 ans, déjà admissible à la retraite, doit quitter son poste dans le cadre d’une compression de personnel organisée par son employeur. « Cette mesure vise à réduire l’effectif global, et le départ volontaire se fait sur offre écrite de l’employeur afin de préserver le poste d’une collègue plus jeune. L’employée n’était pas encore à la retraite et elle n’avait pas l’intention de partir de son propre chef avant cette nouvelle mesure. Cette personne peut alors faire une demande d’assurance-emploi, car son départ, bien que volontaire, est fortement motivé par une initiative de l’employeur et non par un choix personnel strict », détaille le conseiller.
Si l’employée respecte les conditions habituelles, elle pourrait peut-être recevoir des prestations, tout en touchant une pension de retraite. « Service Canada sera très sévère dans ce type de cas de figure et, pour accepter un dossier, l’employée devrait pratiquement être forcée par son employeur de quitter son emploi », souligne-t-il.
Départ pour raison médicale
Un client de 60 ans quitte son emploi pour prendre une retraite anticipée à cause d’une incapacité temporaire à continuer son travail physique. « Après plusieurs mois, il retrouve la capacité et la motivation pour occuper un emploi adapté à sa situation de santé. Il cherche activement un nouveau poste. Il fait alors une demande d’assurance-emploi en démontrant qu’il est maintenant disponible et qu’il est apte à travailler », écrit Rafaël Nadeau.
Dans ce cas, ce client doit respecter les conditions d’admissibilité pour recevoir des prestations et s’en assurer au besoin en communiquant avec Service Canada.
D’autres cas de figure où un client peut à la fois toucher des revenus de retraite et une prestation d’AE, constate Natalie Hotte, Chef de pratique — Gestion des risques et des savoirs en fiscalité, au Centre québécois de formation en fiscalité, partenaire stratégique de Raymond Chabot Grant Thornton.
Elle donne l’exemple d’un retraité qui retourne au travail à titre d’employé dans une chaîne de restauration rapide après mis sur pause ses activités professionnelles durant quelques mois. Si ce client perd son nouvel emploi et respecte les critères de l’AE, il peut être admissible à l’AE. « Ses prestations seront calculées en fonction des cotisations payées lorsqu’il travaillait à la chaîne de restauration et non à son ancien emploi qu’il a quitté volontairement pour la retraite », précise-t-elle.
Importante, la provenance du revenu
Fait à noter, les autres revenus de retraite touchés par le prestataire de l’AE peuvent diminuer les montants à recevoir de l’AE, souligne Rafaël Nadeau.
Selon le type de revenu, « un calcul sera effectué et votre prestation sera affectée d’une manière précise. Il est recommandé de discuter avec une ressource de l’assurance-emploi, Service Canada, afin de connaître l’impact précis sur vos montants. Il est recommandé d’avoir de nombreuses notes et preuves afin que votre situation soit acceptée », écrit-il, notant que l’organisme fédéral souhaite connaître l’ensemble des revenus obtenus par ailleurs.
Natalie Hotte précise qu’à la fois le type de revenu et l’importance du montant reçu sont importants et invite les conseillers à consulter le tableau des rémunérations de Service Canada.
Les montants d’indemnité de départ, les jours de congé de maladie accumulés et les paies de vacances ont une valeur de rémunération selon le règlement. C’est aussi le cas des revenus d’un fonds de pension découlant d’un emploi précédent, comme un compte de retraite immobilisé (CRI), ainsi que la pension provenant du Régime de pension du Canada (RPC) et du Régime des rentes du Québec (RRQ).
Cependant, ne seront pas considéré comme une rémunération ayant un effet sur les prestations d’assurance-emploi les pensions et suppléments de la Sécurité de vieillesse, ni les pensions qui ne proviennent pas d’un emploi comme les régimes enregistrés d’épargne retraite (REER) personnels ou les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR).
« C’est un peu plus compliqué. Les REER ne semblent pas être inclus, mais les CRI et FRV, si on prend la valeur de transfert, puis on commence à recevoir un montant à partir du FRV, alors là il y aura un impact sur les prestations. C’est vraiment tout ce qui est en lien avec un emploi », explique Natalie Hotte.
D’où l’idée de communiquer avec Service Canada et de consulter les exemples types présentés sur son site Internet. On doit aussi lui déclarer tous les revenus et avantages reçus ainsi que les revenus gagnés qui se rapportent à toute activité d’un travail autonome.
D’ailleurs, Natalie Hotte constate que certains clients continuent de travailler, durant leur retraite, mais comme travailleur autonome. Ils ne paient alors pas de cotisation à l’AE et n’y ont ainsi pas droit à la fin de leur mandat.
Ces exceptions devraient-elles inciter un client à reporter le moment où il touche ses prestations du RRQ et financer son coût de vie en décaissant des REER par exemple ? Chaque cas doit être analysé en fonction de la situation du client et de ses projections de retraite. « La grande raison pour laquelle on dit de reporter le moment où on débute la RRQ, c’est de protéger son risque de survivre à ses épargnes. C’est plus ça qui est important », souligne Natalie Hotte.
Selon elle, dans un contexte économique où les gens sont incités à retourner travailler, clients et planificateurs financiers doivent développer le réflexe de vérifier leur admissibilité à l’AE lorsqu’ils perdent un emploi pour lequel ils ont cotisé à l’AE.
« C’est tellement compliqué l’assurance-emploi : il y a les prestations régulières d’AE, les prestations pour maternité, pour invalidité, pour un faible revenu… Il faut s’informer et dire : “N’oubliez pas de le demander, peut-être que vous avez droit à quelque chose” », ajoute-t-elle.
Rafael Nadeau abonde dans le même sens. « L’essentiel est de rendre l’information disponible aux gens qui sont dans ces situations-là et de ne pas considérer qu’automatiquement un retraité n’a pas droit à l’assurance-emploi. Il y a des situations particulières. Le rôle d’un conseiller est d’éduquer les gens, de donner de l’information pour faire que le client soit toujours mieux accompagné », dit celui qui est candidat au titre de Planificateur financier.