Marché primaire : les petits émetteurs boudent le Québec, mais l'argent continue d'y affluer

Les ACVM veulent améliorer leur mode actuel de classification des risques qui permette aux gestionnaires de fonds communs de choisir leur propre méthode de mesure. C’est un objectif louable. Mais l’écart-type, qui est une mesure statistique de dispersion des rendements, suffit-il à la besogne?

Les ACVM le pensent, selon leur avis et demande de commentaires datant de décembre dernier. Les autorités avancent que l’écart-type a une méthodologie de calcul bien comprise et bien établie, qu’il fournit une évaluation du risque cohérente pour un vaste éventail de fonds de placement, et qu’il est déjà très répandu dans l’industrie.

Les ACVM en concluent essentiellement que l’écart-type est la mesure la plus commode. Ce n’est pas la meilleure, mais on a décidé qu’elle suffirait. En choisir une autre, même meilleure, aurait été malcommode.

Il y a deux problèmes importants avec la proposition des ACVM. D’abord, l’écart-type ne reflète pas la perception qu’a l’investisseur du risque du placement. Ensuite, les autorités courent le risque de suggérer que le risque peut être distillé en un seul chiffre.

Pour la plupart des investisseurs, qu’ils soient sophistiqués ou non, le risque est le potentiel de perte d’argent. Si l’on investit 10 000 $, par exemple, on veut savoir quel est le risque d’en perdre 5 000 $. L’écart-type mesure l’écart des rendements autour d’une valeur moyenne. Par conséquent, toute valeur supérieure à la moyenne (rendements positifs) a exactement le même poids qu’une valeur au-dessous de la moyenne (risque de perte). Il en résulte que l’écart-type pénalise les rendements positifs.

Ce n’est pas la définition du risque de placement tel que le perçoivent la plupart des investisseurs. Il ne semble pas logique que de nombreux investisseurs perçoivent un écart positif comme un important facteur de « risque » à considérer. Au contraire, gagner des rendements positifs est exactement ce qu’être un investisseur a comme objectif.

Pour la plupart des investisseurs, le risque est perçu à la fois comme la probabilité et l’ampleur des pertes potentielles : à quel point est-il probable que je perde l’argent que j’ai investi? Combien d’argent pourrais-je perdre?

Ce que devraient faire les autorités, c’est de proposer la meilleure mesure de risque de perte d’argent potentielle.

La valeur conditionnelle exposée au risque (VCER) est une meilleure mesure que l’écart-type parce qu’elle reflète mieux le potentiel de perte d’argent d’un investisseur. Au lieu de mesurer comment les rendements sont répartis autour de la moyenne, la VCER se concentre entièrement sur les pertes possibles – à la fois leur ampleur et leur probabilité. Puisque la VCER fournit un résumé de la sévérité des risques possibles, c’est une mesure de risque beaucoup plus utile et significative que l’omniprésent écart-type.

La VCER jouit d’une popularité générale croissante dans le monde des placements institutionnels, et va sans aucun doute acquérir une popularité croissante dans le monde du placement pour particuliers. Les autorités de réglementation canadiennes ont désormais l’occasion d’adhérer à une meilleure mesure de risque de placement, même si elle n’est pas parfaite.

L’autre lacune importante de la proposition des ACVM est que proposer un indicateur de risque normalisé peut suggérer que le risque peut être représenté par une mesure unique. Le risque de placement a de multiples facettes; essayer de le distiller en un seul chiffre implique que c’est la seule mesure du risque digne de considération. Au contraire, il y a de nombreux facteurs de risque à considérer, parmi eux des facteurs systématiques comme le risque lié aux actions et celui lié aux taux d’intérêt, ainsi que des facteurs propres aux titres eux-mêmes.

À Morningstar, notre soumission aux ACVM reflète la position de la société, qui est que les mesures du risque uniques sont risquées et qu’il y a de meilleures façons de mesurer le risque de perte d’argent que l’écart-type.

Nous croyons que la valeur conditionnelle exposée au risque est une bien meilleure manière de mesurer le risque de perte d’argent pour les investisseurs que l’écart-type, mais nous sommes ouverts au débat. Qu’une solution suffise n’est jamais suffisant quand une meilleure solution saute aux yeux.

Photo Bloomberg